Les gilets jaunes ne veulent pas la fin des classes moyennes

mardi 19 février 2019
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Les gilets jaunes ne veulent pas la fin des classes moyennes
C’est une Révolution



« Que signifie l’émeute des gilets jaunes ? Non pas l’émergence d’un mouvement politique de plus mais les prémisses d’une prise de conscience sociale qui est particulièrement difficile à vivre, celle que Christophe Guilluy appelle la fin des classes moyennes.

Alors qu’il se trouvait en Argentine, au G20, dans les hautes sphères de la mondialisation (tout un symbole), notre Président est apparu dix minutes sur les ondes françaises, pour répondre au chaos parisien du 1er décembre : « C’est une révolte ! affirme-t-il. Elle est violente, inadmissible, antidémocratique ! » Non, Emmanuel, ce n’est pas une simple révolte, qui se terminerait avec la fin du jour qui l’a vu naître. C’est une Révolution, c’est un renversement de perspective, qui fera date, c’est une nouvelle mentalité qui naît, prenant acte des nouveaux rapports de force qui traversent la société.

Jusqu’ici, ces classes moyennes, qui se croyaient sans doute encore au temps béni des années 80, pensaient travailler à leur élévation sociale et elles y travaillaient dur. Et voilà qu’elles découvrent petit à petit que dans la nouvelle donne socio-économique, leur avenir n’est simplement pas prévu. Elles réalisent lentement que le progrès social fait long feu, et cela face aux progrès de l’Intelligence artificielle, qui supprime les emplois non qualifiés, comme face à la concurrence des populations exogènes, qui font baisser le coût de la main-d’œuvre en créant du chômage. Ce n’est pas pour rien que M. Macron parle de « classe laborieuse ». La disparition de la classe moyenne est programmée. Face aux très riches, il n’y a plus que ce que l’on appelle « la classe populaire ». On a juste pour l’ex-classe moyenne, quelques petits cadeaux qu’on condescend à lui faire à la marge (le chèque énergie par exemple) pour lui rendre moins dur ce processus inéluctable de dégringolade sociale.

Mondialisation oblige ! Seuls ceux de ses rejetons qui émigrent, qui quittent ce pays auront un avenir. Un avenir d’immigrés, d’ailleurs, prêts à quitter aussi le pays qui les aura momentanément abrités. Un avenir sans racine et sans culture, quelque part sur la planète. La mondialisation, dit Christophe Guilluy, c’est « la disparition de la classe moyenne »… qui a de plus en plus de mal à vivre, et qui, enfin, est noyée sous les taxes.

Cette prise de conscience apparaît contagieuse puisque les Gilets jaunes existent déjà en Belgique. C’est une révolution mentale que réalisent les classes moyennes, réfléchissant à leur absence d’avenir. Une telle révolution se propagera dans l’Occident tout entier. Comme chaque fois dans l’histoire, elle commence en France.

Pays légal contre pays réel

Autant dire que, sous une forme ou sous une autre, l’aventure des gilets jaunes n’est pas finie, au moins s’ils restent ce qu’ils sont, s’ils n’ont pas l’idée saugrenue de s’organiser, pour que l’Etat puisse acheter les responsables comme il a toujours acheté les syndicats. Encore faut-il aussi qu’ils ne s’étripent pas entre eux sur un programme et qu’ils ne compromettent pas leur unité informelle, en créant des mouvements qui seraient certes plus organisés mais désunis. L’important n’est pas vraiment leur programme, qui change d’un groupe à l’autre, mais ce qu’ils sont : la majorité dite silencieuse, celle que l’on n’entendait plus.

Il n’a jamais appartenu à la plèbe de gouverner. Il lui appartient en revanche de défendre ses droits, comme cela existait déjà pendant la République romaine, où l’on élisait pour cela un tribun de la plèbe, non pas un consul ni un simple questeur, non pas un représentant, mais un fondé de pouvoir qui puisse défendre le peuple attaqué aujourd’hui par le projet mondialiste. D’instinct les gilets jaunes ont compris que c’était un ou des tribuns de la plèbe qu’il leur fallait, puisqu’ils ont choisi justement de nommer des communicants et pas des représentants (au grand embarras du pouvoir).

Benjamin Griveau le porte-parole de M. Macron a eu raison d’expliquer que l’insurrection des gilets jaunes est un sursaut du pays réel contre le pays légal, même s’il s’est trompé en attribuant cette distinction à Marc Bloch (et non, comme de juste, à Charles Maurras). Le pays légal est au service de la super-classe mondiale. Il n’a plus en vue la grandeur ou au moins la prospérité du pays mais la facilitation du commerce mondial. Les Français viennent de se rendre compte que l’on compte sur eux pour contribuer à faire tourner la machine qui les écrase selon une équation simple : toujours plus de taxe, toujours moins de prospérité ou de facilité. Voilà qui alimente une colère qui ne devrait pas s’apaiser de sitôt, car elle provient de la structure même de l’Etat providence.

Emmanuel Macron a jugé bon de laisser pourrir la situation, parce qu’il n’a jamais pris au sérieux ce peuple, aujourd’hui vieillissant. Mais il a un problème désormais, c’est qu’à force de ne pas répondre aux interpellations réitérées des GJ, il a concentré sur sa tête la colère populaire. Il est devenu son propre fusible. Plus d’échappatoire ! »

Abbé G. de Tanoüarn

(Article paru dans Monde & Vie n° 963)