L’identité sacerdotale se fonde sur la miséricorde

vendredi 4 septembre 2015
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Invoquer l’amour de Jésus en passant à la trappe son appel à la conversion relève plus du péché contre l’Esprit Saint que de la miséricorde divine



« Les Missionnaires de la miséricorde divine entendent vivre de la spiritualité de sainte Faustine. Entretien avec l’abbé Fabrice Loiseau, fondateur de cette société de prêtres installée à Toulon qui fêtera le 13 septembre ses 10 ans.

Pourquoi le prêtre est-il par excellence le missionnaire de la miséricorde ?

Le Christ est venu dans le monde pour sauver tous les pécheurs. Faire miséricorde. Le prêtre étant un alter Christi, identifié à Jésus-Christ pasteur, la première forme de sa pastorale doit être d’offrir ce salut, cette miséricorde, aux pécheurs. Il est d’abord là pour ça et n’est pas un animateur social, un psychologue ou une aide humanitaire ! L’identité sacerdotale se fonde sur la miséricorde. Le prêtre n’est prêtre que pour vivre et annoncer cette miséricorde. C’est dans son être, inscrit dans son âme.

Comment, concrètement, le prêtre témoigne-t-il de la miséricorde ?

Le prêtre est l’homme de la miséricorde d’abord à travers les sacrements qui, tous, jaillissent du cœur de Jésus miséricordieux. L’Eucharistie est la première des miséricordes puisqu’elle est la présence du Christ, la vie de Jésus dans les âmes. Et tous les sacrements, du baptême jusqu’au sacrement des malades – miséricorde pour ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme – en passant bien évidemment par le sacrement du pardon.

Homme de la miséricorde, le prêtre doit l’être aussi dans le kérygme. C’est le thème essentiel de son annonce. Car il n’est pas là pour faire de la morale ! Au centre de la mission, voilà ce qu’il doit dire essentiellement : « Le Seigneur vous aime et, dès aujourd’hui, vous pouvez connaître le salut en regrettant vos péchés et en vivant de la miséricorde de Dieu ».

Je crois que c’est aussi liturgiquement que le prêtre doit mettre l’accent sur la miséricorde. Chez nous, la fête de la divine miséricorde, le dimanche après Pâques, est particulièrement solennisée. C’est une proclamation liturgique de l’amour du Christ pour l’humanité.

Ne trouvez-vous pas que le dimanche de la divine miséricorde est encore peu fêté dans l’Église catholique ?

Règne en effet une terrible inertie autour de cette grande fête. Je n’ai jamais rencontré un seul prêtre qui soit contre. Mais beaucoup n’y voient pas d’intérêt puisque, disent-ils, on a déjà la solennité du Sacré Cœur ou celle de la petite Thérèse ! C’est pourtant un enjeu énorme et un engagement fort de Jean-Paul II qui l’a instituée pour l’Église universelle. La clé de son pontificat. Que sainte Faustine soit la première sainte de l’an 2000 et du nouveau millénaire n’est pas anodin.

Quelle différence établir entre la spiritualité de la miséricorde divine et celle du Sacré Cœur ?

Les deux se complètent, puisque le Sacré Cœur est la source de la miséricorde. La miséricorde insiste cependant plus sur le salut de l’homme pécheur. L’histoire du salut est d’ailleurs l’histoire de la miséricorde qui s’est penchée sur l’humanité blessée par le péché. On pourrait dire, pour simplifier, que le Sacré Cœur, c’est l’amour pour tous les hommes et la miséricorde, l’amour pour l’homme qui est dans la misère. Pas mal pour une époque accablée par le péché !

« Plus peut-être que celle de l’homme d’autrefois, la mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde », écrivait Jean-Paul II dans son encyclique Dives in misericordia. Pourquoi ?

