Sous l’invocation de Saint Jean Paul II : donnons-nous un signe de paix liturgique

jeudi 27 janvier 2022
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Sous l’invocation de Saint Jean Paul II : donnons-nous un signe de paix liturgique



« Ce vœu que je formule pour cette nouvelle année 2022, peut en partie surprendre, car sa réalisation ne dépend pas que de nous, fidèles et simples prêtres de l’Eglise catholique ! L’autorité ecclésiastique est d’abord aux commandes en ce qui concerne l’exaucement. C’est d’ailleurs, à son plus haut niveau, celui du Saint Siège, que le trouble semble avoir été semé par la publication du motu proprio par le Pape François « Traditionis custodes ». J’emploie le verbe « semble. » et je m’en expliquerai.

Comme je l’ai dit lors d’une émission du club des hommes en noir, j’ai été attristé par cette publication, et je le demeure. Pourquoi ? Parce que, ayant encore la grâce d’être un prêtre sur le terrain, au contact permanent des fidèles je constate que beaucoup aiment la messe de Saint Paul VI, d’autant plus qu’une meilleure traduction française vient d’être éditée, et que d’autres, comptant de nombreux jeunes, ainsi que des convertis d’autres religions, sont attachés à la messe de Saint Jean XXIII ! D’où mon désarroi à la parution du dernier motu proprio, et la première question que je me suis posé : y aurait-il trop de pratiquants dans notre Église catholique pour vouloir imposer une forme unique du rite romain ?

Mais les diverses réactions que j’ai entendues dans les semaines qui ont suivi cet événement, m’ont montré que tout n’allait pas pour le mieux dans la pacification entreprise sous Jean Paul II, et perfectionnée par Benoît XVI avec son motu proprio « Summorum Pontificum. ».

Il y a d’abord la situation du catholicisme aux États Unis, où d’après un certain nombre de témoignages, beaucoup de fidèles de la messe ancienne sont entretenus dans la plus grande des méfiances, pour ne pas dire plus, vis à vis de Vatican II. Et ils seraient nombreux ! D’où un risque que ne peut accepter le Saint Siège !

Mais en ce qui concerne la France, je ne crois pas que les partisans de l’ancienne liturgie travaillent à la construction d’une Église parallèle. C’est pourquoi j’ai été désagréablement surpris par l’affaire de Dijon. Je connais son évêque qui n’a rien d’un tyran, et qui de plus est un remarquable théologien, un homme bienveillant et ouvert au dialogue. Son souhait de voir participer tous les prêtres qui travaillent dans son diocèse à la messe chrismale me semble légitime. Concélébrer avec son évêque est une pratique ancienne, dont la forme a été modifiée au cours des siècles, mais dont le principe n’a rien de contraire à la Tradition catholique. Arguer de permissions particulières données à certains instituts attachés à la forme ancienne de la messe, celle de Saint Jean XXIII, autorisant ses prêtres à ne célébrer que dans cette forme du rite romain, ne saurait les dispenser de l’obéissance à l’évêque diocésain, règle qui constitue un des fondements mêmes de l’Eglise catholique. Il est donc faux de dire que l’Eglise revient sur sa Parole, car jamais elle n’a pu donner une dispense s’opposant à une loi aussi ancienne et aussi générale. Et je ne crois pas qu’on puisse m’opposer un document écrit pour contredire mon propos.

Que l’on fasse remarquer la nécessité de réorganiser les concélébrations est une chose légitime qu’un évêque peut, me semble-t’il entendre ! Mais qu’on la pose en condition sine qua non pour participer ou non à la liturgie me paraît inacceptable ! L’évêque est maître de la liturgie en son diocèse, en union avec le Siège Apostolique. Cette question ne peut se discuter. Et si la liturgie des concélébrations avec l’évêque doit être revue, il faut laisser le temps aux spécialistes en liturgie pour travailler, et en attendant, obéir à l’évêque du diocèse.

