Le sacrement de confession porte en lui le cachet de Dieu

dimanche 24 octobre 2021
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Le sacrement de confession porte en lui le cachet de Dieu



par Abbé Philippe Laguérie

« Non, il n’y a pas de secret de la confession ! Il y a bien plus que cela. Et pour vous en convaincre, j’ai réuni quelques textes du droit et de la théologie catholique.
Et tout d’abord un peu de sémantique. Le soi-disant secret de la confession, dans tous les documents de l’Eglise Catholique (décrétales, droit canonique, théologiens, au premier rang desquels saint Thomas d’Aquin), n’est jamais dénommé un secret mais un sceau, en latin « Sigillum ». C’est peut-être un détail pour vous mais pour nous ça veut dire beaucoup.

Sigillum, en latin ne veut absolument pas dire « secret ». Mais alors pas du tout, il y a maints autres mots pour cela. Le Gaffiot, qui fait référence en la matière, le traduit par « sceau », « cachet ». Vous savez : cette empreinte que vous gravez de vos armes dans la cire molle sur une lettre cachetée, cette signature de l’Autorité publique sur un cercueil que l’on vient de fermer pour garantir que c’est bien M. /Mme untel qui s’y trouve et non point un inconnu etc. Si vous m’avez bien compris, la traduction moderne de « Sigillum » est bien plus le mot « signature » qui authentifie, garantie, scelle (c’est le vrai mot) définitivement une réalité.
Mais quel est ce signataire mystérieux qui efface, détruit, oublie à jamais, veut ignorer sans retour, ensevelit, bref scelle pour l’éternité nos misères et nos turpitudes. C’est Dieu Lui-Même, en personne, soi-même. Le ministre de ce sacrement sublime n’est qu’un vulgaire instrument de la miséricorde divine et rien de plus. Sauf que : écoutez comment saint Thomas établit et fonde ce fameux mal nommé « secret » de la confession : ( IIIa Qu. XI ar 1 corpus)

« Dans les sacrements, ce qui se fait à l’extérieur est signe de ce qui se passe à l’intérieur, et ainsi la confession extérieure par laquelle on se soumet au prêtre est signe de la confession intérieure par laquelle on se soumet à Dieu. Or Dieu couvre (tegit : cache, dissimule) les péchés de celui qui se soumet à lui par la pénitence ; il faut donc que le sacrement de pénitence signifie en quelque manière cette conduite de Dieu. Donc la nature même de ce sacrement demande que le prêtre garde le secret (celet) ; et le révéler, ce serait violer le sacrement lui-même ».

On le comprend aisément : pour saint Thomas les raisons morales (ne pas déshonorer son pénitent, rendre odieuse la confession, en faciliter l’exercice pour le bien commun de l’Eglise) sont des raisons vraies mais secondaires ! C’est l’admirable conduite de Dieu qui impose le sigillum, qui est le sceau de Dieu et non des hommes ! Dans le ad 1um, saint Thomas va encore plus loin :

« On est censé ignorer ce que l’on sait par la confession puisque qu’on ne le sait nullement comme homme mais comme Dieu ». Ut Deus !

Oui, vous avez bien lu ; et non pas comme dans les traductions libérales (Comme ministre de Dieu) mais bien comme dans l’original latin : comme, en tant que, Dieu (Ut Deus). La pensée de saint Thomas est donc claire : ce qu’un prêtre sait par le confessionnal, il le sait « comme Dieu » et le sigillum n’est pas celui d’un homme mais celui de Dieu.

Même doctrine, et particulièrement d’actualité, dans le ad 2um où saint Thomas se demande ce qu’un prêtre devrait faire si dans un procès et sous serment il était sommé de dire ce qu’il a appris en confession : le supérieur, le juge, ne saurait l’obliger de parler « puisque qu’il (le prêtre) n’est dépendant de son supérieur qu’en sa qualité d’homme et qu’il ne sait rien comme homme mais seulement comme Dieu » (« Non scit ut homo sed ut Deus ») !

