Le catholicisme, religion indissociable de l’âme de la France

vendredi 27 janvier 2017
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Le catholicisme, religion indissociable de l’âme de la France
Points non négociables du pape Benoît XVI : qu’on leur adjoigne ces autres points non négociables qui me semblent en être la condition sine qua non : l’amour et la défense de la patrie ; la défense et la promotion de l’identité nationale ; la défense et la promotion de la culture et du patrimoine national – ce qui inclut dans le cas de la France la reconnaissance qu’il n’y a pas “des religions” qui se valent toutes plus ou moins, mais qu’il est bien parmi elles une religion indissociable de l’âme même du pays, le catholicisme, qui est comme la colonne vertébrale de notre identité



Suite à la lecture de son ouvrage sur l’Eglise et l’immigration, le grand malaise, le blog Le salon beige a interrogé Laurent Dandrieu :

« Vous évoquez cet épisode de la fuite de la Sainte Famille en Egypte, comme l’un des arguments récurrents de la hiérarchie catholique actuelle pour justifier l’accueil des immigrés. Mais cet argument ne se retourne-t-il pas contre cette idée d’un droit illimité à l’immigration puisque la Sainte Famille, qui fuyait la sanglante persécution d’Hérode, est retournée ensuite vivre à Nazareth ?

C’est en effet une référence récurrente dans le discours ecclésial sur l’immigration. Le premier texte magistériel sur la question, la Constitution apostolique Exsul Familia que publie Pie XII en 1952, s’ouvre d’ailleurs par cette phrase : « La famille de Nazareth, Jésus, Marie, Joseph en exil, émigrant en Égypte et s’y réfugiant, pour échapper à la fureur d’un roi impie, telle est l’image, le modèle et le soutien de tous les émigrants et pèlerins de tous les temps et tous les lieux, de tous les exilés de quelque condition qu’ils soient, qui, chassés par la crainte des persécutions ou par la misère, se voient contraints d’abandonner leur patrie, de quitter leurs chers parents, leurs proches, leurs amis, et de gagner une terre étrangère. » Dans son message pour la Journée mondiale des migrants, en 1988, Jean-Paul II écrit pour sa part : « La Sainte Vierge, en vérité, par la façon dont elle vécut son histoire humaine, se pose comme point de référence pour les migrants et les réfugiés. Sa vie terrestre fut marquée d’une continuelle pérégrination d’un lieu à l’autre [...] Marie, en outre, connut par expérience directe la souffrance de l’exil et de l’émigration en terre étrangère. »

Mais là où Pie XII ne tirait d’autre conclusion à cette analogie qu’une consolation spirituelle pour le migrant dans ses tribulations, et le devoir pour les chrétiens de faire en sorte que ces migrants soient traités avec dignité et de leur apporter un secours spirituel, Jean-Paul II, lui, en tire une sorte de sanctification de la migration en elle-même : « Parmi toutes les expériences humaines, Dieu a voulu choisir celle de la migration pour signifier son plan de rédemption de l’homme », écrit-il dans le même message. Dans celui de l’année précédente, il écrivait que « par les migrations, la société est devenue un creuset de races, de religions et de cultures, duquel on espère un nouveau monde à hauteur d’homme, fondé sur la vérité et sur la justice ». En 1991, il note que les migrations « contribuent de manière incisive à l’unité de la famille humaine et au bien-être universel ». Et, en 2004, « le phénomène des migrations contribue à cultiver le “rêve” d’un avenir de paix pour l’humanité tout entière. »

On a donc le sentiment d’un glissement progressif du discours vers une vision prophétique des migrations, qui « sont bien l’expression d’un travail d’enfantement d’une humanité nouvelle », comme l’écrit l’instruction Erga migrantes caritas Christi du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants, approuvé par Benoît XVI en 2005, où l’on peut lire ces lignes : « Les migrations, en touchant les multiples composantes de la famille humaine, tendent en effet à l’édification d’un corps social toujours plus vaste et varié, presque dans le prolongement de la rencontre de peuples et de races qui, à la Pentecôte, par le don de l’esprit, est devenue la fraternité ecclésiale. »

L’Église semble presque en oublier que les différentes tribulations relatées par la Bible, érigées en modèles des migrations actuelles, ne ressortent pas de la volonté dont parle Jean-Paul II, dans l’encyclique Laborem exercens (1981), « de chercher de meilleures conditions de vie dans un autre pays », mais qu’elles résultent de déportations, de fuites devant la guerre ou la persécution, comme à l’évidence la fuite en Égypte de la Sainte-Famille, qui n’avait d’autre objet que de sauver l’Enfant-Jésus du massacre des innocents, comme le soulignait Pie XII.

Elle omet effectivement de préciser que ces exils vont toujours de pair avec un ardent espoir de retrouver un jour – le plus proche possible – la terre d’Israël. D’où il résulte que le thème du retour du migrant dans son pays d’origine est très rarement évoqué dans le discours de l’Église. Ce qui est inéluctable à partir du moment où l’on compte « au nombre des droits humains fondamentaux, la faculté pour chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun », comme l’écrit Benoît XVI dans son message pour le Journée mondiale des migrants 2013. Le pape François est symptomatique de cette dérive car, en même temps qu’il présente, très abusivement, tous les migrants comme des réfugiés « fuyant la guerre et la faim », il prône des politiques d’intégration intensive, comme si ces réfugiés avaient vocation à rester chez nous éternellement et à y faire souche…

Au sein de l’Eglise, le débat sur l’immigration doit-il en rester uniquement au niveau théologique, philosophique et/ou moral ? Serait-il possible d’avoir un débat sur le plan démographique ? Autrement dit, en refusant d’aborder les chiffres concrets, n’y a-t-il pas un déni du réel ?

