Les 24 martyrs de la Terreur dans le diocèse du Puy

lundi 9 septembre 2019
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Les 24 martyrs de la Terreur dans le diocèse du Puy



« Le diocèse du Puy ouvre le procès canonique en vue de la béatification et de la reconnaissance du martyr de l’abbé François Mourier et de ses compagnons, mis à mort au nom de leur foi chrétienne au Puy pendant la période dite de la Grande Terreur (1793-1794) de la Révolution française.

L’Introduction de cette cause a été autorisée par le Saint-Siège, puis la Conférence des évêques de France. La béatification de ces martyrs de la Révolution donnés en exemple pour l’héroïsme de leur fidélité et de leur charité, pourrait contribuer à maintenir vif le témoignage de la foi chrétienne dans une société marquée par l’indifférence et à encourager le zèle apostolique des communautés chrétiennes.

Qu’est-ce qu’un martyr ?

Le mot martyr vient du grec martus, marturos et signifie : témoin. Littéralement le martyr est celui qui témoigne de sa foi. Le titre est cependant réservé par l’Église à ceux dont le témoignage a été jusqu’à donner leur vie par attachement à leur foi en Dieu sauveur des hommes. La palme du martyre est le symbole de la victoire

(Définition Eglise catholique en France). »

Le déroulement du procès

Le diocèse du Puy a nommé postulateur Mgr Maurice Monier, président de la rote romaine et le Père Jean Ferrapy vice-postulateur ; pour promouvoir la cause de béatification de l’abbé François Mourier et de ses compagnons, mis à mort en haine de la foi au Puy-en-Velay pendant la période dite de la « Grande Terreur » (1793-1794) de la Révolution Française.

Dans le procès que constitue une cause en béatification (ou en canonisation), le postulateur a un rôle d’« avocat » du futur saint ou bienheureux. Selon les normes de la Congrégation des causes des saints, le postulateur « suit le déroulement de l’enquête au nom de l’acteur », c’est-à-dire le diocèse ou la congrégation religieuse qui porte la cause, et a la charge de conduire « les recherches utiles à la connaissance de la réputation de sainteté ou de martyre » du Serviteur de Dieu.
Parmi toutes les victimes de la Terreur révolutionnaire dans le diocèse du Puy, une liste de 24 noms a été retenue : prêtres, religieux et laïcs. Les circonstances et les dates de leur exécution sont connues et basées sur un certain nombre de documents de l’époque, lesquels illustrent la générosité et l’esprit de foi qui les habitaient. Ils ont témoigné jusqu’au don de leur vie, de la fidélité à Dieu, à I’Église de Jésus Christ et du service dévoué à leurs frères. Il s’agit d’une cause édifiante, au vu des nombreuses données recueillies à ce jour. C’est pourquoi, leur souvenir en a été gardé dans de nombreuses familles et communautés chrétiennes.

Aujourd’hui, des plaques souvenirs et des ex-voto érigés dans des églises ainsi que des croix élevées au bord des chemins, rappellent la vivante mémoire de leurs sacrifices comme aussi la piété dont ils ont toujours été entourés.
Les origines de la démarche

Tout d’abord, un important travail historique a été mené, avec notamment :

• les « conférences de l’Abbé Péala », dans les années 1880.
• l’énorme travail de recherches du Chanoine Vacher, Secrétaire à l’Evêché (1930-1945)
• le livre de l’abbé Tavernier, paru en 1936 « Le Diocèse du Puy, pendant la Révolution » Dans la préface de cet ouvrage, Monseigneur Rousseau, évêque du Puy, écrivait :

« Je désire que cette étude suscite l’admiration et la confiance, mieux que cela, la prière et le sacrifice, afin d’obtenir, dans un avenir aussi prochain que possible, la glorification de ces prêtres, et de ces fidèles qui au moment tragique de notre histoire nationale ont su confesser héroïquement leur foi, mourir pour Dieu et la religion. » (Page XII Préface)

Ensuite, à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, plusieurs familles de victimes de cette persécution, ont demandé à Mgr Henri Brincard, alors évêque du Puy, d’honorer la mémoire de leurs ancêtres.

