Très Précieux Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ

vendredi 8 juillet 2016
popularité : 2%


Juillet, mois consacré au Très Précieux Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ
En France les Bernardines du Précieux Sang, Marguerite de Beaune et Marguerite de la Passion, carmélites



« Après le mois du Sacré-Coeur, le mois de Juillet est traditionnellement consacré au Précieux Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ. Par cette fête, l’Eglise nous rappelle que c’est exclusivement par Lui, et non par le sang des taureaux et des boucs, que nous avons été rachetés. A chaque Saint-Sacrifice de la Messe, Notre-Seigneur Jésus-Christ ne cesse de répandre Son Précieux Sang purificateur sur le monde, criant non vengeance, mais Miséricorde...

L’histoire tout entière de l’Eglise est l’histoire du précieux sang, car c’est l’histoire de la prédication de Jésus crucifié, selon la mémorable expression de saint Paul. Cette dévotion est née avec le christianisme. L’Apôtre des nations la recommande à chaque page de ses sublimes écrits : il y parle en effet constamment de la croix de Jésus-Christ et du sang qu’il a répandu pour le salut du monde ; il revient sans cesse à ce sujet et c’est un besoin pour son amour de s’y arrêter. Les saints Pères, en particulier saint Jean Chrysostome et saint Augustin, ont marché sur les traces de saint Paul ; et parmi les Saints, ceux que nous honorons davantage sont ceux qui ont le plus honoré la Passion de Notre Seigneur, qui ont reçu le plus dignement son corps comme nourriture et son sang comme breuvage divin.

Sainte Catherine de Sienne a beaucoup contribué à propager le culte du précieux sang, comme dévotion spéciale. On cite encore parmi les servantes de Dieu qui se distinguèrent par un amour plus ardent du précieux sang, Osanna de Mantoue, qui était ravie en extase chaque fois qu’elle voyait du sang ; sainte Marie-Madeleine de Pazzi ; la vénérable Marie-Françoise des Cinq Plaies, religieuse d’Alcantara ; Françoise de la Mère de Dieu, carmélite de France ; la vénérable Anne de Jésus, compagne de sainte Thérèse, qui, un jour en communiant, eut la bouche remplie d’un sang délicieux qui découlait de l’hostie ; la carmélite Marguerite de Beaune ; Marguerite de la Passion, carmélite de Rouen, et tant d’autres.

On vénère en divers endroits des reliques soit d’un sang miraculeux, soit du précieux sang, et les grâces obtenues par ce moyen ont augmenté cette dévotion. Elle fut l’objet de plusieurs confréries qui contribuèrent aussi beaucoup à la répandre et à l’accroître. Il en existait anciennement une à Ravenne ; il y en avait une à Rome sous Grégoire XIII. Mais c’est spécialement sous Pie VII qu’une archiconfrérie du précieux sang fut établie à Rome. Ce Pape l’enrichit de nombreuses indulgences ; il favorisa de même la congrégation des missionnaires du précieux sang, fondée sous son pontificat. L’existence de confréries du même genre en Espagne atteste une dévotion spéciale pour le précieux sang dans ce pays. L’Angleterre a occupé aussi sa place autrefois dans l’histoire de cette dévotion. Le frère d’Henri III, Richard de Cornouailles, apporta dans ce pays une relique importante du précieux sang, et il fonda la congrégation des Bonshommes pour la garder. La France a donné, entre autres, les Bernardines du Précieux Sang, qui atteignirent la plénitude de leur développement à Paris, en 1654.

Mais nul pontificat n’a été aussi favorable que celui de Pie IX, au développement de la dévotion au précieux sang. C’est sous lui que, par suite d’une révélation particulière, le scapulaire rouge a été institué et enrichi de nombreuses indulgences. La confrérie du précieux sang a vu, grâce à la munificence du Pontife , augmenter ses indulgences ; et par suite de nouvelles confréries ayant le même but ont été établies dans différentes villes. Quand Pie IX, après son exil de Gaële, rentra dans Rome, il adressa à l’univers entier un décret qui instituait une nouvelle fête du précieux sang , le premier dimanche de juillet. L’institution de cette fête demeure aussi un monument des vicissitudes de l’Eglise et de l’assistance qu’elle reçoit de son divin fondateur.
Prenant pour guide le Père Faber, comme nous venons de le faire, nous indiquerons, quand nous parlerons de la fête de juillet, la nature de la dévotion au précieux sang et les avantages que les âmes pieuses en doivent retirer. »