Ils ont toujours existé et existeront jusqu’à la fin des temps, les mauvais empereurs, les mauvais rois, les mauvais chrétiens ou les mauvais prélats. L’homme est pécheur : rien de nouveau sous le soleil. Mais aujourd’hui, le péché est devenu institutionnel. La société n’est plus seulement tentatrice, mais créatrice de lois qui sont autant de péchés. C’est ce que Jean-Paul II appelle la « culture de mort », faite de structures de péchés qui enferment les hommes dans des structures de désespoir. La miséricorde en est l’antidote, le seul. Le « pouvoir qui pose une limite au mal » disait le saint pape dans Mémoire et identité.

Ou « l’ultime planche de salut pour l’humanité » disait Jésus à sainte Faustine…
Rien de moins ! Le recours à la miséricorde n’est pas une « dévotionnette », mais bien le dernier espoir de l’humanité. La spiritualité du IIIe millénaire comme l’annonçait là encore Jean-Paul II. J’y perçois une très forte dimension eschatologique. Une question de vie ou de mort. Car, le drame de l’humanité, finalement, est d’accepter d’être aimée par Dieu. Ou pas. L’enjeu de la fin des temps est de redonner à l’homme l’amour de Dieu qui redonne vie. Or, plus que toute autre spiritualité, la miséricorde est ce Dieu qui vient chercher l’homme pécheur. Ce n’est pas seulement un amour qui pardonne, mais un amour qui ressuscite.

La miséricorde est un enjeu majeur. Y compris pour le diable qui semble s’acharner à vouloir la déformer…

Gare aux récupérateurs de la miséricorde ! Le diable veut la travestir. L’écraser sous le poids du mal. En faire une vulgaire « bonasserie ». La défigurer pour qu’elle ne soit plus le pardon de Dieu pour l’homme pécheur qui se convertit et reprend confiance dans la bonté de Dieu, mais une certaine reconnaissance du mal. Une espèce d’autojustification par rapport à Dieu. Or, si l’homme ne se considère plus pécheur, en quoi aurait-il encore besoin de la miséricorde ? « Pas de miséricorde sans justice et vérité » martèle le pape François. La miséricorde de Dieu ne peut se déverser dans le cœur que si l’homme reconnaît, confesse, la gravité de son péché dans une démarche de vérité.

Comment tenir ensemble miséricorde et appel à la conversion ?

Accueillir le pécheur avec bonté, patience et psychologie ne signifie en rien l’installer dans sa situation de pécheur ni devenir complice de son péché. Chrétiens ou non, les gens le sentent. Je le vois sur les plages, par exemple, quand je vais à la rencontre des estivants. Beaucoup ne savent pas qu’ils sont malheureux parce qu’ils sont pécheurs. Parce qu’ils vivent dans des situations qui les éloignent de Dieu. Mettre le doigt sur ce qui les fait souffrir, sur ce qui les blesse, peut leur être d’un grand secours. Invoquer l’amour de Jésus en passant à la trappe son appel à la conversion relève plus du péché contre l’Esprit Saint que de la miséricorde divine. C’est un blasphème. N’oublions jamais cela, surtout quand l’on va au-devant de nos frères musulmans.

L’évangélisation des musulmans est un charisme de votre communauté… Pourquoi ?

Pour nous, aller au-devant de nos frères musulmans, y compris des salafistes aux tendances les plus dures, cela fait partie de la miséricorde. Celle-ci est d’ailleurs le point d’accroche avec eux. On peut leur dire : « tu es un vrai frère car la miséricorde est un thème capital pour toi ». Certes, pour les musulmans, Allah fait miséricorde à qui il veut et il la retire à qui il veut. Dans le Coran, la miséricorde est donc liée à une volonté divine arbitraire. Mais l’idée est là et permet d’établir une relation, de nouer le dialogue avec eux. Puis de leur annoncer l’Évangile car le dialogue interreligieux ne peut remplacer l’annonce du Christ miséricordieux ».

Source

Famille chrétienne gare aux récupérateurs de la miséricorde