Une remise en cause gravissime de la liberté de culte en France

jeudi 30 avril 2020
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La « décision » du gouvernement de ne pas autoriser la reprise des cultes dans les églises avant le mois de juin suscite incompréhension, indignation, et traduit un manque grave de respect envers les catholiques
Elle met en cause la liberté de culte, à valeur constitutionnelle



La "décision" du gouvernement de ne pas autoriser la reprise des cultes dans les églises avant le mois de juin, annoncée par le Premier ministre le 28 avril 2020 à l’Assemblée nationale ne passe pas. Elle suscite incompréhension, indignation de la part de très nombreux catholiques, bien des évêques et signe un "manque grave de respect envers les catholiques", ainsi que le note Mgr Marc Aillet. Cette décision est inacceptable. Elle est en effet disproportionnée par rapport aux décisions prises en faveur de la plupart des secteurs d’activité en France. Elle traduit donc une remise en cause de la liberté culte, constitutionnellement garantie par la Constitution.

Une décision similaire prise en Allemagne par la Chancelière Merkel vient d’ailleurs d’être censurée par la plus haute juridiction allemande : "La Cour constitutionnelle fédérale était saisie du cas d’une association musulmane dans le Nord de l’Allemagne qui contestait l’interdiction de la prière du vendredi dans une mosquée en plein ramadan par les autorités locales de Basse-Saxe.

Les juges suprêmes lui ont donné raison et infirmé une décision d’un tribunal administratif qui s’était appuyé sur la législation en place interdisant les rassemblements, y compris religieux, en raison des risques de contamination.
Ils ont aussi souligné que leur décision faisait jurisprudence et s’appliquait « à l’interdiction générale des services religieux dans les églises, mosquées et synagogues ». La Cour a jugé « pas concevable » que les interdictions de lieux de culte ne prévoient pas des « exceptions pour ce type de services religieux », dès lors que des précautions sont prises. Surtout, les juges ont jugé que l’interdiction totale constituait une « grave intrusion dans la liberté de religion », garantie par la Constitution allemande".

On peut donc escompter qu’une décision protectrice de la liberté de culte, similaire à celle intervenue en Allemagne, serait prise par les plus hautes juridictions françaises, si du moins elles étaient saisies à ce titre.

Guy Barrey

•28 avr.Mgr M Aillet
« Je ne crois pas qu’on puisse capituler sans discussion devant ce qui apparaît comme un manque grave de respect envers les catholiques. Nous sommes des gens responsables, capables, autant que les commerçants et les conservateurs de musées, de prendre des précautions sanitaires. »

•28 avr.Mgr Ginoux
« Culte public interdit = cas de conscience. On ne peut pas priver nos fidèles de la nourriture essentielle qu’est la grâce sacramentelle. Donc nous les nourrirons. »

• Mgr Matthieu Rougé : « La manière de traiter les religions dans ce déconfinement n’est pas respectueuse »
Pour l’évêque de Nanterre, le Premier ministre a repoussé la reprise des cultes au 2 juin prochain avec « une brutalité incompréhensible ». Il dénonce une attitude « indigne de notre démocratie ».

• Mgr Philippe Christory :"Beaucoup de fidèles expriment aujourd’hui leur tristesse face aux décisions du gouvernement. Nous ne sommes pas considérés comme des personnes responsables, notre engagement à la juste vigilance et à la liberté, comme Assemblée des évêques, pour célébrer avec soin et ne pas provoquer une contagion n’est pas entendu. Ces restrictions touchent la liberté de culte. Elles ne peuvent se justifier par la raison, elles sont l’expression de la non-considération de la vie spirituelle et religieuse des personnes vue comme non-essentielle pour vivre tout simplement. L’histoire montre combien l’Eglise a porté dans son cœur et par ses actes le souci des personnes malades et désespérées. Combien d’« hôtels-Dieu » n’a-t-elle pas fondés pour accueillir gratuitement les pauvres. A l’Hotel-Dieu de Paris, selon les registres du XIIIe siècle, on consommait plus de 2000 draps par jour. Depuis il y a eu tant de saints et des saintes qui ont pris soin des autres, des malades, qui ont ouverts des hôpitaux et des dispensaires, souvent au risque de leur propre vie. Et cela continue partout dans le monde surtout là où les hommes et les femmes sont laissés à leur sort. Les interdictions des rassemblements cultuels expriment à quel point nos dirigeants n’ont aucune Espérance à proposer face au drame sanitaire. Pour eux, le seul chemin serait la reprise économique. Relancer la machine pour sauver l’économie et donner de l’espoir. Nous, Chrétiens, devons porter l’Espérance, qui est un don de Dieu, une source des bienfaits divins, pour nos cœurs et pour nos actes. Jésus-Christ attend beaucoup de nos actes de foi posés courageusement quand des frères et des soeurs sont dans la souffrance : « si vous avez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous direz à cette montagne : “Transporte-toi d’ici jusque là-bas”, et elle se transportera ; rien ne vous sera impossible. » (Mt 17,20) Nous sommes les gardiens de la foi et de la lumière qui nous est confiée pour éclairer le monde. Cette lumière, c’est le Christ. Sa Parole est Parole de vie.

