La Garde Corse Papale

lundi 13 juillet 2015
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La Garde Corse Papale



« Les éléments qui ont permis de rédiger cet article proviennent principalement de conférences et notices de l’Association Guardia Corsa Papale (ADECEC) qui a entrepris de réhabiliter et de mieux faire connaître une page totalement oubliée de la Rome Pontificale et de l’Histoire de la Corse. »

Daniel-Marie

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ORIGINES :

L’origine de la présence d’une garde corse pour assurer la sécurité du pape est peu documentée. La date de création de la Garde Corse Papale n’est pas certaine mais il semble que ce ne soit pas une création mais une réorganisation d’unités déjà existantes. La Corse constituait depuis longtemps l’un des territoires lombards à l’origine des États pontificaux, concédés au pape Étienne II par Pépin le Bref en vertu de ladite « donation de Constantin ».
On connait la présence d’une colonie corse significative à Porto (Fiumicino) et puis dans le quartier romain du Trastevere (où la basilique de San Crisogono fût le titre national et basilique cimeteriale des corses) celà dès le IX ème siècle et dès lors la présence très ancienne d’unités corses dans les armées pontificales ne peut être mise en doute.

La structuration de la Garde Corse se fait donc à partir d’éléments plus anciens pré-existants de manière non structurée.

Sa "renaissance" officielle se placerait ensuite à la date la plus communément retenue, celle de 1378, après le retour de la "captivité d’Avignon", soit 130 ans avant la création de la Garde Suisse qui n’apparait qu’en 1506.

Bien plus tard, l’ambassadeur vénitien Paolo PARUTA relate qu’en 1595, 600 Corses se trouvaient en service, et que ce nombre fut porté à 1 000. Giovanni DOLFIN, successeur de PARUTA, note qu’en 1598, les Gardes Corses n’étaient à nouveau plus que 600.

Clément VIII, pape de 1592 à 1605, dispose à son service de 600 soldats et 200 arquebusiers à cheval Corses.

FONCTIONS :

Ces hommes sont chargés de la garde en dehors des Palais Apostoliques et d’autres lieux de Rome et disposent de droits de police, combattent les malfaiteurs, assurent la sécurité des routes, escortent des courriers, et forment des cordons sanitaires lors des grandes épidémies de pestes comme en 1575-1577, 1630-1631 et 1658.

La Garde participe également à toutes les cérémonies publiques romaines, processions, réceptions d’ambassadeurs, visites de monarques, et exécutions capitales.

Grégoire XIII a durant son règne renforcé la police romaine contre le banditisme. La raison d’emploi des Corses à ce rôle équivalent à la Maréchaussée, semble justifié par le fait que les Corses sont étrangers aux intrigues qui secouent la noblesse romaine, et la pratique de leur langue leur permet des rapports aisés avec la population civile. Les Corses ont joui d’une grande estime publique tout au long de leur service en raison des qualités traditionnelles de leur race : probité, sobriété, courage, discipline, bonnes mœurs et piété.

Les Corses sont également bien représentés en Cour (Bartoloméo de Vivario, général des Galères, amiral en chef de la flotte pontificale dans les années 1560, ou J. R. Casella, Mestre de Camp Général, ou encore l’illustre famille princière des Colonna, dont une des branches antiques est corse).
Un monument est érigé pour célébrer cette reconnaissance publique.

En 1587, le Pape Sixte V (issu lui aussi d’une famille d’origine corse) fait peindre une fresque vantant la qualité militaire des Corses. Cette allégorie est toujours visible.

En 1617, la Garde est forte de 600 hommes.
En 1628, le corps est augmentée d’une cinquième compagnie qui tient garnison dans Rome.
En 1639, Urbain VIII réduit l’effectif à 300 hommes et ramène la totalité des compagnies à Rome. Alexandre VII rétablit ses effectifs à 600 hommes. Les 2/3 du corps demeurent à Rome, l’autre 1/3 à la périphérie.

Chaque compagnie vit dans une caserne.

UNIFORME :

La silhouette du Garde Corse est sensiblement peu différente de celle des hommes d’armes des XVI° et XVII° siècles : un arquebusier, portant casque et corselet de métal les jours de gala, et en temps de service ordinaire un chapeau de feutre et l’uniforme qui sera selon A. da MOSTO, distribué vers 1660, un justaucorps de drap bleu avec doublure de serge rouge.
La seule illustration connue date de 1656 d’après le marquis d’Ornano, et présente un soldat portant morion et corselet de métal. Il porte une épée suspendue à un baudrier, une poire à poudre, et tient une arquebuse. Une écharpe ceint sa taille, hauts de chausse et bas.
Les officiers portent également un casque et un corselet de métal, l’épée, et une canne, marque de commandement, avec une écharpe à la ceinture. Les officiers supérieurs portaient chapeau empanaché, une épée suspendue par un large baudrier, et une canne.
En 1662, les gardes sont armés d’une épée et d’une arquebuse, d’une hallebarde pour les sergents et les caporaux.

