Des paroles ou des actes

mercredi 4 avril 2018
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Emmanuel Macron aux Invalides : des paroles ou des actes ?

par Jean-Pierre Maugendre

« Il incombait au président de la République de rendre hommage, au nom de la nation, au sacrifice héroïque du colonel Beltrame égorgé par un terroriste islamiste le 23 mars dernier. Dans le cadre majestueux de la cour d’honneur des Invalides, le chef de l’État a tenu un discours empreint de gravité et d’émotion.

Rompant avec les ukases du politiquement correct, il a dénoncé « l’hydre islamiste », « l’islamisme souterrain ». Il s’agit là d’un incontestable retour à la réalité. Par une de ces manipulations médiatiques qui laissent pantois, le danger partout dénoncé était jusqu’à peu celui de la « radicalisation », comprise comme une forme d’intégrisme religieux.

Le chef de l’État a tenu des propos émouvants sur « le service de la France », « les grands soldats français ». Il en a appelé aux mânes des guerriers de Reims et de Patay, mêlant Jeanne d’Arc et le général De Gaulle dans un même élan au service de la France. C’est ainsi, en héritier d’une histoire millénaire, qu’il s’est, courageusement, positionné, rappelant que « la France mérite qu’on lui donne le meilleur de soi ». Dans ce survol historique, chacun aura observé qu’il ne fut guère question de la République, citée à seulement deux reprises : une fois, en conclusion, dans la formule consacrée : « Vive la République. Vive la France » ; une fois dans une réflexion plus absconse d’essence stoïcienne : « Le socle vivant de la République, c’est la force d’âme ! » Autres mantras absents du discours présidentiel : l’Europe, les droits de l’Homme, la démocratie, etc. En son temps, lors de la « grande guerre patriotique » contre l’Allemagne nazie, le maréchal Staline avait mis en sourdine les discours fleuves sur la « patrie des travailleurs » au bénéfice de la « sainte Russie », réhabilitant, en partie, l’Église orthodoxe.

Enfin, Emmanuel Macron a pris des engagements. S’adressant à la famille et au défunt, il a fait des promesses : « Nous vous devons qu’il ne soit pas mort en vain (…) Votre sacrifice nous oblige, nous élève. Il nous dit ce qu’est la France ».

D’inexprimables non dits

Malgré cela, ce discours laisse un certain goût d’inachevé. Nous savons maintenant, grâce au chef de l’État, que le péril est islamiste et que Mireille Knoll était juive. En revanche, concernant le colonel Beltrame, les propos deviennent sibyllins. Derrière la mention du « ressort intime de la transcendance qui le portait », il faut sans doute comprendre qu’il était catholique : comme s’il était des mots que la laïcité interdirait de prononcer de manière positive.

Le père Hamel, lui aussi égorgé par un islamiste –une manie –, était ainsi devenu dans la bouche de François Hollande, un « martyr de la République ». Accordons à Emmanuel Macron qu’il nous a épargné ce genre de billevesées. Il semble cependant que le statut de majorité déchue, qui est celui de la religion catholique, ne la mette pas sur un pied d’égalité avec les autres religions historiquement minoritaires. Qui doutera que le même acte posé par un membre d’une autre religion eut donné lieu à un concert de louanges sur les mérites de la dite religion ?

Exaltant « l’esprit français de résistance » et faisant référence à « Jean Moulin, Pierre Brossolette, les martyrs du Vercors et les combattants des maquis », Emmanuel Macron a, sans y prendre garde, révélé aux Français que, selon lui, notre pays était occupé. Nous aimerions bien savoir par qui et quelles mesures il compte prendre pour libérer le pays. On n’ose imaginer à quel chef de l’État français d’un pays occupé par l’ennemi et cherchant à s’en libérer, sans avoir toujours la liberté de le dire, il pourrait faire penser…

Les défis à venir

Au-delà de ces bonnes paroles, le chef de l’État est confronté à un défi gigantesque dont les trois dimensions essentielles semblent être les suivantes.