La fête du 1er juillet

Toutes les dévotions ayant leurs fruits caractéristiques, leurs significations théologiques, nous allons dire quelque chose des traits distinctifs de la dévotion au Précieux Sang. Notre époque est une époque de libertinage ; et une époque de libertinage, par une sorte de logique pratique, est toujours une époque d’infidélité. Tout ce qui fait ressortir le côté de Dieu dans la. création, et exalte son action surnaturelle et incessante dans le monde, est une controverse à laquelle l’infidélité ne peut résister. Or, c’est ce que la dévotion au Précieux Sang fait d’une manière fort remarquable. Elle nous montre que l’on ne peut trouver la véritable signification de toutes choses que dans le plan de la rédemption, en dehors de laquelle il serait de toute inutilité de discuter les problèmes de là création. Elle nous révèle le caractère de Dieu aussi bien que celui de l’oeuvre de Jésus. En faisant ressortir les merveilles de l’Eglise et la vertu des sacrements, elle fait pénétrer dans nos cœurs l’amour de la souveraineté divine, en même temps que le sentiment d’une liberté large, pleine et entière. En répandant une brillante lumière sur les réalités humaines les plus intimes de l’incarnation, elle prévient la fausse spiritualité.

Un autre trait distinctif de la dévotion au Précieux Sang, c’est la manière dont elle fait ressortir, et dont elle conserve toujours présent à nos yeux le principe du sacrifice. Le sacrifice est tout particulièrement l’élément chrétien de la sainteté ; et c’est précisément cet élément que la nature a en horreur et qu’elle repousse de toutes ses forces. Ce serait chose facile d’être un homme spirituel, si pour cela il suffisait d’avoir des vues droites, des sentiments élevés, ou des aspirations ferventes. La pierre de touche de la spiritualité, c’est la mortification. Les amusements mondains, le bien-être domestique, une nourriture choisie, l’habitude quotidienne de faire toujours notre propre volonté dans les moindres détails de la vie, sont toutes choses incompatibles avec la sainteté, lorsqu’elles sont habituelles et qu’elles forment le courant normal et ordinaire de notre existence. La peine est nécessaire pour la sainteté ; la souffrance est essentielle pour la destruction de l’amour-propre ; il est de toute impossibilité que les habitudes de vertu puissent se former sans la mortification volontaire, et la douleur doit féconder la grâce, pour lui faire porter des fruits. Si un homme ne s’impose pas constamment des sacrifices, il se trompe, il est dans l’illusion, et il ne fait aucun progrès dans la spiritualité.

Si un homme ne renonce pas tous les jours à lui-même, il ne porte pas sa croix. Toutes les formes, toutes les images, toutes les associations, toutes les idées de la dévotion au Précieux Sang respirent le sacrifice. Elles fatiguent l’âme par un sentiment perpétuel de mécontentement et de défiance à l’égard de. tout ce qui n’est pas sacrifice ; et cette gêne est une sollicitation de la grâce. Avec le temps, elles nous pénètrent de l’amour du sacrifice ; et gagner cet amour du sacrifice, c’est avoir gravi les premières hauteurs de la sainteté, c’est respirer l’air pur et fouler le sol plus uni du plateau supérieur des montagnes de la perfection. C’est la mission particulière du Précieux Sang, de prêcher une croisade contre la tranquillité du bien-être.

Un autre trait caractéristique de la dévotion au Précieux Sang, c’est qu’elle ne prend pas la place des autres dévotions, mais que par son extension même elle leur procure un plus large espace pour se développer. Il nous est impossible d’avoir une dévotion égale pour tous les objets, il n’y a pas assez de largeur en nous pour cela ; nous sommes obligés de prendre les choses en détail. Le Calvaire finit par détourner nos pensées de Bethléem, et Bethléem finit par détourner nos pensées du Calvaire. Un mystère vient se mettre à la traverse d’un autre, et les dévotions se dérobent mutuellement la lumière. Mais ce qu’il y a de particulier dans la dévotion au Précieux Sang, c’est qu’elle n’embarrasse pas les autres, et qu’au contraire elle favorise plutôt leur développement. Elle n’est pas seulement une dévotion distincte, séparée, et douée de son esprit propre, mais elle entre aussi dans d’autres dévotions ; elle est une forme particulière, et une forme que beaucoup d’entre elles peuvent revêtir. Elle se mêle de la manière la plus naturelle avec la dévotion à la sainte Vierge. Elle est une splendeur ajoutée à chacun de ses mystères ; elle répand sur eux la lumière ; et elle fait venir Marie dans les mystères de Jésus. Elle a, comme nous le verrons bientôt, un rapport spécial avec l’Immaculée Conception. Elle forme en elle-même une dévotion séparée envers notre tendre Mère, considérée comme la source du Précieux Sang, et uns dévotion de la tendresse la plus ineffable, puisque c’est la dévotion à son Cœur immaculé et à son sang pur et sans tache.

