Deux réflexions sur le positionnement controversé d’une partie de l’Eglise de France à l’égard des migrants

mardi 10 novembre 2015
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Eléments de réflexion et questionnements
sur le positionnement controversé d’une partie de l’Eglise de France
à l’égard des migrants



L’Eglise et les migrants. Trois lignes de fracture entre l’enseignement de l’Eglise pérenne et l’enseignement d’un Eglise qui se veut en avance sur le troisième Millénaire

Résumé de la conférence donnée au Centre Saint Paul par M. l’abbé de Tanouärn sur l’Eglise et les migrants ou plutôt sur L’amour la politique et les migrants. Il me paraît intéressant de retenir trois conclusions montrant trois lignes de fractures entre l’enseignement de l’Eglise pérenne et l’enseignement d’un Eglise qui se veut en avance sur le troisième Millénaire.

L’Eglise s’est intéressé très tôt aux migrants. Elle a instauré chaque année une Journée des migrants. La première a eu lieu en 1914 sous Benoît XV. Il s’agissait déjà de protéger les arméniens chrétiens (mais non membres de l’Eglise catholique) des exactions islamistes. Plus tard en 1952, Pie XII promulgue une Exhortation apostolique importante Exsul Familia Nazarethana. La sainte Famille (fuyant les massacres d’Hérode à Bethléem et partant en Egypte) a été mise en position de migration, pour des raisons clairement politiques. Le statut du migrant (qu’il soit ou non un réfugié politique) est donc mis en valeur dès les premières pages de l’Evangile de Matthieu, affirme Pie XII, qui voit dans la fuite en Egypte "le type" de toutes les migrations. Ces migrations selon lui, lorsque elles se produisent sont un mal nécessaire qui doit être traité avec charité et aussi avec justice, car la justice générale nous explique que les biens terrestre ont été créés pour tous les hommes et qu’il ne serait pas juste que certains ne puissent absolument pas y avoir accès, même si l’inégalité des richesses est constitutive de chaque société humaine. La doctrine de Pie XII, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, est à la fois ouverte et conforme à l’enseignement scolastique traditionnel.

Sous Paul VI, le ton change. Son Motu proprio Migratorum cura est devenu lyrique : "De cette mobilité des peuples découle une nouvelle et plus vaste poussée vers l’unification de tous et l’unité de l’univers entier. Les migrations en effet favorisent et promeuvent la connaissance réciproque et confirment clairement ce rapport de fraternité entre les peuples dans lequel les deux parties donnent et reçoivent à la fois". Les migrations, pour Paul VI, constituent un phénomène positif et à encourager. Pourquoi ? Elles amènent l’humanité à toujours plus d’unité. On retrouve le thème de Lumen gentium 1 : "L’Eglise est le signe et le moyen de l’union de l’homme avec Dieu et de l’unité du genre humain". J’avoue que ce thème de l’unité politique du genre humain comme objet de la quête de l’Eglise dans l’histoire m’a toujours laissé rêveur. Depuis le péché originel, l’homme sorti des mains de Dieu à partir d’un couple unique dit la Bible, donc dans une parfaite unité, peut-il retrouver cette unité malgré le péché ? L’unité spirituelle du genre humain est un thème maçonnique que l’on trouve déjà dans les Constitutions d’Anderson. J’aimerais être sûr que ce soit un thème chrétien.

La première ligne de partage est claire : d’un côté, les migrants ont été obligés de migrer. Ils ont besoin de la charité des fidèles (avec de bons aumôniers ajoute Pie XII) ; de l’autre, estime Paul VI, les migrations sont un bien qui nous approchent tous ensemble d’un accomplissement historique : l’unité du genre humain. Première ligne de fracture dans l’enseignement de l’Eglise.

Ne peut-on pas objecter que l’Eglise est "universelle" (catholique) que cela est affirmé dans la Lettre aux Smyrniotes d’Ignace d’Antioche (fin du Premier siècle) et que par conséquent cette Eglise doit être un jour absolument une ?

