L’entretien sans Dieu
Roberto Pecchioli
Nuova Italia
10 août 2019
Ma traduction
« Jorge Mario Bergoglio, plus connu sous le nom de François, classe 1936, né à Buenos Aires, profession pape, a été officiellement coopté dans l’état-major de l’internationale mondialiste. La preuve en est l’interview au quotidien La Stampa, juste assez « couché » pour faire comprendre la proximité avec les niveaux supérieurs de la mondialisation.
Le titre choisi, certainement approuvé par la salle de presse du Vatican, est tout un programme : « Le souverainisme me fait peur, il mène aux guerres ». Le pape venu du bout du monde est résolument en faveur de la substitution ethnique en Europe et pour l’écologisme cool de Greta Thunberg, appréciée par les puissants.
Nous reviendrons, bien sûr, sur le contenu des paroles de Bergoglio, une fois de plus confiées à un organe très critique contre l’Église, mais ce que nous voulons souligner, c’est le non-dit.
Ayant pris note des opinions politiques du Pape, qui font de lui, à nos yeux, un adversaire, le silence du supporter de San Lorenzo de Almagro sur les questions qui devraient caractériser le Vicaire du Christ fait peur. Nous avons cherché en vain, parmi les mille six cents mots de l’interview, les mots Dieu et Jésus. Le texte signé par Domenico Agasso Jr parle de tout, mais reste muet sur le Très-Haut et son fils.
Pour utiliser le langage du marketing, il n’y a aucune référence à l’activité principale de l’organisation dont il est le chef visible et le représentant légal. Nous en prenons note avec tristesse, mais sans surprise, puisque le prosélytisme – autrefois apostolat – ne semble pas être le centre du ministère pétrinien selon Bergoglio.
Interrogé par le journaliste sur la controverse autour du synode de l’Amazonie, la réponse a été très claire : « [le Synode] est fils de Laudato si’. Ceux qui ne l’ont pas lue ne comprendront jamais le Synode sur l’Amazonie. Laudato si’ n’est pas une encyclique verte, c’est une encyclique sociale, qui se base sur une réalité ‘verte’, la protection de la Création ».
Aucune allusion à la faillite catholique en Amérique du Sud, où les évangéliques conquièrent des millions de fidèles chaque année. Mais on le sait, l’intervieweur avait pour tâche de poser les questions qui plaisent à Sa Sainteté, convenues après de longues négociations.
Donc, aucune place pour Dieu et Jésus. Silence absolu sur les thèmes « chauds », la famille, les dérives de la bioéthique, les défis du transhumanisme, l’atteinte au droit naturel, la défense de la vie, l’homosexualité, l’avortement.
On les appelait principes non négociables, ils ont été mis de côté pour s’assurer une place au quatrième rang du grand bal de la post-modernité mondialiste. La doctrine est oubliée, semble-t-il au profit de la « prophétie », nom pompeux que les romanciers donnent à leurs idées humaines, seulement humaines.
Quant au Novissimi, autrement dit le destin eschatologique de l’homme, quelle barbe, quel ennui de reparler de l’enfer et du paradis, du salut et de la damnation, surtout de la part de pasteurs en grave crise de foi.
Bergoglio n’est pas en reste et préfère divertir son aimable hôte avec des sujets plus agréables aux oligarchies, à savoir les migrations et l’environnementalisme émotionnel, non sans une déclaration d’amour à l’Union européenne.
En extase, Agasso fond devant le sourire de son interlocuteur, la ponctualité, la simplicité de l’office (l’Église « des pauvres » plaît aux serviteurs des super riches), on apprend même que François ne regarde jamais l’horloge et ne boit même pas pour s’éclaircir la gorge.
L’Europe, par un effet de sa bonté, a des « racines humaines et chrétiennes » – l’allusion aux racines humaines fait sourire, comme si d’autres civilisations étaient fondées par des alien – mais le silence sur l’abandon des références spirituelles de la culture commune est troublant.
Le prix de la banalité revient à l’appel inlassable au « dialogue », se référant en l’occurrence à l’Europe Communautaire. L’Europe d’abord, affirme-t-il, puis chacun d’entre nous, un vaste programme qui doit être précédé par la définition de codes et d’objectifs communs.
Sur ce point, Bergoglio va au-delà des clichés « sinistres » (/de gauche) et affirme que le dialogue doit partir de la propre identité de chacun. Encouragé par l’intervieweur, préoccupé, en fidèle serviteur du système, par le fait que les identités génèrent l’ »extrémisme », il fait une déclaration intéressante, bientôt démentie par les phrases suivantes : « L’identité est une richesse – culturelle, nationale, historique, artistique – et chaque pays a la sienne, mais elle doit être intégrée au dialogue. La mondialisation, l’unité, ne doit pas être conçue comme une sphère, mais comme un polyèdre : chaque peuple conserve son identité en unité avec les autres ».