Elle est aussi une variété de la dévotion à la Passion. Elle nous offre un point de vue sous lequel nous pouvons considérer chacun des mystères séparés de ce grand drame, en même temps qu’elle est un moule dans lequel nous pouvons les jeter tous pour ne plus en faire qu’un seul. Elle produit ainsi l’unité dans la dévotion de la Passion, et elle y produit aussi la variété. puisqu’elle vient s’y ajouter comme dévotion spéciale. Lorsque nous désirons embrasser l’ensemble de la passion d’un seul coup d’œil, nous sentons que, ne la considérer que comme le mystère unique de la Passion, c’est quelque chose de trop large pour nous, et que nous tombons dans le vague. Or, le vague est précisément ce que nous devons chercher à éviter dans la dévotion à la Passion. Sa vertu réside dans son caractère saisissant ; à moins d’avoir ce caractère, elle ne sera pas vraie ; et si elle n’est pas vraie, elle ne sera pas respectueuse. Aussi nous avons divers moyens à l’aide desquels nous obtenons l’unité dans le mystère de la Passion, quoique nous en considérions séparément les diverses parties. Nous prenons les cinq jugements de Notre Seigneur, ses sept voyages, ses sept paroles ou ses cinq plaies. Toutes ces choses sont d’excellentes inventions de l’amour ; mais le Précieux Sang nous donne une unité plus naturelle et aussi des détails plus frappants.

Nous pouvons dire la même chose de la dévotion à Jésus ressuscité. C’est une dévotion que nous cultivons par des méditations séparées sur les belles apparitions des quarante jours. Nous en retirons de brillantes pensées sur Dieu, les vues les plus lumineuses sur sa souveraineté adorable, des désirs célestes, une dévotion plus respectueuse et plus profonde envers Marie, un zèle plus ardent des âmes, et tout ce qui peut servir à l’allégresse de sa sainteté. L’allégresse est le trait distinctif de cette dévotion. Mais lorsque nous désirons lui donner de l’unité, nous la trouvons, cette unité, ou bien dans la dévotion à l’âme de notre tendre Sauveur, ou bien dans la dévotion à son Sang précieux.

La dévotion au Précieux Sang est aussi une autre forme de la dévotion au Saint-Sacrement. La dévotion au Précieux Sang dans le calice peut être considérée non seulement comme une nouvelle forme de cette dévotion, mais aussi comme une dévotion particulière, en même temps que l’adoration spéciale du Précieux Sang, lorsque nous nous tenons à genoux devant le tabernacle, est une forme de dévotion qui dit beaucoup à notre intelligence, et qui nous rend plus capables de comprendre les augustes réalités de ce redoutable sacrement.

Mais il n’y a pas pour la dévotion au Précieux Sang d’alliance plus étroite que celle qui existe entre elle et la dévotion au Sacré Cœur ; le Pré¬cieux Sang est la richesse du Sacré Cœur ; le Sacré Cœur est le symbole du Précieux Sang, et non seulement son symbole, mais son palais, son foyer, sa source. C’est au Sacré Cœur qu’il doit la joie de sa mobilité et la gloire de son impétuosité. C’est au Sacré Cœur qu’il retourne avec une promptitude de tous les instants, et c’est à lui qu’il s’adresse comme un entant à sa mère, pour en recevoir de nouvelles forces, une nouvelle vigueur et la continuation des pulsations qui ne doivent jamais s’arrêter. La dévotion au Précieux Sang est la dévotion qui dévoile les réalités physiques du Sacré Cœur. La dévotion au Sacré Cœur est l’expression figurative des qualités, des dispositions, et du génie du Précieux Sang ; la figure seulement est elle-même une réalité vivante et adorable. Le Sacré Cœur est le Cœur de notre Rédempteur : cependant ce n’est pas le Sacré Cœur qui nous a rachetés. C’est uniquement le Précieux Sang, et rien que le Précieux Sang, qui a été l’instrument choisi de notre rédemption.