Tout d’abord, il convient de désigner clairement l’ennemi et de lui faire effectivement la guerre. Le triptyque terrorisme-islam-immigration est inextricablement lié. Or l’immigration massive se poursuit, les décisions de reconduites aux frontières ne sont pas appliquées et l’on vient d’apprendre que le gouvernement algérien a mandaté cent imams pour aider ses citoyens vivant en France à faire un bon ramadan. Certainement pour leur prêcher l’amour de la France, de son histoire et de son peuple ! Lors d’un débat à la Chambre, le 8 mars 1918, le radical Clemenceau, alors président du Conseil, avait conclu son intervention par une formule choc : « Politique intérieure : je fais la guerre. Politique étrangère : je fais la guerre. Je fais toujours la guerre ».

Le normalien qui a préparé le discours du président aurait également pu relever dans ce débat : « Il faut savoir défendre la République autrement que par des gesticulations, par des vociférations et par des cris inarticulés ». Les hommes ni les temps ne changent… Faire la guerre c’est aussi, certainement, mettre en sommeil certains aspects de l’État de droit. Quand il y a le feu au château, l’interdiction de marcher sur les pelouses devient caduque.

Il revient ensuite au chef de l’État de rassembler le pays. Il en a manifesté l’intention invitant l’ensemble des parlementaires, toutes tendances confondues, à l’hommage national rendu aux Invalides. « En même temps », il multiplie pourtant les initiatives clivantes ouvrant les débats sur la PMA pour tous et la GPA ; ou, plus ou moins impopulaires, réduisant la vitesse sur les routes secondaires en province à 80 km/h, augmentant la CSG pour les retraités, etc. Concrètement, selon la formule attribuée à Georges Pompidou, il continue « d’emm. les Français ». Ce n’est pas le meilleur moyen de les rassembler contre l’ennemi commun.

Enfin, il faudra bien un jour s’interroger honnêtement sur ce fait incontestable : tous les terroristes islamistes sont des enfants de l’école publique, matrice et cœur battant de la laïcité républicaine. Or le ministre de l’Éducation nationale a soutenu une initiative parlementaire rendant plus complexe la création d’écoles hors-contrat. De même, comme l’a révélé la Fondation pour l’École, ses services multiplient les inspections des écoles catholiques ou Montessori, délaissant les écoles musulmanes. Aucun terroriste n’est pourtant issu de ce type d’école.

Tout se passe comme si l’on n’avait ainsi pas compris, au sommet de l’État, qu’il est vain de croire que l’on fera reculer l’islamisme en s’efforçant d’éradiquer, dans le même mouvement, le catholicisme hérité de nos pères. La « transcendance » qui animait le colonel Beltrame est une des aspirations les plus fortes de l’âme humaine. La laïcité à la française, qui réduit le fait religieux à une conviction personnelle et privée, mutile l’âme et donc l’homme.

Au contraire, quand Emmanuel Macron affirme : « Il (colonel Beltrame) nous dit ce qu’est la France », inconsciemment il manifeste que la rencontre avec la France est aussi, inéluctablement, une rencontre avec le christianisme qui en a façonné les mœurs et modelé les terroirs, ce dont témoigne la conversion du colonel.

Éric Zemmour l’a bien compris, observant : « Arnaud Beltrame est l’héritier des chevaliers et des moines, pas des vedettes de la télé-réalité ». La confrontation entre le cercueil du militaire mort dans l’accomplissement de sa mission et le discours de l’homme politique a déjà été merveilleusement illustrée par Alfred de Vigny, il y a près de deux siècles : « La parole, qui trop souvent n’est qu’un mot pour l’homme de haute politique, devient un fait terrible pour l’homme d’armes ; ce que l’un dit légèrement ou avec perfidie, l’autre l’écrit sur la poussière avec son sang » (Servitude et grandeur militaire).

Pour un prochain discours sur le « vivre-ensemble », signalons enfin à l’hôte de l’Élysée l’émouvant poème, brodé sur un napperon tricolore, composé par une patriote française de confession juive, lors du rattachement de l’Alsace et de la Moselle à l’Empire allemand et pieusement conservé au Musée Alsacien de Strasbourg :

À la France immortelle
Nos cœurs pour l’aimer
Nos bras pour la défendre
Nos vies pour la servir. »

Jean-Pierre Maugendre

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Renaissance catholique Emmanuel Macron des paroles ou des actes ?


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