En France, la culture de mort ne fait que se renforcer

samedi 3 août 2019
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Combattre ou disparaitre



« Le repos des vacances peut être mis à profit pour une réflexion fructueuse sur les sujets importants - c’est justement ce qu’on appelle la « tête reposée ». Et parmi ceux-ci figure à mon sens la nature du pouvoir politique, et de là, la nature du pouvoir que nous pensons exercer sur nous-mêmes. C’est une réflexion que je conduis moi-même depuis fort longtemps, et dont je souhaite partager quelques résultats.

Ce sur quoi je voudrais attirer l’attention, ce qui est de nouveau en cause aujourd’hui, et d’une manière dramatique et urgente, c’est le respect de la vie et la dénonciation de la prétention humaine à s’en rendre seule maîtresse et seule juge. Ce totalitarisme barbare s’épanouit aujourd’hui grâce à trois situations créées par ses partisans : la fin des états nations, le retour en force d’un des moteurs les plus pernicieux de la philosophie des Lumières, qui est la foi aveugle dans le progrès, et, j’ai honte de le dire, la mollesse des Églises. Et sur ce dernier point, je dois cependant à la vérité de remarquer qu’il y a eu amélioration pour l’Église catholique. Plusieurs évêques ont condamné publiquement la mise à mort de Vincent Lambert, dans le sillage du témoignage de l’héroïque Monseigneur Von Galen dénonçant, en son temps, l’extermination des handicapés mentaux par les nazis Nous étions loin du triste silence catholique français de 1974 face à la loi Veil et à sa très rapide violation qui démultiplia les avortements en France, comme aussi des divisions catholiques de 2013 concernant le « mariage pour tous ».

En France, la culture de mort ne fait que se renforcer

La résistance catholique doit cependant dès maintenant se préparer et se renforcer. Pourquoi ? Tout simplement parce que depuis 2012, en France, la culture de mort dont parlait Saint Jean Paul Il ne fait que se renforcer. Malgré le « non » français de 2005 sur le traité constitutionnel européen (par référendum), le gouvernement français de 2007 imposa par la voie parlementaire le traité de Lisbonne qui acheva la sonnerie du glas des états nations.

Autrement dit, à l’heure où j’écris ces lignes, après l’avoir détaillé dans mes trois derniers livres, il n’y a plus de souveraineté française, ou presque plus, et beaucoup de faux-semblants. Par exemple nous avons une armée, qui, je le dis au passage a beaucoup de mérite, mais qui faute de moyens n’est pas entièrement libre d’agir au mieux des intérêts de la France, tout comme le président lui-même. Quand nos avions bombardent, ils le font à crédit, ce qui augmente notre dette et notre dépendance. Cette dette dont le service, deuxième poste budgétaire de l’Etat, maintient notre pays dans la soumission aux puissances financières.

Ainsi, en arrivant au pouvoir en 2012, François Hollande, ennemi de l’Église catholique, avait une avenue devant lui pour s’attaquer à la civilisation chrétienne qui avait fait la France, et pour cela il s’entoura de gens « compétents » Ceux-ci surent s’unir malgré leurs nombreuses divergences, contrairement aux catholiques, certains catholiques étant même allés jusqu’à faire campagne et à voter pour lui, alors que ses projets de lois dites civilisationnelles étaient tous inscrits dans son programme. Sans doute y avait-il chez nombre de ces catholiques-là quelque chose de plus que le « tout sauf Sarkozy ». Sans doute étaient-ils séduits par la nouvelle morale hollandaise, queue de mai 1968, que je dénonçais déjà en 1975 dans un livre intitulé Chrétiens sans religion.

