Pèlerinages de France
Le temps des pèlerinages est revenu
Le temps des pèlerinages est revenu
Le Salon Beige a interrogé Guy Barrey, suite à la publication de son ouvrage sur les pèlerinages de France.
Le livre Pèlerinages de France offre un bon échantillon des pèlerinages de France- allant des plus grands, tels Lourdes, La Salette, Chartres, Le Puy-en-Velay, Paray-le-Monial, jusqu’aux pèlerinages régionaux et locaux, ignorés ou trop méconnus- sans bien sûr prétendre à l’exhaustivité. Les pèlerinages en France s’enracinent sur des traditions affirmées et une vocation chrétienne très précoce, remontant aux tous premiers siècles de notre ère. Leur nombre est considérable et les recensements effectués ou en cours restent incomplets.
Le R. Père assomptionniste Jean-Emmanuel Drochon avait relevé à la fin du XIXe siècle quelque 1241 lieux de pèlerinage dédiés à Notre-Dame, sous de multiples vocables. L’abbé Fuzier en 1908 en recensait plus de 1255. Le mot du pape Urbain II au XIe siècle « Regnum Galliae, regnum Mariae » était et reste ainsi d’une grande justesse. La multitude des pèlerinages et lieux de pèlerinages est également en relation avec la multitude des saints et bienheureux qui ont fleuri sur le sol de France : au total plus de 2000 lieux saints recensés en France. Notre Pays est en réalité profondément fécondé par le catholicisme qui est consubstantiel à la France : la France ne serait pas la France sans le catholicisme et nos racines sont largement et profondément chrétiennes. Aussi, les démarches de recensement en cours, telle celle engagée en 2002 au sein d’une université parisienne, sont encore loin d’être abouties.
En effet, le temps des pèlerinages est revenu. Les grands sanctuaires de pèlerinages tels Lourdes, La Salette ou la rue du Bac à Paris restent très fréquentés. Les Pardons bretons continuent à attirer nombre de pèlerins et de visiteurs. D’autres pèlerinages, tels Paray-le-Monial ou Notre-Dame de Grâce à Cotignac, voient leur fréquentation augmenter. Les chemins de pèlerinages, avec les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, mais aussi les chemins de Saint-Gilles, les chemins de Saint-Martin, ceux de Vézelay et Rocamadour, etc. bénéficient eux aussi d’un regain d’intérêt. Pour autant il reste encore bien des efforts et actions à entreprendre pour mettre tous les baptisés français en mouvement vers le Christ !
De nouveaux pèlerinages apparaissent. La famille est particulièrement concernée par les pèlerinages, ainsi que l’avait souligné le pape Jean-Paul II dans son exhortation apostolique Familiaris consortio. Ainsi, à Cotignac, un pèlerinage annuel des pères de famille existe depuis 1975, un pèlerinage annuel des mères de famille depuis 1986. Des pèlerinages des enfants y sont organisés, de même que des pèlerinages dédiés aux familles en difficulté. Ces pèlerinages des pères de famille, des mères de famille ont essaimé depuis lors dans toute la France. Des pèlerinages des « parents seuls » sont nés à l’Île Bouchard. Plusieurs pèlerinages pour la France sont également proposés chaque année, tel ceux à Notre-Dame de la Prière à l’Île Bouchard et Notre-Dame d’Alet. Des pèlerinages pour la vie ont surgi, face à la promotion généralisée de l’avortement : pèlerinages pour les enfants non-nés, victimes d’avortements, chaque année à Cotignac, le 28 décembre, en la fête des Saints Innocents, pèlerinages à Notre-Dame de Vie à Mougins, à Notre-Dame de Vie à Vénasque.
De nouveaux pèlerinages à Notre-Dame de Lourdes ont aussi pris naissance, en faveur de certains malades : ainsi à Lourdes, les pèlerinages annuels « Lourdes cancer Espérance », qui réunissent chaque année, depuis 1985, plus de 5000 participants, les pèlerinages pour les malades parkinsoniens organisés depuis 2005, les pèlerinages des insuffisants rénaux ou encore les pèlerinages de l’Eau Vive, pour les personnes dépendantes à l’alcool.
Mentionnons bien sûr aussi le pèlerinage annuel Notre-Dame de Chrétienté qui, depuis sa création en 1983, n’a cessé de voir croître le nombre de ses pèlerins, s’élançant de Notre-Dame de Paris à Notre-Dame de Chartres, en réponse à l’interpellation lancée par le pape Jean-Paul II en 1980 au Bourget : « France, fille aînée de l’Eglise, qu’as-tu fait des promesses de ton baptême ? ». Ils étaient à la Pentecôte de cette année 2017 plus de 12 000 à répondre à l’appel de Notre-Dame de Chartres, alors que, dans le même temps, de nombreux autres pèlerins prenaient le chemin allant cette fois de Chartres à Paris, dans le cadre de leur pèlerinage de Tradition.