Le fait est que le discours de l’Église, sur ces questions, n’aborde quasiment jamais la dimension collective du problème. Elle parle d’individus, de familles, jamais de masse considérables. Quand le pape François, qui reconnaît que nous faisons face à une « invasion », mentionne cette dimension collective, c’est toujours pour inviter à ne considérer malgré tout les migrants que sous l’angle personnel : « Nous ne devons pas reculer devant leur nombre, mais plutôt les voir comme des personnes, en les regardant en face et en écoutant leurs histoires », déclare-t-il ainsi, en septembre 2015, devant le Congrès des États-Unis. L’Église, par ailleurs, parle toujours du migrant avec un grand “M” : c’est un migrant abstrait, sans origine déterminée, qu’il faut accueillir quoiqu’il arrive, en respectant sa culture et sa religion d’origine, quelle qu’elles soient, puisque l’Église condamne de manière répétée toute politique d’assimilation (« On doit en effet exclure aussi bien les modèles fondés sur l’assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu’aux choix de l’apartheid », écrit ainsi Jean-Paul II dans son message 2005). L’Église se contente de prôner l’intégration, comme si c’était la même chose d’intégrer quelques familles étrangères de même culture et de même religion, et des centaines de milliers de personnes d’origine orientale ou africaine, de culture radicalement différente de la nôtre et fidèles d’une religion musulmane de plus en plus conquérante : mais ces distinguos-là, l’Église persiste à ne pas les faire, comme si ça n’était pas son problème, au prétexte qu’il ne serait pas chrétien de “faire le tri” entre les migrants… Pourtant le pape François lui-même, en revenant de Suède, le 1er novembre dernier, a reconnu qu’il y avait imprudence à recevoir plus de personnes qu’on ne peut en intégrer. Il est dommage qu’il ait multiplié les déclarations où il semble dire exactement le contraire.

Il me semblait que Benoît XVI, lorsqu’il avait énoncé les principes non négociables (respect de la vie, défense de la famille, liberté scolaire et promotion du bien commun, in Sacramentum Caritatis n°83), c’est-à-dire les fondamentaux de la société dont le respect est absolu quels que soient l’époque, le lieu et les circonstances, n’a pas évoqué l’immigration. N’y a-t-il pas là une brèche pour rappeler aux autorités catholiques que la politique d’immigration n’est pas un droit illimité, mais elle est négociable en fonction des circonstances et que par conséquent elle reste soumise au bien commun ?

D’une certaine façon, le Catéchisme de l’Église catholique, en son n° 2241, fournit déjà l’occasion de ce rappel, puisqu’il stipule que « les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont elles ont la charge subordonner l’exercice du droit d’immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l’égard du pays d’adoption. L’immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d’accueil, d’obéir à ses lois et de contribuer à ses charges ».

Le problème est que cet article – outre qu’il n’explicite pas la dimension collective de la question et qu’il omet de préciser que les États devraient avoir le droit de stopper l’immigration quand ils estiment que la proportion de population d’origine étrangère est trop élevée et menace le respect de l’identité nationale – est constamment ignoré ou minoré par le discours ecclésial, qui tend à absolutiser le droit à l’immigration, devant lesquelles les autorités politiques sont presque toujours, concrètement, appelées à céder au nom du respect des droits humains. Jusqu’au point où le secrétaire général de la conférence épiscopale italienne, Mgr Galantino, nommé à ce poste par le pape François, déclare que nous devons accueillir tous les migrants, comme une compensation que nous leur devons pour avoir pillé continûment leurs pays durant la colonisation ! La première chose à exiger aujourd’hui des autorités catholiques est donc de respecter la cohérence de la doctrine.

Sur les points non négociables, en réalité, je serais surtout favorable à ce qu’on ne les limite pas aux questions familiales et bioéthiques, comme on le fait trop souvent (s’adressant le 30 mars 2006 aux parlementaires du Parti Populaire Européen, Benoît XVI les avait ainsi définis : « la protection de la vie à toutes ses étapes », « la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille », « la protection du droit des parents à éduquer leurs enfants »), mais qu’on les étende aux questions politiques : car si les conditions de survie politiques de la Cité disparaissent, si ce que saint Thomas d’Aquin appelle la préservation de « l’état tranquille de la Cité », en quoi il voyait la principale mission de l’État, n’est plus possible, alors les points non négociables tels que les a définis Benoît XVI sont emportés avec tout le reste.

Je souhaiterais donc qu’on leur adjoigne ces autres points non négociables qui me semblent en être la condition sine qua non : l’amour et la défense de la patrie ; la défense et la promotion de l’identité nationale ; la défense et la promotion de la culture et du patrimoine national – ce qui inclut dans le cas de la France la reconnaissance qu’il n’y a pas “des religions” qui se valent toutes plus ou moins, mais qu’il est bien parmi elles une religion indissociable de l’âme même du pays, le catholicisme, qui est comme la colonne vertébrale de notre identité. Si ces points non négociables-là étaient reconnus par l’Église, il me semble que la légitimité des États à réguler l’immigration serait beaucoup mieux assurée. Et, au passage, que l’intégration des Français d’origine étrangère en serait grandement facilitée, car la reconnaissance de l’identité chrétienne de la France est le seul moyen d’éviter à notre pays la rivalité communautaire dans laquelle elle semble aujourd’hui se précipiter inexorablement. »

Source : Le salon beige, 27 janvier 2017