Or en ces jours, beaucoup peuvent reprendre le psaume 62 : « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. » C’est le psaume invitatoire du matin, que les consacrés entonnent tous lors du premier office du jour. Chaque jour, notre âme a soif de Dieu, d’être avec lui. Bien entendu, beaucoup de personnes l’ignorent, mais cette absence crée un vide et tant cherchent chez des coachs, des psychologues ou des conseillers en tout genre une réponse à leur ressenti de manque. C’est la tristesse des exilés et des déplacés hors de leur pays. Mais sans le Seigneur, nous sommes des déplacés, éloignés du paradis c’est à dire du coeur à coeur avec Dieu. Nous sommes comme les juifs déportés qui disaient : « Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ; aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes. Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? » (Ps 136, 1-4).

Oui il nous faut une nourriture céleste. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15,5) Cette nourriture c’est le pain de vie, le corps du Christ. La communion eucharistique est une nécessité dont vous êtes privés depuis des semaines. Bien entendu, elle n’est pas un dû, et l’église demande que l’on communie au moins une fois par an. Mais en ces jours difficiles, beaucoup ressentent la nécessité de recevoir Jésus eucharistie. Nous réfléchissons à une formule pour vous donner la communion tout en respectant la loi civile qui interdit les rassemblements, comme le rituel le propose.

En attendant cette étape, avez-vous reçu le sacrement du pardon, soit la confession ? Dans nos églises, les prêtres proposent des temps d’accueil pour les confessions, avec masque et nécessité de se mettre à distance. Il faut retrouver ce bon usage de se préparer par la confession avant de communier au corps du Christ car on reçoit le Seigneur en état de grâce. »

• Mgr Le Gall « Je veux d’abord redire mon accord profond avec le Premier ministre pour rompre la "chaine virale" dont il a parlé à l’Assemblée nationale. Je soutiens aussi la "chaine de solidarité" évoquée par Édouard Philippe et à laquelle nous participons généreusement. Je crois au civisme et au fait que les catholiques peuvent apporter beaucoup à la vie sociale.

Cela dit, je suis vraiment indigné à l’idée que les cultes ne puissent reprendre avant le 2 juin prochain… dans le meilleur des cas. Cela fait plus de 8 semaines que nous sommes privés de célébrations publiques ! D’où vient mon indignation ? Tous les commerces vont rouvrir le 11 mai, sauf les cafés et les restaurants, moyennant le respect des consignes sanitaires. En tant qu’évêque, je suis d’accord pour prendre toutes les précautions nécessaires, pour assurer la distanciation physique dans les églises, prendre des masques, etc. Dans le diocèse de Toulouse, nous comprenons que nos grandes célébrations publiques ne seront pas possibles avant l’automne. Je veux J’ajoute que les régions ne sont pas semblables entre elles, comme l’a remarqué le Premier ministre. L’Occitanie n’est pas l’Ile de France ou le Grand Est concernant le nombre de cas de coronavirus. Pourquoi des règles absolues et drastiques sur tout le territoire sans discernement ? Ma crainte pour l’avenir est simple. Devant le caractère inacceptable de cette attente sacramentelle qui n’en finit pas pour les fidèles, des célébrations clandestines vont se mettre en place ! Le résultat sera pire finalement. Les pouvoirs publics vont essayer de les interdire, mais on passera outre en certains lieux. Il aurait mieux valu autoriser le culte public progressivement et calmement, en nombre limité, comme nous l’avions proposé au gouvernement. Nous n’avons pas été entendus. Cette interdiction prolongée du culte va entamer gravement notre confiance en ceux qui nous dirigent. »