Et saint Thomas d’enfoncer le clou en affirmant que le sigillum est même garanti par le droit naturel puisque le prêtre qui le violerait serait nécessairement un menteur : il affirmerait savoir des choses qu’il ignore (comme homme) puisqu’il les sait comme, en tant que, Dieu « ut Deus ».

Résumons la pensée de saint Thomas. La raison du sigillum est surtout théologale et non pas d’abord morale, parce qu’elle est de la substance de ce sacrement. Quand Dieu pardonne le péché dûment confessé, il le couvre. Dieu lui-même entend l’ignorer, comme s’il n’avait jamais eu lieu. Ce péché pardonné est une chose que Dieu ne veut plus savoir, qu’il ignore : il le scelle d’un éternel cachet. Le sceau, le cachet n’est donc pas du tout celui de l’homme, du prêtre, mais celui de Dieu. A traduire « sigillum » par secret on le vide de sa substance, on le ravale au niveau banal (et tant de fois trahi au quotidien) d’un vulgaire secret promis, genre « j’ te dis ça mais tu ne le répètes pas !" C’est pitoyable.

Mais Dieu peut-Il ignorer des choses, nos péchés commis et inexorablement éternels, dans les faits. De sa science infinie, toujours en acte, universelle, certes non ! Comment Dieu pourrait-il ignorer quoi que ce soit, faire en sorte que ceci ou cela n’ait jamais existé ? Il s’agit donc, et c’est infiniment plus respectable et confondant de miséricorde, il s’agit donc d’une volonté divine qui VEUT ignorer, effacer, gommer nos fautes ; c’est là le sigillum, le sceau de Dieu sur nos péchés, son cachet de miséricorde sur notre sombre passé, la sépulture définitivement scellée de toutes nos iniquités…Aussi n’y a-t-il rien de plus sacré.

Avis aux modernistes de tout poil qui réduisent le sacerdoce catholique à un simple ministère, à une fonction, une députation communautaire, un fonctionnariat de circonstance, temporel et révocable etc. Quand il consacre l’eucharistie, quand il pardonne les péchés, le prêtre n’agit plus en tant qu’homme mais en tant que Dieu ! On songe à la juste remarque des pharisiens scandalisés lorsque Jésus, avant de guérir le paralytique descendu par le toit, lui remet d’abord ses péchés : « Mais qui peut remettre les péchés si ce n’est Dieu lui-même » ? Bien vu. Le sacerdoce est donc évidemment une participation à ce qui fait que le Christ est Dieu (et prêtre) sa grâce d’union, cette mystérieuse subsistance d’une nature humaine en la Personne du Verbe. Comprenne qui pourra. J’espère ne pas jeter ces perles devant des pourceaux…

Dès lors comment ce misérable prêtre pourrait-il faire état de faits que Dieu lui-même veut ignorer sans retour ? C’est une trahison au plus haut degré, une forfaiture sans nom, une ignominie inexpugnable que rien ne saurait justifier. Ce n’est pas la trahison d’un homme par un homme, mais la trahison de Dieu par la science d’un dieu déchu. Jugez-en plutôt par la sévérité des peines dont l’Eglise frapperait ces infamies. Je mets un conditionnel parce que, malgré la perversité du clergé à certaines époques, aucun prêtre jusque-là n’a poussé si loin la trahison de son Maître. Et fasse Dieu qu’on n’y arrive jamais et par voie légale ! Je ne citerai qu’un texte que toutes les excommunications de l’ancien et du nouveau Code de Droit canonique empruntent. C’est celui du décret de Gratien (XIIe), compilation de toutes les décrétales anciennes et modèle des codes plus modernes : (le latin est trop beau pour en faire l’économie)

« Nam si hoc fecerit, deponatur et omnibus diebus vitae suae ignominiosius peregrinando pergat »

Que si un prêtre aura commis ce crime (trahir le sigillum) qu’il soit déposé et que tous les jours de sa vie il poursuive son chemin en errant plus ignominieusement encore. »

21 octobre 2021, par Abbé Philippe Laguérie

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blog Institut du Bon Pasteur