Une équipe s’est dès lors mise en route et des documents ont été rassemblés. Une centaine de prêtres, religieux ou laïcs du diocèse peuvent être considérés comme mis à mort à cause de leur fidélité à Dieu et à l’Eglise. Vingt-quatre noms seulement ont été retenus, pour être présentés à la Commission Historique Diocésaine, et à la Congrégation pour la cause des Saints (voir la biographie des victimes.) Pour mettre en valeur et stimuler la fidélité des chrétiens qui dans les paroisses conservent le souvenir de ces témoins de la foi, et demandent la reconnaissance de leur cause, le projet s’appuie notamment sur la réflexion d’auteurs chrétiens :

René Bazin, romancier : « Le mérite des ancêtres, même inconnu, même oublié, continue de vivre dans notre sang et nous pousse à l’action… »

Michel Rouche, Professeur à Paris V : « Nous vivons dans une seule dimension, celle du présent. Nous sommes plongés dans une époque qui occulte complétement la mémoire collective et son histoire… »

Thimothy Radcliffe, ancien maître de l’Ordre des Prêcheurs (Dominicains) : « Il y a une différence entre histoire et mémoire. L’histoire (history) est l’histoire (story) de quelqu’un d’autre. Elle a trait à des événements qui sont arrivés quelque part ailleurs, à quelque autre époque… La mémoire est en lien avec l’identité… » (in Pourquoi aller à l’Eglise ? Page 281)

+ Cardinal Jean Marie Lustiger : « Il faut se souvenir comment les apôtres ont été amenés à accomplir le commandement de Jésus « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » Lorsque trainés devant les tribunaux qui leur interdisaient de prêcher le nom du Christ, ils dirent : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. » Cette souveraine liberté est celle de l’obéissance absolue rendue à Dieu, jusqu’au martyre. L’Eglise se révèle dans l’accomplissement d’un service qui est toujours un service d’amour, de livraison de soi, et d’identification au Christ crucifié… »

+ Jean-Paul II : « Nos martyrs nous appellent à un sursaut. Ils nous montrent comment nous comporter dans le monde… Surtout nous sommes invités au courage de la Foi, pour l’affirmer, l’exprimer dans les Sacrements, en témoigner dans la vie. Il faut s’attendre à certaines indifférences, incompréhensions, moqueries. Nous sommes signes de contradiction. Nous apprenons à souffrir pour la foi. » (au lendemain de la reconnaissance des Martyrs d’Angers (20-02-1984) in Documentation Catholique n°1870 du 18-03-84)

+ Benoit XVI :

« Le chrétien ne doit pas être tiède. C’est là le plus grand danger. La confession de foi doit nécessairement devenir publique parce que la foi que nous portons en nous doit être communiquée aux autres, confessées avec le courage qui vient de l’intelligence. » (in Ouverture des travaux du Synode de la Nouvelle évangélisation (11-10-12)

Messe d’ouverture du procès en béatification

de François Mourier et ses compagnons, martyrs de la Terreur (1793-1794)
Homélie du 10 août 2019

En ce jour, l’Eglise fait mémoire de saint Laurent, diacre romain, mort martyr au III° siècle, brulé vif. Saint Augustin, dans une homélie prononcée en la fête de ce saint martyre disait : « Dans l’Eglise de Rome, il exerçait les fonctions de diacre et il présentait le sang sacré du Christ et c’est là qu’il répandit son propre sang pour le nom du Christ. […]‘Jésus a donné sa vie pour nous ; nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères.’ Saint Laurent a compris, mes frères, il l’a compris et il l’a fait ; et ce qu’il avait consommé à cette table, c’est cela qu’il a voulu apprêter. Il a aimé le Christ par sa vie, il a aimé le Christ par sa mort. [1] » C’est au cœur de cette belle fête liturgique qu’il nous est donné de célébrer la messe d’ouverture du procès en béatification des martyrs de la Terreur.

Tout au long de l’histoire de l’Eglise, depuis le martyre d’Etienne, des hommes et des femmes ont témoigné de leur foi, en perdant leur vie, souvent dans de grandes souffrances, mais en manifestant leur espérance dans le Christ ressuscité, vainqueur du mal et de la mort. Comme saint Laurent, ils ont suivi le Christ jusqu’au bout, lui qui le premier – le seul Juste, l’innocent – a donné sa vie en affrontant le martyre de la croix et en donnant librement sa vie pour toute l’humanité.