J’aime bien un texte du pape François dans la Lettre pour la Journée des migrants en 2015 : "L’Eglise mère de tous, sans frontières diffuse dans le monde la culture de l’accueil et de la solidarité, selon laquelle personne ne doit être considéré comme inutile ou encombrant ou à rejeter"

Quelle est l’universalité de l’Eglise ? C’est une universalité qui n’est pas univoque (comme si tous devaient absolument se trouver à l’intérieur du bateau) mais analogique, c’est-à-dire, selon Aristote, constituée d’une universalité de sujets libres. Il y a deux modèles d’universalité politique : l’universalité qui vient de l’extérieur, des jeux de la mode et de l’autocensure, du Marché et de la standardisation, que l’on peut appeler le cosmopolitisme, un mot qui nous vient de l’Antiquité et qui correspond, nous y reviendrons, aux descriptions de l’Apocalypse. Il y a un autre modèle qui respecte la liberté de chacun et ne naît pas de passions communes, de désirs communs ou de je ne sais quelle spirale mimétique (celle des modes vestimentaires, de la correctness et du conformisme intellectuel). Cette universalité analogique et catholique est libre : elle vient non du jeu des passions et du polissage social mais de l’intérieur de chacun, de l’Esprit qui « éclaire tout homme venant en ce monde ».

Chacun reçoit cette lumière à l’intime de lui-même et l’Eglise a un rôle normatif, essentiellement normatif par rapport à cette réception. Elle est seule apte à proposer la loi de la foi. Aucun Etat, aucun groupe, aucun gourou n’a le droit de se prévaloir de ce rôle que le Christ a confié depuis toujours à son Epouse mystique l’Eglise. Ainsi explique-t-on l’universalité d’un Appel dont l’Eglise a pris la charge mais qui résonne d’abord à l’intérieur de chacun. Cet appel n’est pas cosmopolite parce qu’il ne se réalise dans aucune société totalisante. Il est essentiellement respectueux de la liberté de celui qui l’a entendu. L’Eglise est universelle mais elle exerce cette universalité à l’inverse du cosmopolitisme socio-politique, en révélant à chacun sa liberté de croire.

Dans la Bible on découvre ces deux modèles : l’universalité cosmopolite est celle de Babel. On la retrouve dans l’Apocalypse où grâce à la bête de la terre (idéologique) et à la bête de la mer (puissance), l’humanité réalise son unité dans le giron de la grande Prostituée de Babylone. Les analyses d’Heinrich Schlier sont très convaincantes sur ce point. J’ajoute que le chiffre de la Bête est tatoué sur la peau, parce que cette unité est extrinsèque (pour les métaphysiciens égarés sur ce Blog, je dirai que cela participe d’une diabolique analogie d’attribution extrinsèque).

L’universalité catholique est celle qui se manifeste à la Pentecôte, où « chacun entend les apôtres s’exprimer dans sa propre langue, Parthes, Mèdes, Elamites, habitants de la Judée, de la Mésopotamie de la Cappadoce etc. » C’est la première inculturation. L’Esprit saint respecte tellement les personnes qu’il parle leur langue (et non le grec globish et cosmopolite qu’on aurait pu imaginer à l’époque). Et de même que l’Esprit saint respecte les personnes et s’adresse à chacun dans sa propre langue, de même il respecte les nations : « Allez enseignez toutes les nations... » dit Jésus à la fin de l’Evangile de saint Matthieu. Depuis Babel, soulignera Origène dans son Contre Celse, chaque nation constituée par la confusion des langues, a été munie, par la miséricorde de Dieu, de son ange, qui représente un peu sa personnalité mystique ou sa destinée salutaire.

C’est la deuxième ligne de fracture qui peut permettre d’opposer enseignement à enseignement : analogie de proportionnalité qui se constitue à partir des sujets libres ou analogie d’attribution extrinsèque, qui se réalise a posteriori par la fausse force d’un Discours unificateur et donc idéologique. Pour faire encore plus simple : c’est Babel [le discours idéologique] ou la Pentecôte [le Verbe dont l’incarnation continue dans chaque être humain s’il le veut].

