Les conséquences et suites de la Manif pour Tous

mardi 18 octobre 2016
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Les conséquences et suites de la Manif pour Tous : transformer l’essai en contribuant au décloisonnement et à la recomposition du spectre politique



FIGAROVOX. - Le premier débat pour les primaires de la droite et du centre a eu lieu il y a quelques jours. Ce dimanche, la « manif pour tous » était de retour dans la rue. Pour reprendre le titre de votre dernier essai, ces deux moments sont-ils le signe de ce que « la guerre à droite aura bien lieu » ?

Guillaume BERNARD. - Il y a, bien entendu, des divergences entre les candidats de la primaire. Mais elles sont surtout liées à leurs personnalités et à la forme qu’ils donnent à leurs discours. Pour l’essentiel, leurs différences sont plus de degré que de nature. Le panel de la primaire de la droite et du centre illustre la distorsion qui existe entre les courants profonds qui traversent le pays et la classe politique. Et il n’est pas certain que celle-ci s’en rende vraiment compte.

Doctrinalement, il existe deux droites : la droite classique et la droite moderne.
Car, doctrinalement, il existe deux droites : la droite classique (qui n’est représentée que par un seul candidat, Jean-Frédéric Poisson) et la droite moderne (qui est incarnée par tous les autres, même s’ils ne convergent pas toujours sur tout). Ce clivage ne recoupe pas la division en partis ; les deux courants existent (à des proportions variées) au sein de toutes les organisations partisanes classées à droite sur le spectre politique, depuis le centre jusqu’au FN compris. La ligne de fracture entre idéologie réaliste (classique) et idéaliste (moderne) passe de manière sinueuse au sein de ce qui est encore le camp de droite.

La droite classique s’appuie sur l’idée de la sociabilité naturelle (les corps sociaux existent en tant que tels dans un ordre cosmologique des choses qui leur donne leurs règles de fonctionnement), tandis que la droite moderne croit à la sociabilité artificielle (chaque corps social est le fruit d’un convention entre les hommes qui lui donne non seulement son existence mais également ses principes). Cette opposition s’applique aussi bien à la nation qu’à la famille ; elle lie tous les sujets entre eux.

Si le second tour de la primaire devait mettre en avant les enjeux doctrinaux, Jean-Frédéric Poisson devrait être l’un des deux finalistes.

Il est certain que si le second tour de la primaire devait mettre en avant les enjeux doctrinaux, Jean-Frédéric Poisson devrait être l’un des deux finalistes. Quant aux manifestant LMPT qui participeront à la primaire, ils ne seront cohérents avec eux-mêmes que s’ils se prononcent pour ce candidat. Tout autre choix relèverait de combinaisons politiciennes. Lors des discours de la manifestation du 16 octobre, le nom de François Fillon a d’ailleurs été très longuement sifflé. C’est la confirmation de la progression de la défiance envers les hommes politiques dont il est considéré qu’ils ont trop promis et pas assez tenu ou comme ayant trop varié dans leurs positions.

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Quelles leçons tirez-vous de cette nouvelle « Manif pour tous » ?

La dynamique de LMPT n’est donc pas épuisée et il est possible qu’elle puisse reprendre de l’ampleur.

Par le passé, le succès de LMPT a tenu à deux principaux éléments : d’un point de vue de la base militante, il a été trans-partisan, réunissant des personnes venant de différents partis politiques ; d’un point de vue idéologique, il a été une illustration du mouvement dextrogyre, c’est-à-dire le retour en force des idées classiques. Jusqu’à présent, LMPT n’a pas réussi (ou voulu ?) se transformer en un véritable lobby.

Son retour sur la scène médiatique est un réel succès (la police n’en reconnaît que 25 000 et que les organisateurs en revendiquent 200 000). Or, ce succès n’était pas gagné d’avance étant donné que les réflexes partisans étaient susceptibles de devenir prédominants à la veille d’élections nationales. La direction de LMPT a eu la présence d’esprit ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé et a fait montrer sur la tribune d’une manifestation nationale des orateurs représentant toutes les sensibilités des manifestants et donc le FN en la personne de Marion Maréchal.

La dynamique de LMPT n’est donc pas épuisée et il est possible qu’elle puisse reprendre de l’ampleur. Mais encore faut-il que, cette fois, LMPT sache rebondir (sur le fait que l’offre partisane ne satisfait pas le peuple de droite) et transformer l’essai sans doute en contribuant au décloisonnement et à la recomposition du spectre politique. »

Guillaume Bernard

Guillaume Bernard, docteur et habilité à diriger les recherches en Histoire des institutions et des idées politiques, est maître de conférences à l’ICES (Institut Catholique d’Études Supérieures) et a enseigné ou a enseigné dans divers autres établissements, comme Sciences Po Paris. Il fera paraître le 27 octobre l’essai La guerre à droite aura bien lieu. Le mouvement dextrogyre aux éditions Desclée de Brouwer.

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