C’est dans cette réalité spéciale, dans cet office où il n’a pas d’égal, dans ce privilège que personne ne partage avec lui, que réside la grandeur du Précieux Sang, grandeur qu’il communique aussi à la dévotion qui lui est consacrée. Sans cette distinction, la dévotion au Précieux Sang et la dévotion au Sacré Cœur n’en formeraient qu’une seule, considérée sous deux différents aspects. L’une honorerait les opérations actuelles de la nature humaine de notre tendre Sauveur, l’autre exalterait ses dispositions intérieures, ses charmes cachés, sa tendresse caractéristique, ses libéralités prodigues, et ses magnifiques affections. L’une aurait à s’occuper des opérations, l’autre de leurs significations ; l’une examinerait les actes, l’autre, leurs conséquences ; l’une serait l’explication et le commentaire de l’autre. Telle est l’intimité de leur union. Mais le fait mystérieux que le sang et le sang seul de Jésus a été choisi pour être le prix de la rédemption de l’homme, et que c’est le sang seulement et le sang versé dans la mort qui nous a réellement rachetés, ce fait, disons-nous, revêt le Précieux Sang d’une majesté distinctive, à laquelle ne participent que par circonstance le corps et l’âme de Notre-Seigneur. De là il suit que, si nous voyons communément que la dévotion au Précieux Sang et la dévotion au Sacré Cœur vont ensemble, nous voyons aussi de temps en temps, et c’est une exception à la règle donnée plus haut, que l’une vient se mettre à la traverse de l’autre, comme si elle n’en était qu’un aspect différent, plus en rapport avec le goût spirituel de l’âme. Mais en réalité celte apparence d’opposition n’est qu’une preuve de l’inti¬mité de leur alliance.

En parlant de celte harmonie de la dévotion au Précieux Sang avec les autres dévotions, nous devons mentionner un autre de ses traits distinctifs, qui offre un grand intérêt au point de vue dont il enchaîne toutes les vies de Jésus, de façon à n’en faire qu’une seule. Le Précieux Sang fait dans la dévotion ce qu’il fait dans la réalité de son existence. De même qu’il pénètre le corps tout entier de Nôtre Seigneur, et qu’il est sa vie, ainsi il est le moule dans lequel ne viennent plus en former qu’une seule toutes ces vies. Le Précieux Sang coule dans toutes ces vies, et il est leur seule et unique vie humaine. Cependant il n’est pas un lien purement Imaginatif auquel notre dévotion se plaît à les rattacher, par convenance, comme autant de grains d’un chapelet, il est une unité vivante ; en coulant dans toutes, il n’en fait qu’une seule, et il donne à chacune d’elles une signification spéciale, une lumière particulière.

Son usage comme puissance d’intercession est un autre trait caractéristique de la dévotion au Précieux Sang. C’est l’office spécial du sang de notre Sauveur d’intercéder. Son existence même est la plus puissante de toutes les prières ; sa présence dans le ciel est une force qui n’est surpassée que par la toute-puissance. Le Précieux Sang a été la force par laquelle Dieu a racheté l’homme. Il est la force au moyen de laquelle l’homme obtient auprès de Dieu. Il a été l’oblation qui, dans son offrande actuelle, a réconcilié avec ses créatures coupables le Créateur offensé. Il a été l’oblation dont la prévision seule a déterminé Dieu à inonder le monde de miséricordes, et dont l’imitation, dans le sang des animaux, a été autrefois la religion véritable de la terre. Il est l’oblation qui donne aux oblations chrétiennes toute leur efficacité par leur union spirituelle avec elle-même. Il est l’oblation dont la répétition réelle sur l’autel continue à donner à la création ses droits à l’indulgence de son Créateur. Sous ce rapport aussi la dévotion au Précieux Sang offre une réalité plus vivante et plus intime que les autres dévotions. Bien des révélations, qui nous viennent de l’autre monde, attestent la dévotion particulière des morts au Précieux Sang. Il a été permis à des âmes du purgatoire d’apparaître et de dire comment, dans leur patrie de souffrance et de désolation, il n’y a que le sang, le sang de l’adorable sacrifice de la messe qui puisse éteindre les feux qui les dévorent. Les tableaux qui représentent les anges tenant des calices auprès du côté ouvert de Jésus, pendant que Marie prie à ses pieds, et puis, versant ces calices dans les flammes du purgatoire, ne font que nous exposer simplement cette vérité catholique telle qu’elle existe dans la pensée des fidèles.

Les prières pour la conversion des pécheurs cherchent naturellement leur efficacité dans l’oblation du Précieux Sang ; le Précieux Sang s’est répandu pour leur conversion. La conversion est sa principale occupation sur la terre ; c’est son ouvrage bien plus que le nôtre. Employé pour atteindre ce but, il est quelque chose de plus qu’une puissance d’intercession ; c’est lui qui accomplit l’oeuvre, il est tout à la fois la prière et la réponse à la prière. La prière pour l’exaltation de l’Eglise a spontanément recours au Précieux Sang, car l’Eglise est sa création spéciale, et la dévotion à l’Eglise est sa dévotion personnelle. C’est pourquoi il n’attend que notre invitation pour se joindre à nous avec toute l’impatience de l’amour. Aussi, nous pouvons bien nommer la dévotion au Précieux Sang une dévotion apostolique.

