Non, ce n’est pas la concélébration qui est le signe supérieur de l’unité dans l’Église catholique

samedi 3 juillet 2021
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Non, ce n’est pas la concélébration qui est le signe supérieur de l’unité dans l’Église catholique



De Cyril Farret d’Astiès, auteur d’un ouvrage sur la réforme liturgique :

« La bien indigente et insultante synthèse de la conférence des évêques de France au sujet de l’application du motu proprio Summorum Pontificum avait attiré mon attention sur un point précis qui me paraissait un indice d’un possible coup fourré : celui de la concélébration. L’affaire dijonnaise d’expulsion de la Fraternité Saint-Pierre pourrait en être la concrétisation.

Le reproche essentiel fait à la Fraternité Saint-Pierre est de ne pas concélébrer (« Le blocage vient de l’attitude de la FSSP qui a exclu que ses prêtres célèbrent dans le rite ordinaire. » communiqué du diocèse de mi-juin). Voilà la faute ! Il existerait donc sous le pontificat miséricordieux du pape François des péchés sans pardon ni rémission.

Mais posons-nous la question de fond : pourquoi imposer cette concélébration (rappelons que le droit à ne pas concélébrer a été rappelé dans plusieurs textes romains toujours en vigueur) ? la concélébration est-elle le signe supérieur de l’unité dans l’Église catholique ?

Il n’en est rien.

L’unité se manifeste à la messe bien davantage par la récitation du credo, proclamation commune, précise, solennelle de ce à quoi et à qui nous croyons et qui fait des fidèles des frères. Elle se manifeste évidemment dans la prière du Canon par la nomination du pape régnant et de l’évêque du lieu (una cum famulo tuo Papa nostro N (…) et Antistite nostro N). Et surtout, elle se réalise par la communion au corps de notre Seigneur réellement présent sous les apparences de l’hostie qui nous unit de manière surnaturelle et incomparable. Saint Thomas d’Aquin affirmait que l’Eucharistie est bien le sacrement de l’unité ecclésiastique et qu’elle consiste en ce que beaucoup sont un dans le Christ.

La concélébration avant le concile de Vatican II était, dans les faits, bien éloignée de ce que nous connaissons aujourd’hui (cf. Un heureux anniversaire ? essai sur les cinquante ans du missel de Paul VI). Il s’agissait souvent d’une survivance de ce qui s’était pratiqué dans de nombreux diocèses et à Rome, constituant davantage une « concélébration cérémonielle » que « sacramentelle », les prières consécratoires n’étant pas systématiquement prononcées par les concélébrants. Dans la forme extraordinaire du rit romain, la concélébration des prêtres avec l’évêque le jour de leur ordination est davantage un apprentissage de la célébration, les ordonnés ne font pas les gestes de la consécration et lisent l’ensemble des prières depuis leur place. Quant à la messe du Jeudi Saint dans le rit lyonnais, il s’agissait d’un déploiement liturgique particulièrement solennel, hiérarchique et majestueux (chapiers, clergé revêtu des ornements de son ordre, six prêtres concélébrant sacramentellement avec l’archevêque…).

Au moment du concile de Vatican II, la concélébration était espérée de longue date par tous ceux qui attendaient des réformes liturgiques une plus grande participation et une participation visible, démonstrative. La concélébration est une marotte des tenants de la nouvelle messe. On constate une fois encore cette priorité maniaque donnée à la participation, à l’action, à ce qui se voit. Depuis cinquante ans lors des grands rassemblements catholiques, on assiste à des concélébrations monstres au cours desquelles participent des centaines de prêtres apercevant vaguement le « présidant » sur les écrans géants, suivant confusément la cérémonie sur leur smartphone, ne pouvant voir les oblats et a fortiori toucher l’autel à quelque moment que ce soit. Le signe de l’unité matérielle du clergé est privilégié à toute autre considération, en particulier celle du respect de l’Eucharistie et du signe de la Présence réelle. Aujourd’hui de nombreux prêtres refusent de célébrer des messes d’enterrement mais se précipitent pour concélébrer, vaguement vêtus d’aube avachie et d’étole de guingois, le petit livret jetable de Prions en Église pendant au bout du bras. On ne peut que rester songeur devant l’adoption systématique de cette pratique en particulier dans les couvents et abbayes. L’abandon total des messes privées étant le corollaire de cet usage. Rappelons cette anecdote au sujet du cardinal Ratzinger rapportée par Nicolas Diat :

Avant son départ, dom Forgeot lui (le cardinal Ratzinger) propose d’entrer dans l’abbatiale au moment si exceptionnel des messes basses. Le cardinal est saisi, presque interdit. Il reste un long moment en méditation, à genoux sur le sol, au fond de l’édifice. En sortant, sur le parvis, il dit tout bas au père abbé, qui se remémore encore l’inflexion précise de sa voix : « Ça, c’est l’Église catholique ! »

Le cardinal Ratzinger s’était d’ailleurs interrogé à plusieurs reprises sur la concélébration à l’occasion de ces grands rassemblements, il invitait les prêtres à redécouvrir la vertu d’assister à la messe. Plus tard, devenu pape, il aura cette réflexion :

« J’ai fait poser une autre question sur la concélébration en masse : parce que si, par exemple, mille prêtres concélèbrent, on ne sait pas si subsiste encore la structure voulue par le Seigneur ». (Benoît XVI évoquant le synode de 2007 à l’occasion d’une rencontre avec les curés et le clergé du diocèse de Rome en février 2008.)

Dans un ouvrage, l’abbé Gouyaud (Abbé Christian Gouyaud, L’Église, instrument du salut, éditions Téqui, 2005) émettait une réflexion intéressante en estimant que
« la signification de cette unité par la revalorisation de la concélébration constituait […] l’objectif des pères conciliaires, abstraction faite, pouvons-nous dire, de toute autre considération […]. On peut le regretter mais c’est ainsi. »

Il me semble ainsi patent que la justification de la concélébration développée depuis Vatican II réside uniquement dans l’apparence (et non dans la réalité qui se trouve ailleurs, nous l’avons dit) de l’unité autour de l’évêque et entre confrères sans aucune considération théologique dont l’époque se soucie d’ailleurs comme d’une guigne. Ainsi, c’est bien à un souci pastoral et sentimental que l’on a cédé, ouvrant la porte à une multiplication illimitée de cette pratique jusqu’à l’absurde et, dans quelques cas, au sacrilège. »

Cyril Farret d’Astiès

A publié chez Presse de la Délivrance : Un heureux anniversaire ? essai sur les 50 ans du missel de Paul VI

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