RECRUTEMENT :

Officiers et soldats sont tous des insulaires, et viennent souvent de la partie montagneuse de l’île. Les gens du littoral et des villes s’y trouvent en minorité. Les officiers proviennent des familles nobles ou notables, et recrutent leur compagnie dans leurs villages d’origine.
Vers 1660, le plus âgé à 40 ans, le plus jeune 19, la moyenne est de 26 ans. Beaucoup savent lire et écrire. Certains sont mariés et vivent avec leur famille à Rome.

Chaque compagnie dispose d’une caserne et d’un sous quartier dans lequel plusieurs postes sont tenus en permanence, notamment la caserne de la Trinité des Pèlerins, construite par un marchand de Calvi.

LA DISSOLUTION :

Un malfaiteur avait été arrêté dans les jardins de la villa du cardinal Rinaldo d’Este par les gardes corses sur ordre du cardinal Flavio Chigi. Fort courroucé, Rinaldo d’Este fait appel à des ministres étrangers à des fins d’arbitrage. C’est ainsi que le duc de Créquy est envoyé par Louis XIV comme ambassadeur extraordinaire pour régler le conflit entre le cardinal et les gardes du pape. Il était alors accompagné de plusieurs soldats. La situation dégénère lorsque certains de ces soldats injurient et rouent de coups deux gardes corses dans un cabaret romain. Une sanction est prononcée par le duc à l’encontre des auteurs de la rixe, mais elle ne parait pas suffisante au souverain pontife, ni surtout à ses gardes, lesquels entendent laver eux-mêmes l’affront, ce qui débouche sur l’incident du 20 août 1662 au Ponte Sisto, puis autour du Palais Farnese, au cours duquel un page de la femme de l’ambassadeur trouve la mort.

Le pape ne réagissant pas, Louis XIV ordonne à l’ambassadeur de quitter Rome et éloigne de Paris le nonce apostolique Celio Piccolomini : c’est quasiment la rupture diplomatique. De son côté, le parlement d’Aix décide l’annexion d’Avignon, alors possession papale, au royaume de France.

Le pape oppose d’abord un refus catégorique, puis cherche à temporiser, mais in fine doit s’incliner devant la menace d’une « descente » de l’armée française sur Rome : il accepte de dissoudre la garde, mettant ainsi fin sous la contrainte à trois siècles de présence ininterrompue d’une Garde Corse, d’envoyer une partie de ses membres aux galères et de régler une somme d’argent en dédommagement de la mort du page.

Le 12 février 1664 intervint un accord, le Traité de Pise. Le gouverneur de Rome doit se rendre à Paris pour fournir des explications, la garde corse est dissoute et une pyramide édifiée à l’endroit où l’attentat avait été commis. Enfin le légat pontifical, le cardinal Chigi, vient s’excuser publiquement devant Louis XIV le 29 juillet 1664. À la suite de quoi la France rend Avignon au pape.

Il est clair que de nombreux corses continueront cependant leur service pendant de nombreuses années après la dissolution, de façon informelle en particulier comme sbires, « sorte d’agents de police » non militaires.

AUJOURDHUI : LA PROCESSION DU 25 JUILLET

Aujourd’hui, une association promeut le souvenir de cette page de l’Histoire de l’île et entend resserrer les liens entre la Corse et le Vatican, liens qui n’ont jamais cessé mais qui ont été parfois occultés.

Ainsi la fête de Noantri au Trastevere verra cette année la présence d’une forte délégation de corses, en particulier des confréries, venus rappeler que cette fête religieuse remonte à 1535, date à laquelle les pécheurs corses du Tibre avaient ramené dans leurs filets une statue sculptée dans du bois de cèdre, une madone, la « madonna Fiumarola », un 25 juillet.

Depuis à chaque anniversaire, la statue de la Vierge est processionnellement accompagnée par les trasteverains de la Basilique Sant Agata à la Basilique San Crisogono, avec moultes réjouissances durant la neuvaine et un grand concours de peuple.

Sites à consulter :

guardia corsa la garde corse

Corse catholique Rapprochements entre confréries