Il y a encore un autre trait caractéristique de cette dévotion, qui nous est fourni par son histoire, mais qui est loin toutefois de ne reposer que sur les circonstances historiques ; c’est son alliance particulière avec l’Immaculée Conception. Le principal office de ces deux mystères est de faire mieux ressortir la grâce réparatrice, et tous les deux nous prêchent égale¬ment la rédemption. Le Précieux Sang a été l’instrument qui a racheté le monde ; et l’Immaculée Conception a été la première et la plus grande des victoires qu’il ait remportées. Ainsi, l’Immaculée Conception a été la plus haute et la plus ancienne des œuvres du Précieux Sang. Mais il y a plus que tout cela, nous voyons dans ces deux mystères un cercle vicieux ravis¬sant de cause et d’effet ; car tantôt c’est la cause qui est l’effet, et tantôt l’effet qui devient cause. C’est dans l’Immaculée Conception, qui est son œuvre de prédilection, que le Précieux Sang a d’abord pris naissance ; et l’Immaculée Conception n’a existé qu’à cause du Précieux Sang ; elle n’a existé que pour garantir sa pureté et protéger son honneur. Le Précieux Sang, par les mouvements souterrains de son ardent amour, a élevé les montagnes de l’Immaculée Conception, et puis, il a coulé de leur sommet comme l’onde pure d’une fontaine pour le bonheur des nations. L’Immaculée Conception rentre donc de fait dans la dévotion au Précieux Sang. Elle est l’offrande la plus riche de la création, faite par la Reine des créatures qui, dans la jubilation de son aurore sans tache, a ainsi couronné le Précieux Sang, en recevant elle-même sur son front sa couronne de prédilection.

Il n’y a donc rien d’étonnant que nous trouvions dans ces deux dévotions, la dévotion au Précieux Sang et la dévotion à l’Immaculée Conception, une similitude d’esprit, une similitude de dons, et une similitude de grâces. Mais quelle est la distinction que la dévotion au Précieux Sang ne partage avec aucune autre ? Est-ce qu’il n’est pas une grandeur qui lui soit uniquement personnelle ? Oui, il en est une, mais elle n’est pas seule pour la posséder, et elle la partage avec la dévotion au Saint-Sacrement. Le privilège distinctif de la dévotion au Précieux Sang consiste en ce qu’elle renferme l’union particulière d’adoration et de dévotion, qui forme la spiritualité du ciel. Mais considérons plus attentivement l’esprit de cette dévotion, tel que nous le révèlent les fruits qu’il produit dans l’âme.

D’abord, il nourrit en nous un étonnement plein d’amour et toujours renaissant à la vue des choses ordinaires de la foi. Le surnaturel n’est pas nécessairement la même chose que le merveilleux ; l’amour du surnaturel est quelque chose de plus élevé que le désir du merveilleux ; c’est une grâce plus grande, une grâce féconde, une grâce qui en renferme beaucoup d’autres ; il y a peu de grâces que nous dussions désirer avec plus d’em¬pressement, pour beaucoup de raisons, mais pour celle-ci en particulier, qu’elle donne une très grande fécondité aux trois vertus théologales. La multitude est attirée par les miracles, les prophéties, les apparitions, les visions et les héroïsmes extraordinaires d’une sainteté inimitable. Nous devons aussi nous laisser attirer par ces objets ; Dieu les offre comme autant d’attraits, et dans son intention, ils doivent nous attirer. Mais pour l’âme qui réfléchit, pour l’âme qui aime, les choses communes de la foi sont mille fois plus attrayantes ; et pour la plupart aussi, elles sont en elles-mêmes beaucoup plus merveilleuses. Dans la religion, ce qui est com¬mun vaut mieux que ce qui ne l’est pas ; car les choses communes sont universelles, et ce sont ses dons les plus précieux que Dieu donne à tous les hommes, et ses dons particuliers qu’il accorde au petit nombre. Cette manière d’agir est une des voies de Dieu qui mérite d’être observée et justement appréciée ; ses faveurs de choix sont les plus universelles.