De plus, cette malheureuse affaire de Dijon, mêlée à quelques autres différents aussi incompréhensibles que mesquins a remis en lumière des polémiques que l’on croyait dépassées aujourd’hui, à savoir l’autorité du Concile Vatican Il et la validité de la messe de Paul VI.

Je sais parfaitement que certaines explications de passages délicats du Concile, comme celui qui concerne la liberté religieuse, ont donné lieu à des polémiques parfaitement compréhensibles. On n’a pas le droit d’utiliser ce texte pour justifier le relativisme ou le syncrétisme religieux. Saint Jean Paul II et Benoît XVI ont été clairs sur ce point et le Pape François a travaillé dans le même sens. On a beaucoup exagéré l’affaire de la Pachamama lors du synode sur l’Amazonie, en oubliant comment beaucoup de missionnaires ont inculturé l’évangile dans la civilisation où ils se trouvaient, à commencer par Saint Paul, utilisant le dieu inconnu des athéniens.
Quant à la validité de la messe de Saint Paul VI, son texte originel latin ne pose que la question des prières de l’offertoire, remplacées effectivement par des prières de bénédictions juives. Mais cela ne remet pas en cause le caractère sacrificiel de la messe, rappelé dans plusieurs prières qui, heureusement maintenant mieux traduites en français, ne permettent aucun doute. Qu’on se reporte aussi au début de cette même messe. On retrouvera dans le texte latin de Saint Paul VI la référence aux saints mystères, correspondants aux quatre fins de la messe selon le catéchisme de Saint Pie X. Et je regrette que la nouvelle traduction française n’en n’ait pas tenu compte, comme plusieurs prêtres, dont votre serviteur l’avait expressément demandé, tout comme pour la mention du « toujours vierge. » concernant la Bienheureuse Marie. Mais cela ne rend pas pour autant cette messe invalide, d’autant plus que seul l’original latin fait autorité.

Quand un évêque, et à plus forte raison un Pape, prend une mesure qui contrarie, il faut se demander, avant de formuler une quelconque critique, pour quelle raison il a jugé bon de la prendre pour le bien de l’Eglise. Nous n’avons pas toutes les informations dont dispose le Saint Père, et il n’est nullement obligé de nous donner des explications.

Au moment où de différents côtés on voit se profiler des manœuvres de déstabilisation de l’Eglise en voulant y introduire des structures démocratiques allant à l’encontre de sa structure hiérarchique, il serait lamentable de voir des catholiques attachés à la Tradition se révolter d’une manière ou d’une autre contre l’autorité légitime du Pape . De plus, la messe de Saint Jean XXIII peut continuer à être célébrée. Le Saint Père a déclaré publiquement à nos évêques que le souci pastoral devait avoir la priorité par rapport aux dispositions de son récent motu proprio.
C’est pourquoi, j’ai employé le verbe sembler, à propos du Pape François comme origine des restrictions appliquées à la forme extraordinaire du rite romain. Je n’ai aucun renseignement particulier et mon analyse est toute personnelle. Il y a à Rome, et là, il s’agit d’une certitude , des opposants radicaux à la messe ancienne, comme par exemple le professeur Grillo qui a su convaincre l’épiscopat italien. Je sais aussi que dans certains pays, et non des moindres, par exemple les États Unis, il est possible de déduire de certaines attitudes une volonté d’édifier une église parallèle. Et d’un autre côté le Saint Siège a à faire face à une contestation allemande qui pourrait bien menacer gravement l’unité de l’Eglise. Voilà ce que nous savons d’une manière sûre et qui déjà peut expliquer la réaction du Souverain Pontife.
On me citera alors les réponses de la Congrégation pour le culte divin comme preuve de l’hostilité du Saint Siège ! Ce à quoi je répondrai qu’elles étaient tellement prévisibles, compte tenu des questions posées, qu’on peut se demander qui est véritablement à l’origine d’une pareille démarche, qui ne profite qu’aux partisans du professeur Grillo !