J’ai tâché depuis d’investiguer les problématiques sous-tendant ces sujets de société, leurs causes profondes. Ce furent des blogs, des livres, des interventions, des conférences donnant lieu à d’intéressantes réactions qui nourrirent ma réflexion en retour. Il fallait rappeler quelques vérités historiques et doctrinales, méconnues ou oubliées aujourd’hui. La vérité essentielle est que la France ne s’est jamais remise de la révolution de 1789. Je suis très loin d’être nostalgique de l’Ancien Régime, tout comme d’ailleurs le roi Louis XVI qui se voulut réformateur dès le tout début de son règne -ce pourquoi, j’aimerais bien que l’on cessât de les caricaturer ! Des dix ans de malheur (1789-1799) de cette sinistre époque sont nées des oppositions « congénitales » entre l’Église et l’État, autrement dit une relation conflictuelle qui ne pouvait qu’empirer entre deux pouvoirs qui devraient, chacun selon son caractère propre, travailler au bien commun. Ce qui fut le cas avant 1789, non sans anicroches, mais sans amener pour autant à des impasses venant des conceptions philosophiques qui produisirent la révolution. Et pendant que l’Église, les Papes surtout, travaillaient à lutter contre les effets pervers de la philosophie des Lumières, la classe ouvrière se déchristianisait de plus en plus, parce que se croyant abandonnée. Cela se fit lentement mais sûrement, tout comme pour l’élite de notre société. On peut regretter que l’Eglise n’ait pas réagi plus vite aux graves questions sociales que posait le capitalisme naissant Le manifeste du Parti communiste date de 1848. La première encyclique sur la doctrine sociale de l’Église de 1891. Ce retard ne fut jamais rattrapé.

Une autre conséquence de la révolution : l’exacerbation de la nation, devenant une Entité mystérieuse, une idole floue , la Nation révolutionnaire avec un grand « N » remplaçant les souverains dont tout le monde savait bien qu’ils n’étaient que des hommes, même, et surtout, sacrés ! La Nation révolutionnaire française deviendra rapidement une entité monstrueuse capable d’exiger les pires cruautés et sacrifices. Les différentes guerres du 19e siècle en sont le produit, tout comme les deux guerres mondiales qui préparèrent ainsi les esprits à rejeter le concept meurtrier de Nation, et avec elle la patrie, la nation au petit « n ». Une nation n’a pourtant pas de vocation meurtrière en soi. Mais quand on en fait le substrat de l’idéologie, de la lutte politique du bien contre le mal, on la pousse au crime et l’on finit par la faire haïr, ce qui est alors bien compréhensible. Et c’est ainsi qu’on incite à la détruire au nom de l’esprit de paix, achevant ainsi l’œuvre de la révolution, en ayant abaissé puis pratiquement détruit le pouvoir politique au profit de celui de l’argent. Cela dit, il y a fort à parier que la disparition de la souveraineté dans les pays qui forment l’Union européenne ait aussi pour conséquence l’impossibilité pour ladite Union de développer une quelconque souveraineté propre. Il n’est jamais trop tard pour dire la vérité, même après des décennies de mensonge. C’est ce sursaut que j’aimerais voir chez les chrétiens et tout particulièrement chez les catholiques.

C’est ce à quoi j’ai tenté de m’employer dans mon dernier ouvrage, Sous le signe d’Emmanuel (qui vient de sortir en deux tomes, le I, La chute de la Maison France, et le Il, Dans l’attente de l’aube, chroniquant successivement les quinquennats de François Hollande et d’Emmanuel Macron). J’y pose de nombreuses questions sur les événements importants de 2012 à 2018, y compris la campagne électorale des présidentielles, peu honorable, comme le reste. On pourra en consulter à la fin de ce blog la table des matières.

L’essoufflement, voire la fin de nos actuelles institutions

Enfin, si l’on pense comme moi, que toutes ces choses marquent l’essoufflement, voire la fin de nos actuelles institutions, on pourra se reporter à mes deux ouvrages antérieurs. Il y a quelque chose de pourri au royaume de France, et L’heure du royaume de France est-elle venue ? J’y propose une royauté constitutionnelle, conforme au rôle singulier de la France. Il ne s’agit donc ni de copier le modèle britannique, ni de retourner à ce qui se passait avant 1789. Je renvoie à la Charte de 1814, qui fonctionna jusqu’en 1848, et qui impliquait un Concordat avec les religions reconnues dans la France de cette époque. Bien sûr, ce n’est pas pour reprendre l’ensemble tel quel. Il s’agit simplement, mais ce n’est pas facile pour autant, de s’inscrire dans la continuité historique et spirituelle des siècles, tout en trouvant les adaptations et modifications à notre temps. C’est l’exercice auquel je m’étais livré avec Odon Lafontaine, en conclusion de notre livre, La Laïcité, mère porteuse de l’islam ? Tout partisan de la royauté devrait méditer en ce sens cette définition qu’un français exilé en Angleterre donna des émigrés entourant le Comte d’Artois à Londres : « des gens qui n’ont rien su oublier, ni rien apprendre » (l’expression viendrait à l’origine de la correspondance entre le chevalier de Panat et Mallet du Pan, et non de Talleyrand comme on le dit souvent, lequel aurait été fort capable de la reprendre contre les ultra sous la Restauration).