Il y a une troisième ligne de fracture entre les discours, celle qui porte non sur la raison de l’universel mais sur la politique elle-même : faut-il admettre le multiculturalisme comme un fait acquis en Europe (ce que pensent tous ceux qui houspillent Nadine Morano en ce moment) ? Ou bien faut-il admettre que non seulement les peuples mais les nations, munies de leurs anges gardiens, ont de beaux jours devant elles ?

Pour répondre à ce dilemme, il faut savoir si l’amour a encore une puissance sociale, si l’amour est encore le creuset de la société politique à travers (au choix) le Pacte de Reims ou le Contrat de Jean-Jacques (personnellement mon choix est fait) ? Dans la société multiculturelle, on n’est pas défini comme citoyen par l’amour que l’on porte au bien commun, mais par son origine ethnique. L’amour n’est pas nié pour autant dans le multiculturalisme (une telle négation est impossible, elle serait inhumaine) mais au lieu d’être le creuset de la société, l’amour se réfugie dans chaque communauté et règne uniquement (ou disons : préférentiellement) entre les membres d’une ethnie, voire de ce que Michel Maffesoli a appelé avec éclat une tribu (la tribu existe selon la musique que l’on écoute le sport que l’on pratique comme supporter ou les vêtements que l’on porte et qui nous identifie). Pauvre amour devenu tribal quand la société a oublié son origine chrétienne !

Personnellement je ne crois pas au racisme engendré mécaniquement par le multiculturalisme, mais à une unité nationale qui se construit activement comme un amour commun à tous et qui unit chacun avec son prochain, dans une solidarité qui ne peut naître que de l’existence de frontières. En fera-t-on l’économie ? Verra-t-on la naissance d’un monde où les « peuples » auraient définitivement remplacé les « nations » et où la race et le racisme seraient les catégories fondamentales (même si elle est non-dite, surtout quand elle est non-dite) de toute analyse sociale ? Je crois que la France est assez bien placée parmi les nations pour garder l’ambition chrétienne qui l’a fait naître : l’idée que loin d’être un bobo égocentrique, chacun se doit, dans son domaine, comme commerçant, comme intellectuel, comme balayeur etc. de se mettre au service de tous... »

Source :

blogspot l’Eglise et les migrants trois lignes

« Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu »

« Notre Europe est devenue un aimant et attire à elle des centaines de milliers de « migrants », des millions mêmes probablement. Si elle reste passive, ces millions deviendront des dizaines de millions. Au nom de valeurs forts respectables, d’aucuns clament qu’il faut accueillir à tout va. Pour le chrétien, la question se pose de savoir comment réagir. À y réfléchir, la réponse semble donnée par cette parole rapportés par l’évangile de Luc (20-25) : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. En notre époque où il est fréquent de tout mélanger, elles précisent fort exactement ce qui ressort du comportement personnel d’un disciple de Jésus-Christ, et ce qui ressort de celui de l’État, que le Catéchisme de l’Église Catholique définit ainsi en son article 1910 : » Il revient à l’État de défendre et de promouvoir le bien commun de la société civile, des citoyens et des corps intermédiaires ».

Face à des problèmes comme l’exode massif de migrants, le SIDA ou encore des récidives de viols suivis de meurtres, l’État et ses « fondés de pouvoir » n’ont pas à être stigmatisés s’ils prennent des mesures qui semblent « choquantes » en regard de l’enseignement de Jésus-Christ, ce peut être la création de camps de réfugiés, ce peut être de faire distribuer des préservatifs, ce peut être encore de condamner à la peine de mort. De la part de l’État, l’angélisme n’est pas de mise. À lui de se projeter dans l’avenir et d’agir en conséquence. À noter toutefois que tout autre est le problème que pose l’avortement : il y a suppression délibérée d’un être sans défense qui a même droit d’existence que tout un chacun.

Que les autorités ecclésiastiques puissent intervenir dans ce genre de débat, c’est de leur part répondre à l’ordre de Jésus d’aller enseigner toutes les nations. Toutefois il leur faut prendre garde à ne pas s’arroger une parole à contre-emploi ou, si l’on préfère, s’immiscer indûment dans les affaires de la cité.