Or, de toutes les choses surnaturelles, le Précieux Sang est la plus répandue, la plus commune et la plus accessible. Il entre dans tout ce qu’il y a de plus ordinaire dans la religion, avec une ubiquité qui ne se fatigue jamais, et sa dévotion participe à cette universalité qui lui est personnelle. Dans la spiritualité, à mesure que les années s’écoulent, les sages apprécient de plus en plus cette estime et cet amour des choses communes de la foi.
Voici un autre fruit de l’esprit de cette dévotion au Précieux Sang. Il est plus facile d’aimer Dieu que d’avoir confiance en lui. Notre plus grand défaut, dans le culte que nous rendons à Dieu, c’est le manque de confiance en lui. La confiance est la marque de la vérité de l’adoration ; c’est la plénitude tranquille de l’amour. Quoi, mieux que l’étude du Précieux Sang, peut nous donner cette confiance en Dieu ? Qui peut douter de Jésus, quand il le voit verser son sang ? Soit que nous regardions les grandeurs de ce sang précieux, ou ses libéralités, ou sa tendresse, ou ses particularités, le résultat de notre contemplation sera une confiance ferme et filiale. De là naîtra la générosité à l’égard de Dieu, cette vertu si importante, dont nous déplorons tous les jours l’absence en nos âmes, et que nous ne pre¬nons jamais la peine d’acquérir. Il est plus aisé d’être généreux, lorsque nous parvenons à avoir une entière confiance dans l’objet de notre amour. D’ailleurs, la prodigalité du Précieux Sang nous fera gagner la générosité, comme par une sorte de contagion. Il est difficile de vivre au milieu des flammes, et de ne pas brûler soi-même. L’excès de l’amour se trahit par l’imitation.

Nous forons de grandes choses pour Dieu, si nous nous entretenons continuellement des grandes choses que Dieu a faites pour nous.

Un autre don de cette dévotion est une haine violente et intelligente du péché. Il est inutile que la haine soit intelligente, si elle n’est pas aussi violente, et il vaudrait mieux qu’elle ne fût pas violente, si elle n’était pas, en même temps intelligente. Ce que réclame le plus impérieusement notre fidélité pour Dieu, c’est la sévérité à l’égard de la déloyauté. Notre vie, qu’est-ce autre chose qu’un composé de résistances à la grâce, de mépris d’avertissements divins, de lenteur dans l’exécution de nos devoirs, et d’inspirations négligées ? Si nous haïssions le péché, comme nous devrions le haïr, purement, fermement, énergiquement, nous ferions plus de pénitences, nous nous imposerions plus de châtiments, et la douleur de nos fautes persévérerait autrement dans nos cœurs. Et puis, le couronnement de la déloyauté à l’égard de Dieu, c’est l’hérésie ; c’est le péché des péchés, le plus rebutant des objets sur lesquels puisse s’abaisser l’œil de Dieu dans ce monde de malice. Elle est la souillure de la vérité divine, la pire de toutes les impuretés. Cependant, combien nous la traitons légèrement ! Nous la regardons, et nous demeurons calmes ; nous la touchons, et nous ne frissonnons pas, nous nous mêlons avec elle, et nous n’éprouvons pis de crainte , nous la voyons toucher les choses sacrées, et nous n’avons pas le sentiment du sacrilège ; nous respirons son odeur, et nous ne manifestons aucun signe d’horreur ou de dégoût. Nous n’aimons pas assez Dieu pour entrer dans une sainte colère pour sa gloire. Nous n’aimons pas assez les hommes pour rendre à leurs âmes le service d’être vrais à leur égard. Nous n’avons plus l’esprit antique de l’Eglise, ni son antique génie. Notre charité n’est pas vraie, parce qu’elle n’est pas sévère, et elle n’est pas persuasive, parce qu’elle n’est pas vraie Dans ces jours où l’hérésie est répandue si universellement, nous avons besoin que saint Michel mette un cœur nouveau en nous. Mais la dévotion au Précieux Sang, avec son attachement à l’Eglise et sa parure des sacrements, nous donnera le cœur de saint Michel, et nous revêtira de la force nécessaire pour manier son épée. Qui jamais a tire cette épée avec une précipitation plus noble, ou qui a usé de la victoire avec plus de tendresse que ce généreux archange, dont le cri de guerre était : Tout pour Dieu ?
Le Précieux Sang est le sang de celui qui est spécialement la vérité incréée. Il est le sang de celui qui est venu avec sa vérité pour racheter les âmes. Aussi, l’amour des âmes est-il une autre grâce qui dérive de l’es¬prit de cette dévotion De toutes les choses qui existent, l’amour des âmes est peut être le plus éminemment catholique II semble que c’est un sentiment surnaturel, qui n’appartient qu’a l’Eglise II y a plusieurs classes de Saints, distinguées les unes des autres par des glaces toutes différentes, et par des dons dissemblables, presque incompatibles. Cependant, l’amour des âmes est un instinct commun aux Saints de toutes les classes. C’est une grâce qui vient accompagnée du plus grand nombre de faveurs, et qui suppose l’exercice du plus gland nombre de vertus C’est la grâce qui déplaît le plus au public irréligieux, car le péché lui même a ses instincts de conservation ; et c’est une grâce qui est particulièrement désagréable aux personnes mondaines. C’est un don aussi qui exige un discernement spirituel d’une délicatesse plus qu’ordinaire, car il est partout et toujours l’accord de l’enthousiasme et de la discrétion. L’activité naturelle, l’émulation vulgaire, une Bienveillance bruyante, l’amour de la louange, l’habitude de se mêler à tout, la trop grande estime de nos capacités, la bouillante ardeur d’une ferveur exagérée, l’obstination des vues particulières les folies sans fin d’une originalité indocile , toutes ces choses préparent autant d’illusions pour l’âme, et elles les multiplient tellement par leurs combinaisons variées, que le don de conseil et la vertu de prudence, de même que la froide audace d’un apôtre sont de toute nécessité pour l’exercice de cet amour des âmes. C’est une grâce laborieuse aussi, une grâce qui ennuie l’esprit, fatigue l’intelligence et apporte des désappointements au cœur. Voilà pourquoi, chez beaucoup de personnes, elle a une durée si courte. Elle entre dans la ferveur de presque tout le monde, mais elle se trouve dans la persévérance d’un bien petit nombre.