C’est pourquoi, j’insiste sur la nécessité de faire tous les efforts nécessaires pour maintenir la paix liturgique en usant de tous les moyens qui nous sont laissés pour que les deux formes du rite romain continuent à être célébrées en France. Beaucoup de nos évêques ont manifesté une ouverture qu’il ne faudrait pas décevoir. Il serait stérile de les placer dans une situation impossible par trop de raideur, et de camper dans des attitudes de refus injustifiables, comme celui de participer à la messe chrismale célébrée par l’évêque, ou encore, tout simplement de célébrer la messe de Saint Paul VI, occasionnellement pour une paroisse qui y serait habituée et dont le prêtre serait momentanément empêché. Et la réciprocité doit bien sûr exister !
Car ne nous y trompons pas, notre Église catholique en France vit des heures difficiles. Elle ne sortira pas indemne du rapport de la CIASE ! D’abord à cause des crimes graves que celui-ci confirme, mais aussi parce que les faits, que ce document dénonce à juste titre, ne sont pas présentés d’une manière objective. Je l’ai déjà dit, et je continuerai à le dire, avec heureusement d’autres catholiques ayant bien plus de notoriété que moi, comme par exemple les membres de l’Académie catholique qui ont protesté contre les méthodes employées par cette commission, soit disant indépendante !

Mais je ne veux pas développer ce sujet aujourd’hui, sinon pour faire remarquer qu’en me concentrant en ce début d’année sur la question de la messe et l’importance de sa bonne célébration, je demeure en fait au cœur des problèmes qui ont obligé l’Eglise à avoir recours à une commission spéciale.

La messe a le privilège de faire vivre le sacré chrétien de la manière la plus intensive. Les abus scandaleux qu’on a pu constater dans la manière de célébrer la messe de Saint Paul VI, à partir des années 1970 ont désacralisé cet office capital. Tous les Papes, jusqu’à François inclus, l’ont dénoncé. Et dans le même temps on a bien sûr désacralisé le prêtre, et c’est cela qui en priorité a permis les déviances à la source des scandales que l’on sait. C’est pourquoi je juge diabolique, et je pèse mes mots, d’attribuer à la trop grande sacralisation du prêtre les abus auxquels certains se sont livrés (une minorité tout de même, rappelons le, mais c’est encore trop j’en conviens). Compte tenu de ce que je lis, je me vois obligé de rappeler que sacraliser le prêtre dans le christianisme ne le transforme pas pour autant en gourou, car il ne devient ce qu’il est et le demeure que par l’autorité de l’Eglise. Plus le prêtre aura conscience d’avoir été transformé ontologiquement par son ordination, au point de pouvoir vivre son baptême en assumant le rôle du Christ Tête dans les moments importants de son existence, comme la célébration des sacrements et l’enseignement de la Parole de Dieu, plus il sentira qu’il doit contrôler et maîtriser ses pulsions. Vouloir, comme le proclament certains, faire descendre le prêtre de son piédestal, c’est courir le risque de le conduire dans des lits où il ne doit pas être ! Voilà pourquoi, j’ai employé le qualificatif de diabolique. Le remède du « prêtre baptisé comme les autres. » est en fait un pousse au crime, révélateur d’une méconnaissance totale de la puissance du sacré ! Et celle-ci serait partagée par le prêtre qui oublierait la crainte de Dieu, notion trop peu rappelée dans le christianisme moderniste. Dans son dernier ouvrage, « Pour l’éternité » le Cardinal Sarah écrit « La crainte nécessaire au prêtre est la crainte filiale et joyeuse. Celle qui, fondée dans un paisible réalisme sur nos limites, nous fait trembler de stupeur et de reconnaissance devant le don que Dieu fait. Le prêtre doit chaque jour s’émerveiller : le Christ veut se continuer aujourd’hui par moi, si pauvre, si indigne, si insuffisant. Sans ce tremblement reconnaissant et adorant devant la grandeur du don nous risquons de nous approprier notre vocation. Il n’y aurait rien de pire. Ce serait la porte ouverte à tous les abus. »(1)

La célébration de la messe dans sa forme extraordinaire a eu l’heureuse influence de faire redécouvrir à nombre de catholiques les vertus de la beauté liturgique. Beaucoup ont connu ou retrouvé la splendeur du chant grégorien, et un certain nombre de paroisses, tout en conservant la messe de Saint Paul VI, ont réintroduit ces chants latins qui n’avaient jamais été interdits. Ni le Concile Vatican Il, ni la messe de Saint Paul VI ne sont donc en cause en matière de désacralisation. Les interprétations fausses et les célébrations indignes, oui !