Si suivre le Christ n’est pas courir au martyre, les disciples de Jésus affrontent cependant, selon les évènements et les périodes de l’histoire, le mal, la violence et la haine. Leur foi est contestée, leurs engagements en faveur de la justice, de la vérité, de la dignité de la personne humaine sont remis en question et conduisent à la persécution et à la condamnation à mort. Les décennies récentes manifestent encore combien les chrétiens sont persécutés au nom de leur foi, en bien des pays du monde. Ainsi, aujourd’hui les parole du Christ résonnent fortement : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. » (Jn 12, 26). Le pape François écrivait récemment : « « Il y a plus de martyrs aujourd’hui qu’aux premiers siècles ». Les martyrs ont suivi le Christ jusqu’au bout : ils ont aimé le Christ par leur vie, ils l’ont aimé par leur mort !

Le témoignage des martyrs jusqu’à la mort n’est pas seulement un témoignage personnel de foi, mais est une source de vie pour l’Eglise : loin de faire disparaître un témoin de la foi, comme le pensent les bourreaux, une personne martyre ouvre un chemin de foi pour bien d’autres. Ainsi le traduisent, de manière imagée, les paroles du Christ : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jn 12, 24) Nous connaissons la phrase célèbre de Tertullien : « Le sang des martyrs est semence des chrétiens. » Si aujourd’hui, nous faisons mémoire, dans l’ouverture de ce procès canonique, des 24 personnes martyrisées au cours de la Terreur révolutionnaire, c’est que leur témoignage de foi demeure vivant dans le cœur et la foi de beaucoup en Haute-Loire. Leur martyre n’est pas tombé dans l’oubli. Au contraire, des générations et des générations de croyants ont maintenu vive la mémoire du don de leur vie de ces hommes et de ces femmes qui, très simplement, sont demeurés fidèles à leur foi, ont protégé ceux qui étaient persécutés au risque de leur vie et ont laissé à tous la force de leur témoignage face à la terreur sanguinaire de certains. En bien des endroits en Haute-Loire, des stèles, des plaques commémoratives et beaucoup de récits dans les familles de leurs descendants manifestent combien leur geste n’a pas été oublié mais demeure fécond pour les générations d’hier et d’aujourd’hui.
Tout le travail qui va être maintenant mené au cours de ce procès, n’est pas simplement une enquête historique ou un simple recueil de données pour constituer un dossier, mais il s’agit d’une démarche de foi qui, j’espère, selon le discernement et le jugement de l’Eglise, nous permettra de reconnaître en François Mourier et ses compagnons, des témoins et des aînés dans la foi pour notre diocèse du Puy et pour un engagement plus fort de nos communautés dans le témoignage de leur foi au Christ mort et ressuscité.

Terminons par l’invitation du pape François, dans son homélie lors d’une des dernières béatifications de martyrs en juin dernier : « Maintenant, c’est à nous qu’il revient de lutter, comme ils ont eu à le faire en leurs temps. Puissiez-vous être des témoins de liberté et de miséricorde, en faisant prévaloir la fraternité et le dialogue sur les divisions, en renforçant la fraternité du sang, qui trouve son origine dans la période de souffrance où les chrétiens, divisés au cours de l’histoire, se sont découverts plus proches et solidaires ! [2] »

+ Luc Crepy

Evêque du Puy-en-Velay

Liste des martyrs. Sauf mention contraire, les exécutions ont eu lieu au Puy, Place du Martouret.

16 avril 1793 Abbé Jean Mathieu Vassel
Abbé Jacques Chabrier
16 février 1794 Abbé Claude de Talode du Grail
Abbé Jean-Jacques Gerentes
28 avril 1794 Abbé Jacques Perbet (à Blavozy)
18 mai 1794 Abbé Pierre Bernardon
Claire Bernardon, sa sœur
Thérèse Saugues, sa nièce
22 mai 1794 Marguerite Beauzac, née Audier
17 juin 1794 Abbé François Mourier
Abbé Jean-Baptiste Abeillon
Barthélemy Best
et Marie-Anne Best, son épouse née Roche
Marie Best, sœur de Barthélemy
Sœur Marie-Anne Garnier
 (Sœur de Saint-Joseph au Puy)
Jeanne Marie Aubert
20 juin 1794 Abbé Antoine Clavel
Jean-Baptiste Clavel
et Catherine Clavel, son épouse née Boutin
30 juin 1794 Abbé Jean-Baptiste Mosnier
Sœur Elisabeth Dorat
 (Dominicaine du Couvent à Craponne)
27 juillet 1794 Jean Abrial
et Marie-Anne Abrial, son épouse née Chalendard
Isabeau Abrial, leur fille

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