C’est une grâce qui ne vieillit jamais, qui jamais n’éprouve les sentiments de la vieillesse, jamais ne ressent sa lenteur, ni son besoin de repos. Aussi, bon nombre d’hommes la laissent de côté, comme un objet appartenant à la jeunesse ; pour eux, c’est un état par lequel il fallait passer, mais dont on ne tarde pas à sortir ensuite. L’âme d’un apôtre est toujours jeune. Elle était mûre dans sa jeune prudence, et elle est impétueuse dans son zèle orné de cheveux blancs.
Mais si c’est une grâce sans laquelle il est difficile de persévérer, c’en est une aussi qui donne une grande unité et une consistance merveilleuse à la vie d’un homme, et qui finit nécessairement par la couronner du succès le plus digne d’envie. S’il n’y a rien qui exige un travail plus pénible que l’amour des âmes, il n’y a rien non plus qui promette un succès aussi certain. L’amour des âmes est une combinaison parfaite de grandeurs spi¬rituelles. C’est la plus large de. toutes les expressions du Sacré Cœur. Mieux que toute autre chose, il unit la charité envers Dieu et la charité envers les hommes. Il semble d’un côté comprendre Dieu d’une manière intuitive, et de l’autre posséder en lui-même un attrait surnaturel, qui le fait couronner le roi des hommes. Par lui, l’homme est doué d’une fécondité surprenante et jouit d’un bonheur que rien ne peut lui ôter. Il arrache du cœur la jalousie, la rivalité, les petitesses. L’amour des âmes vit également dans l’action et dans la contemplation, et il satisfait par là pour de nom-breuses omissions dans la vie spirituelle. Il donne une simplicité charmante au caractère, modérant ce qu’il y aurait de trop enjoué, égayant ce qu’il y aurait de trop sérieux. Il est une émanation de la grandeur apostolique, une part à la mission des Apôtres, dont la vocation est au-dessus de toutes les autres vocations du monde, comme leur sainteté a été supérieure à toutes les autres saintetés. Il pénètre l’âme d’un violent amour de Jésus, et il la fait participer à ce qu’il y a de communicatif dans l’adorable carac¬tère de Dieu. Quelle grâce de posséder cet amour des âmes ! Et c’est la grâce peut-être qui ressort de la manière la plus directe, la plus naturelle et la plus infaillible de la dévotion au Précieux Sang.

Un autre fruit de la dévotion au Précieux Sang est une grande dévotion aux Sacrements. Le zèle des âmes est donné naturellement pour faire triompher les Sacrements. L’homme apostolique connaît les Sacrements par expérience. Il a vu ce qu’il y a de magique dans leurs opérations. Il a vu comment ils peuvent demeurer au sein de la corruption, semblables à des charmes divins, et détruire par leur influence mystérieuse tout ce qu’il pouvait y avoir de nuisible dans le voisinage, les restes, les associations, les racines et les attraits du péché. Il a manié leurs réalités divines, et c’est plutôt ce qu’il a vu que ce qu’il croit, qu’il adore. Mais non seulement une grande dévotion aux Sacrements est une suite nécessaire du zèle des âmes, elle est aussi un remède efficace contre tout ce qu’il y a de mondain, de matériel et d’antisurnaturel dans les tendances de l’époque. Et cette dévotion se développera en nous, à mesure que nous ferons des progrès dans la dévotion au Précieux Sang.