Malheureusement tout récemment se sont produites deux interventions très intempestives d’une même autorité ecclésiastique de notre pays. La première eut lieu à la veille des dernières élections européennes, l’intéressé jeta l’anathème sur ceux qui ne cautionnaient pas l’actuel mode de fonctionnement de l’Europe. De quel droit ? La seconde, toute récente, est un discours à l’occasion duquel la même autorité a avancé que la vague migratoire à laquelle nous assistons doit se percevoir comme une richesse pour notre pays. En affirmant cela ès qualité, elle empiète indûment sur le domaine de César qui, lui, doit prendre en compte les dangers potentiels révélés par nombre d’incidents ici ou là.

Pères pasteurs, par pitié prenez parti dans les affaires de la cité seulement pour faire respecter l’ordre voulu par Dieu. Ne vous aventurez pas dans des prises de position hasardeuses, par exemple, et très actuellement, sur l’origine du réchauffement climatique. À en juger de nombre d’épisodes historiques, tel le recul des glaciers alpins commencé vers 1850, peut-être est-il un phénomène naturel. L’Église n’a pas à prendre position quant à la cause. À elle par contre d’inciter à agir pour en limiter les effets et parallèlement pour que soient pourchassées les pollutions qui menacent l’avenir de l’humanité, non pas une mais toutes, celles de l’air liées à la combustion des hydrocarbures, celles des sols liées aux pesticides, celles de l’eau liées aux rejets d’hormones par les réseaux d’assainissement, de plastiques par les plaisanciers, etc. »

Source :

ndf rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu

Question connexe aux donneurs de leçon : comment donner un emploi en France à tous ces migrants

Question connexe : comment donner un emploi à tous ces migrants, alors que :

I.La France enregistre un chômage massif

6 millions de chômeurs en France au 31 juillet 2015, toutes catégories confondues (ensemble des inscrits dans les cinq catégories de Pôle emploi en France entière) dont 3,4 millions de chômeurs de catégorie A (le seul chiffre généralement cité) , source INSEE

« En réalité, l’ensemble de la société française repose sur le travail de 40 % de la population. Mieux : si on exclut les agents publics (5,4 millions de personnes), qui sont par définition rémunérés par l’État, et donc par les richesses créées par le secteur privé, l’ensemble de la société repose sur le travail productif de 31 % de la population. C’est-à-dire que l’ensemble des transferts sociaux, des services publics, des financements publics, des subventions et des dépenses de l’administration publique est financé par moins d’un tiers de la population. »

II.Les personnes d’origine étrangère déjà installées en France sont, pour près de la moitié d’entre elles, déjà au chômage

43,3% des individus d’origine étrangère sont au chômage en France (source OCDE)
Mise en ligne le 9 novembre 2015

« Alors que le gouvernement français tente de faire croire que l’immigration est un facteur de création de richesse, les données de l’Organisation de Coopération et de Développement économique (OCDE), dont le siège est à Paris, informe que le taux de chômage des immigrés est près de quatre fois plus élevé que la moyenne nationale. Le seul RSA distribué aux étrangers (ne comprenant pas les naturalisés qui sont inclus dans ces 43,3%) coûte 2,75 milliards par an. Les allocations chômage pour les étrangers coûtent eux 6 milliards (source : calcul Gourévitch dans Les migrations pour les nuls (éditions First) pour 2010). »

III. Les déficits publics (budget de l’Etat, budget de la sécurité sociale et des compte sociaux) sont lourdement déficitaires et l’endettement global de la France (à la fin du deuxième trimestre 2015, la dette publique s’établissait à 2 105,4 Md€, en hausse de 16,0 Md€ par rapport au trimestre précédent. Exprimée en pourcentage du PIB, elle augmente de 0,2 point par rapport au premier trimestre 2015, à 97,6 %) ne cesse de croître, contrairement aux engagements et prévisions de la classe politique actuelle.

Sites à consulter :

Yves Daoudal à propos des migrants

fr irefeurope le vrai taux de chômage

économie gouv dette publique