Tout pèlerinage chrétien est une réponse à l’appel de Dieu : Jésus est LE pèlerin par excellence, Lui qui s’est incarné pour notre salut et celui du monde, lui qui a parcouru les chemins de Palestine « parce qu’Il nous a aimé le premier », nous dit saint Jean (1re Epitre 1, 4-19), Lui qui est venu nous visiter, en France, à Paray-le-Monial, par l’intercession de sainte Marguerite-Marie. Nos pèlerinages témoignent de notre réponse, de notre « oui » à Dieu, de notre cheminement vers le Christ, Lui qui est « le Chemin, la Vérité, la Vie ». Faire un pèlerinage, c’est se mettre en route et accepter de se laisser transformer, car tout pèlerinage est à la fois voyage extérieur et voyage intérieur, avec la prière et l’Eucharistie qui en est le cœur. Tout pèlerinage catholique nous ouvre aux vertus de foi et d’espérance, d’humilité et de charité : la foi et l’espérance car on ne se met pas en chemin sans un peu de foi et d’espérance chevillées au corps, sans la volonté de retrouver ou d’approfondir sa foi, sans désir de rencontrer Dieu ; l’humilité car se faire pèlerin, c’est constater un manque, un besoin ou un repentir : le pèlerinage rend humble ; il rend aussi charitable, car la charité trouve toujours à s’exercer sur les chemins de pèlerinages. Des noms de communes en témoignent d’ailleurs encore, tel la Charité-sur-Loire : la charité des bons Pères qui y étaient installés, bien connue des pèlerins de Saint-Jacques, donna son nom à la ville.
Les monastères et les pèlerinages qui se sont développés à partir des premiers pèlerinages sur le tombeau de saint-Martin de Tours à la fin du IVe siècle ont largement contribué à forger l’esprit de la chrétienté médiévale, tournée à juste titre vers les fins dernières. Dans sa préface à ce livre « Pèlerinages de France », le cardinal Sarah relève que « de la vitalité des sanctuaires où le Ciel est venu visiter les Français dépend en grande partie le renouveau de la foi dans le cœur de nos contemporains ». Les pèlerinages sont vecteurs d’évangélisation. L’Eglise elle-même considère à présent que les sanctuaires de pèlerinages sont des lieux d’évangélisation, des lieux « où se manifeste l’action puissante de la miséricorde de Dieu », comme l’a relevé le pape François, en commentant son Motu Proprio Sanctuarum in Ecclesia, publié en avril 2017, qui confie précisément ces sanctuaires au Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation.
Il est exact qu’il y a eu un temps de désamour, voire de mépris et de rejet envers la piété populaire et les pèlerinages, après Vatican II et certaines interprétations qui en ont été faites. Le père dominicain Serge Bonnet, grand prédicateur et chercheur au CNRS était de ceux qui se sont alors insurgés contre de telles interprétations, défendant au contraire un christianisme incarné et la nécessaire liberté de conscience et de dévotion des catholiques. L’Eglise dans son ensemble a aujourd’hui rejoint cette position et a en ce domaine renoué avec sa tradition multiséculaire. Tous les diocèses sont ainsi à présent organisateurs de pèlerinages et nos évêques sont nombreux à présider des pèlerinages en France même et à se déplacer à cette fin. Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, chargé de l’érection de nouveaux sanctuaires, d’en approuver les statuts et de favoriser leur rôle évangélisateur, a d’ailleurs observé à cet égard que le sanctuaire de pèlerinage « contribue de manière significative à l’engagement catéchétique de la communauté chrétienne ». J’ajouterai, d’un point de vue historique, que l’on a pu observer, dans les temps de crise grave pour la France, telle celle, multiforme, que nous vivons, que les catholiques français ont toujours ressenti un besoin accru de partir en pèlerinage pour mieux se tourner vers Dieu Père, Fils et Saint Esprit, vers la Vierge Marie, notre Mère du Ciel et patronne principale de la France, et aussi vers nos saints protecteurs. Rappelons-nous en effet, comme l’écrit encore le cardinal Sarah dans sa préface à ce livre « Pèlerinages de France » que « La France, le Royaume de Marie, le Jardin de Notre-Dame, est aussi le pays, la patrie des saints. »
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Michel Janva