Traditionis Custodes : Si pour Noël, on accueillait (aussi) au pied de la crèche les « tradis » ?
« Comme il n’est pas d’usage, dans l’Église, d’aller manifester avec force banderoles, porte-voix et slogans tonitruants, les « tradis » cherchent d’autres moyens de se faire entendre.
« Plutôt qu’au Papa Noël… écrivez au pape à Noël ! », telle est l’injonction postée il y a quelques-heures par le compte Twitter de, « la voie romaine », cette délégation de mères de prêtres qui partira en mars à pied à Rome, la hotte chargée de suppliques de fidèles. Cet humour léger de saison ne saurait masquer cependant les graves inquiétudes qui étreignent ces catholiques.
C’est Diane Sévillia, mère d’un prêtre de la Fraternité Saint-Pierre, qui a lancé l’initiative. Elle affirme avoir reçu déjà de nombreuses lettres, y compris de pratiquants peu coutumiers de cette liturgie. Elle enjoint ceux qui n’auraient pas encore écrit à le faire. Cette initiative portera-t-elle ses fruits ?
Clotilde Juge, représentante d’un collectif de jeunes attachés au rite traditionnel nommé « Juventus traditionis », rapporte n’avoir trouvé quant à elle jusqu’à présent que porte close : elle confie avoir demandé plusieurs fois audience à l’ancien archevêque de Paris Monseigneur Aupetit, sans le moindre succès.
Rappelons qu’en juillet dernier, le motu proprio Traditionis Custodes portait un coup violent à la messe traditionnelle, et qu’il y a quelques jours, à la veille de la nativité – le moment était-il vraiment bien choisi ? -, la Congrégation pour le Culte Divin en a précisé l’application concrète : elle se révèle très restrictive. « Le couperet est tombé, commentait sur Twitter Elisabeth Caillemer, journaliste à Famille chrétienne. « La célébration des sacrements (baptême, mariage, ordination…), selon le rite ancien est désormais interdite dans l’Église (hormis dans les paroisses personnelles… moins de 10 en France ! ».
Sur le site Vatican News, on peut lire que « la messe selon le rite antérieur » est « une concession limitée et ne fait pas partie de la vie ordinaire de la communauté paroissiale ». Elle ne doit pas être une « occasion de promouvoir le rite antérieur ». Il est même recommandé de ne pas « insérer la célébration dans l’horaire des messes de la paroisse, en évitant ainsi la concomitance avec les activités pastorales de la paroisse ». Bref, ne pas en donner l’horaire dans la feuille paroissiale, faire en sorte qu’il n’y ait pas de contact avec les autres paroissiens. Au cas où ce serait contagieux ? Pas encore de vaccination, mais au moins les gestes barrière.
Le but est simple et ne se cache pas : mettre un terme au rite traditionnel.
Christophe Dickès, historien spécialisé du Vatican et du Saint-Siège, note finement, sur Twitter lui aussi, ce paradoxe : « Rome vient donc, non pas d’interpréter le concile Vatican II, mais de le contredire. » car Vatican II considérait textuellement « comme égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus ».
D’aucuns, lisant ces lignes, n’y voient peut-être que querelles picrocholines pour grenouilles de bénitier et se demandent en quoi elles les concernent. Disons le tout de go, ils ont tout faux. Depuis le baptême de Clovis, quand l’Église éternue, c’est la France qui s’enrhume. Que se passera-t-il si exsangue, elle se couche ? « Le mépris affiché pour les ultimes pratiquants est suicidaire », mettait en garde, il y a un an, Yann Raison du Cleuziou dans La Croix, évoquant une base des catholiques – cultuels comme culturels – qui se contracte. l’Église peut-elle s’offrir le luxe, de laisser sur le bord du chemin ces familles, ces jeunes en nombre, ce clergé ?
Certains ne voyaient dans le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI qu’une transition compréhensive en attendant que les vieillards nostalgiques passent (et trépassent). Ils pensaient à un centre de soins palliatifs. ils ont vu fleurir une pouponnière, comme en témoigne la moyenne d’âge (21 ans) des 12.000 participants au pèlerinage de chrétienté de la Pentecôte en 2019. Dans le même temps, la Fraternité Saint-Pie X, comptait environ 4.500 pèlerins de Chartres vers Paris d’une moyenne d’âge similaire.
Mais tant de brutalité ne peut conduire qu’à la giletjaunisation spirituelle de ces communautés périphériques, qui aujourd’hui, comme l’écrit Christophe Dickès, toujours dans La Croix, « ne sont même plus sûres de bénéficier d’une étable ».
Redisons-le, il n’est pas d’usage dans l’Église d’aller manifester sous les fenêtres des prélats, ni de faire du bruit médiatique, mais il s’est passé ces dernières années beaucoup de choses dans l’Eglise peu usuelles, à commencer par la renonciation d’un pape ou l’interdiction de la messe pour raison sanitaire.
Pour le moment les fidèles sont sonnés. Mais leurs rangs bruissent d’indignation et d’incompréhension douloureuse. La voie romaine et Juventis traditionis sont les premières initiatives, elles pourraient, la trêve de Noël passée, ne pas être les dernières. »
Gabrielle Cluzel
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