Les élections municipales approchent. Elles sont importantes, tant dans la Constitution actuelle que dans une autre à laquelle je songe. Ces dernières sont bien souvent les plus révélatrices de la pensée d’un pays, car on ne vote intelligemment que pour des gens qu’on connaît. Et des initiatives d’ordre spirituel peuvent être prises lors de semblables consultations. Dans la royauté constitutionnelle à laquelle je réfléchis, les élections de proximité, telles celles des municipales, constitueraient un des piliers importants de l’équilibre sociétal procuré par la royauté. Elles sont en effet le lieu de la vraie démocratie, comme elle existait au passage sous l’Ancien régime. La révolution française, antidémocrate au possible, les a dénaturées pour cela. Plus largement, elle a dénudé l’individu, lui retirant toutes ses protections devant l’État et devant les puissances économiques, en transformant la morale, les mœurs, et en supprimant en particulier des corps intermédiaires précieux pour éviter le despotisme gouvernemental - et celui de l’Argent roi. C’étaient notamment à cette époque les corporations, dont les syndicats pourraient prendre très légitimement leur suite pourvu qu’ils ne soient pas les doublets de partis politiques (fort heureusement cette mauvaise habitude semble se perdre). C’étaient les familles, dans lesquelles se faisait l’expérience du don de la vie, de son début à sa fin naturelle, et se vivait la pleine gratuité des relations personnelles - le monde qu’on nous propose semble bien hideux en comparaison, avec enfants achetés sur catalogue et fabriqués à l’envie en laboratoire (c’est la triste réalité de la PMA qui contient la GPA en puissance), et avec contractualisation voire financiarisation de toute relation. C’étaient les paroisses qui, regroupant les familles, les constituaient en corps politique (au sens noble du terme), et dont le groupement des groupements, structuré également par tous ces autres corps intermédiaires que j’évoquais, formait la nation. C’était l’Eglise enfin, parmi et dans et au-dessous et au-dessus de tout cela, secours des pauvres, défenseur des faibles face à l’arbitraire, ordonnatrice d’une charité vraiment gratuite, dispensatrice de cette morale simple qui forge encore le bon sens populaire et qui tâchait de maintenir les puissances d’argent sous tutelle, montrant le sens de la vie et de l’histoire qui élevait les hommes, quand le matérialisme progressiste en fait des esclaves, écrasés par le totalitarisme du pouvoir, exploités par l’Argent roi.

Dénoncer le totalitarisme institué par les Lumières et la révolution

Oui, il faut dénoncer le totalitarisme institué par les Lumières et la révolution, incarné par l’alliance fusionnelle du politique et de l’argent, totalitarisme de plus en plus prégnant à mesure qu’il détruit le monde d’avant. Il se signale notamment par la mégalomanie de nos dirigeants politiques, qui va s’empirant, dans le même temps qu’ils cèdent toujours plus la réalité du pouvoir à l’Argent roi. Tout serviteur de la finance qu’il soit, le Chef se prétend ainsi chaque jour plus omniscient et omnipotent : il sait, lui, où débute et se termine la dignité de la vie humaine, décidant par lui-même quand un de ses sujets peut vivre et doit mourir. Il décide souverainement du juste salaire des travailleurs, et plus encore, de la dignité de leur condition. Il sait ce qui fait que des gens « ne sont rien ». Il sait mieux que tous ce qu’est la France, et s’arroge tous les pouvoirs pour la transformer à sa guise. Il est le seul héritier de notre histoire et de notre patrimoine, seul habilité à en maîtriser la transmission, au point de se sentir capable de reconstruire en temps record un chef d’œuvre d’architecture qu’il a fallu des siècles pour édifier. Et même de lui apporter les « améliorations nécessaires » que les béotiens des générations passées étaient incapables de concevoir. Lui seul sait, et peut ainsi corriger les défauts de notre histoire, et décider de ce qu’elle sera pour la France, pour le monde et « per omnia saecula saeculorum ». A ce compte, il n’est guère que Notre Seigneur Jésus Christ à pouvoir le dépasser encore d’une courte tête, lui qui releva le Temple de Jérusalem en trois jours. Car le vrai Temple, c’est lui-même, qui ressuscita trois jours après sa mort. Mais qui sait, le transhumanisme donnera peut-être à nos chefs les moyens de la vie éternelle ? » [ ]

Site à consulter : blog du Père Michel Viot