La communauté Saint Martin a donné la preuve de ce que j’affirme, d’où son succès, tant dans la formation des prêtres, que dans la pastorale. J’ai connu cette Communauté dans mon diocèse d’incardination, à Blois, et l’ai vue agir de près. Elle a plus servi d’exemple qu’on ne le dit, tout comme par la suite les offices en forme extraordinaire quand ils se sont multipliés. Aussi, ce qui importe aujourd’hui, c’est de défendre la sacralité liturgique liée à celle du prêtre . C’est par elle que l’Eglise pensera les plaies des récentes blessures qui ont été dénoncées à juste titre. C’est par elle qu’elle empêchera que de telles horreurs ne se reproduisent. Cela dit, cette grande entreprise ne dispensera jamais les autorités compétentes du devoir de discernement quant aux vocations.

Quiconque a un minimum d’expérience dans l’Eglise, sait qu’il s’agit là d’un don, qui va généralement avec une intuition éprouvée, accompagnée de la faculté de se placer immédiatement au niveau de la personne rencontrée, le tout vécu dans la maîtrise absolue de ses passions. Pour résumer, je dirai qu’il faut posséder une âme de stoïcien chrétien.

Je n’ai jamais eu ce don, c’est peut-être pourquoi je peux le décrire à partir de l’expérience de mes manques et de mes erreurs de jugement. Dans mon expérience d’évêque luthérien, j’ai toujours apprécié, moi qui n’aime guère les commissions, ce que nous appelions la commission des ministères qui devait donner son avis pour toute ordination pastorale. Des femmes en faisaient partie, et j’ai toujours reconnu l’utilité de leur jugement. Il me semble qu’elles auraient là une place à tenir pour le bien commun de toute l’Eglise. Bien évidemment dans le cadre catholique, l’avis d’une telle commission ne serait que consultatif, mais je suis sûr que l’évêque en tiendrait le plus grand compte, tout comme nos rois avec leurs différents conseils.
Mais j’en reviens à la messe, sujet de mes vœux pour les années qui viennent. Dans l’Eglise, on ne peut rien faire sans prière et la messe, sous ses deux formes, en concentre un maximum, en rassemblant encore beaucoup de chrétiens. En maintenant les célébrations en forme extraordinaire, partout où cela est possible, en s’abstenant de tout propos polémique de nature à perturber l’unité du diocèse, il n’est pas irréaliste d’espérer une augmentation des effectifs qui fasse réfléchir et amène à envisager un avenir autre que celui qu’on nous laisse entrevoir.
De plus notre pays va vers des troubles dont personne ne peut actuellement prédire la gravité et les conséquences. On pourra reculer leur éclatement par toutes sortes d’artifices, et ils ne manquent pas, cela n’empêchera pas l’explosion. Plus que jamais, l’unité catholique sera nécessaire pour rassembler autour d’elle ceux qui refuseront la dictature, quelle que soit sa forme, ou la barbarie, quels que soient ses masques.

C’est pourquoi tout en renouvelant mes vœux pour la paix liturgique, fondée sur la libre pratique des deux formes du rite romain, je vous invite tous à prendre l’engagement solennel de ne plus accepter les suppressions de célébrations de la sainte messe et de considérer tout interdit en cette matière comme un abus de pouvoir intolérable, entrant dans la catégorie des fausses lois, la discipline canonique étant sauve.

Bonne et sainte année dans une fidélité plus grande aux trésors spirituels de notre sainte messe. »

Père Michel Viot

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Michel Viot