L’effet de la dévotion au Précieux Sang sur notre dévotion à la sainte Vierge peut bien aussi être cité comme une de ses grâces, et l’une des révélations de son esprit. Par elle notre dévotion à Marie devient partie intégrante de notre dévotion à Jésus, et ces deux dévotions se trouvent réunies en une seule. Elle fait entrer Marie d’une manière si intime dans le plan de la rédemption, et en même temps elle la considère séparément revêtue d’une telle splendeur, que le langage le plus élevé dont les Saints usaient à son égard nous devient facile, et qu’il n’est plus que l’expression naturelle de l’amour qui nous anime. Pour être enthousiaste, notre amour de Marie n’a besoin que d’être théologique. La dévotion au Précieux Sang revêt Marie d’une gloire nouvelle. Par elle, Jésus glorifie Marie, et Marie glorifie Jésus. Par elle, les mystères de Marie brillent comme désastres lumineux, et le Précieux Sang forme la clarté de la nuit de pourpre au milieu de laquelle leur éclat se montre plus visible et plus distinct. Celui qui peut trouver un point de vue différent d’où notre tendre Mère lui apparaît plus grande qu’auparavant, s’est procuré un nouveau moyen de sanctification, car il a acquis une puissance nouvelle pour aimer Dieu ; or, la dévotion au Précieux Sang est remplie de pareils points de vue.

La dévotion au Précieux Sang doit aussi naturellement nous donner un amour spécial pour la sainte humanité. Elle nous fait pénétrer jusque dans les plus profondes retraites de la vie humaine de Notre Seigneur. Comme chacune des pulsations de ce Sang divin, tous ses mystères présentent, à notre foi et à notre amour les réalités redoutables de la nature créée de Jésus, en même temps qu’ils paraissent ouvrir à nos regards les merveilles de l’union hypostatique, et nous en démontrer toute la force. Notre Seigneur Jésus-Christ est Bien ; et nous l’adorons tous comme tel. Mais il y a une adoration particulière de sa Divinité qui procède d’un amour spécial pour son humanité. Nous voudrions bien aimer Dieu comme il nous aime. Mais il y a dans son amour pour nous une tendresse que son infinie majesté ne nous permet pas de lui rendre. Cependant, l’adoration de la divinité de Jésus, inspirée par une dévotion spéciale à son humanité, renferme un je ne sais quoi qui insinue cet élément de tendresse dans notre adoration, sans diminuer la sainte terreur de notre anéantissement ; cet élément est un des dons particuliers de la dévotion au Précieux Sang.

Où se trouve Jésus, là tout honneur, toute gloire, tout amour se réunissent autour de Dieu le Père. Qui peut douter alors que la dévotion au Pré¬cieux Sang ne soit aussi une dévotion au Père éternel ? Pensez à l’immensité de l’amour de Dieu le Père pour ce Sang rédempteur ; de toutes les créations possibles, c’est lui seul qu’il a choisi pour être le prix de notre rédemption. Sa valeur seule a pu rendre au Créateur les trésors de gloire que le péché de la créature avait cherché à lui ravir. C’est seulement à la suite de sa victoire qu’il a bien voulu condescendre à recevoir de nouveau la souveraineté dont il avait été dépouillé ; sa plénitude seule a pu satis-faire les exigences de ses perfections outragées, et il n’y a que sa mansuétude qui ait pu ramener une paix universelle entre le ciel et la terre. C’est à la personne du Père, par appropriation, que cette précieuse rançon de nos âmes a été payée. Bien plus, notre dévotion au sang du Fils n’est qu’une imitation de la complaisance que le Père y trouve. Ce sang est sa joie et sa dévotion ; nous unir à lui dans cette dévotion au sang de son Fils, c’est, en toute vérité, pratiquer une dévotion spéciale envers lui. La dévotion au Père éternel ! voilà la grâce si suave que nous devons appeler de toute l’ardeur de nos désirs.

Le Précieux Sang est une source intarissable dont les eaux fécondes coulent sur les âmes et les emportent dans leur cours vers l’abîme sans fond de l’amour. Travaillons donc à développer de plus en plus dans nos âmes cette dévotion précieuse que l’Eglise cherche aujourd’hui à raviver en nous.

Les Confréries du Précieux Sang ont été enrichies de nombreuses indulgences par les papes Grégoire XVI, Pie VII et Pie IX. »

Site source

Salve Regina Précieux Sang