Je veux juste faire remarquer au gouvernement que les paroisses sont aussi capables que les commerces de faire observer les consignes sanitaires. Le gouvernement justifie l’ouverture des commerces par la nécessité de relancer l’activité économique. Et il a raison. Si la vie économique est vitale, la nourriture de la foi l’est tout autant. Je veux insister sur ce parallèle : l’économie doit repartir, mais la vie sacramentelle doit repartir elle aussi ! Elle est pour nous vitale, alimentaire."

•28 avr.Mgr Michel Aupetit :
« Restons des gens obéissants, c’est-à-dire intelligents, qui répondent de manière adéquate à ce qu’on leur demande. Obéissance n’est pas soumission »

Sources :

le forum catholique

Toulouse catholique

« La Cour constitutionnelle fédérale était saisie du cas d’une association musulmane dans le Nord de l’Allemagne qui contestait l’interdiction de la prière du vendredi dans une mosquée en plein ramadan par les autorités locales de Basse-Saxe.
Les juges suprêmes lui ont donné raison et infirmé une décision d’un tribunal administratif qui s’était appuyé sur la législation en place interdisant les rassemblements, y compris religieux, en raison des risques de contamination.
Ils ont aussi souligné que leur décision faisait jurisprudence et s’appliquait « à l’interdiction générale des services religieux dans les églises, mosquées et synagogues ».

La Cour a jugé « pas concevable » que les interdictions de lieux de culte ne prévoient pas des « exceptions pour ce type de services religieux », dès lors que des précautions sont prises.

Surtout, les juges ont jugé que l’interdiction totale constituait une « grave intrusion dans la liberté de religion », garantie par la Constitution allemande, et, au cas d’espèce, pendant « les prières du vendredi du mois de jeûne du Ramadan ».

Les juges ont fait valoir que l’association musulmane, réunissant 1300 fidèles, avait fait des propositions visant à limiter les risques de contamination.

Il était prévu d’organiser le vendredi non pas une seule prière dans la mosquée mais plusieurs dans la journée et les fidèles devaient porter des masques de protection et respecter des distances importantes entre eux.

Mais cela n’avait pas suffi au tribunal administratif qui s’était inquiété que ces mesures de précaution ne puissent être respectées le jour de la prière du vendredi. Il avait associé les prières à des concerts ou des évènements sportifs et les avait interdites.

La sanction de la Cour constitutionnelle met du coup la pression sur les autorités allemandes pour assouplir rapidement les restrictions liées au nouveau coronavirus concernant les lieux de culte.

Les différentes religions s’en plaignent de plus en plus et jeudi la chancelière Angela Merkel doit rencontrer les présidents des régions allemandes, compétents en matière de culte, pour tenter de définir une ligne d’action commune.

Déjà, certaines régions peu touchées par la pandémie, comme la Saxe, ont autorisé les rassemblements religieux et d’autres comme le Mecklembourg ont prévu de le faire en mai avec des restrictions portant principalement sur les distances à respecter entre fidèles et le port de masques.

De manière générale, les restrictions et mesures de confinement des autorités allemandes sont de plus en plus remises en cause par des jugements des tribunaux, saisis de plaintes, ce qui sème une confusion croissante dans l’opinion et alimente la controverse.

La justice argumente avec les libertés individuelles fondamentales face aux restrictions imposées par les autorités.

L’Allemagne a amorcé le déconfinement, avec la réouverture de certains magasins et de certaines écoles. Mais les bars et restaurants notamment restent fermés.
Le gouvernement a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude d’un relâchement précipité de la population et du risque de nouvelle vague de contamination.
Environ 157 000 cas de nouveau coronavirus et 6100 décès sont actuellement recensés dans le pays. Le taux de moralité est en hausse, à 3,9 %, mais reste inférieur à la plupart des autres pays. »

Site source :

la presse ca