La controverse politique prend alors le dessus, avec l’attaque la plus dure contre le souverainisme et le populisme. Bergoglio rejoint le parti des élites, se laissant aller à des affirmations très hasardeuses, inquiet « parce qu’on entend des discours qui ressemblent à ceux d’Hitler en 1934 ». Il lance le caillou tout en cachant sa main, dans un style purement clérical : qui sont les nouveaux Hitler, qui sont leurs disciples ?
Le souverainisme, c’est la fermeture, poursuit El Papa, une exagération qui mène à la guerre. Il lui échappe que le souverainisme a été exproprié aux peuples et aux États par les oligarchies non élues qu’il applaudit.
Quant aux guerres, aucune mention du terrorisme islamique, des opérations de « police internationale », de la violence contre les chrétiens. La réponse à la question du populisme est révélatrice. « Au début, j’ai lutté pour le comprendre parce qu’en étudiant la théologie, j’ai approfondi le popularisme, c’est-à-dire la culture du peuple : mais c’est une chose que le peuple s’exprime, une autre est d’imposer au peuple l’attitude populiste ».
Nous ne sommes pas spécialistes en la matière, mais nous doutons fort que le popularisme, conception moderne idéale chère aux chrétiens engagés en politique, ait quelque chose à voir avec le concept de Dieu ou soit une branche de la théologie.
Quant aux migrations, thème fixe de la Nouvelle Eglise propagandiste de l’invasion, rien de nouveau dans les prémisses, mais un sérieux ‘saut de qualité’ en prenant position avec force en faveur de la substitution ethnique.
Après la reductio ad Hitlerum du souverainisme, c’est l’autre point significatif de la pensée bergoglienne distillée à La Stampa.
« D’abord : recevoir, ce qui est aussi un devoir chrétien et évangélique. Les portes doivent être ouvertes et non fermées. Deuxièmement : accompagner. Troisièmement : promouvoir. Quatrièmement : intégrer ».
Le programme politique de la gauche européenne est identique, mais au moins ils ne prétendent pas défendre l’identité des pays d’accueil. Si les possibilités d’accueil sont épuisées, pas de problème, la panacée est le dialogue habituel (sur quoi ?). Ici, l’ancien péroniste argentin lâche la bombe :
« Il y a des états qui ont besoin de gens, je pense à l’agriculture. (…) Ils m’ont dit que dans un pays européen, il y a des villes à moitié vides à cause du déclin démographique : certaines communautés migrantes pourraient s’y installer, ce qui permettrait entre autres de relancer l’économie de la région ».
Les hommes sont interchangeables, les peuples encore plus. Une singulière identité de vues avec les oligarchies de pouvoir et la gauche internationale. Aucune mention de la possibilité que l’Eglise défende à nouveau la vie, aucun intérêt pour des politiques de soutien à la natalité en Occident, minées par l’avortement, l’individualisme et le relativisme éthique. Au contraire, on se souvient très bien de l’attaque lancée il y a quelque temps sur ceux qui ont beaucoup d’enfants, jusqu’à la désagréable comparaison avec les lapins. Les ecclésiastiques devraient peut-être s’adresser au Tiers Monde en ces termes, mais pas aux Européens stériles.
Si nous voulions juger Bergoglio à partir de l’interview à la Stampa, nous devrions le considérer exclusivement comme un adversaire politique aligné avec les puissances oligarchiques du monde. Nous connaissons cependant leur haine implacable de la spiritualité, de la religion et de l’Église catholique. Le pape porte l’habit de l’écologiste vert avec un soutien sans faille au parti du catastrophisme environnemental pour causes anthropiques.
« Il y a quelques mois, sept pêcheurs m’ont dit : ‘Ces derniers mois, nous avons collecté six tonnes de plastique’. L’autre jour, j’ai lu qu’en Islande, un énorme glacier a presque complètement fondu : ils ont construit un monument funéraire pour lui. (…) Mais ce n’est pas cela qui m’a le plus choqué. Le 29 juillet, nous avons épuisé toutes les ressources renouvelables de 2019. Depuis le 30 juillet, nous avons commencé à consommer plus de ressources que la planète ne peut régénérer en un an ».
Sollicité par Agasso, Bergoglio s’attarde sur la biodiversité, les engrais, les mines à ciel ouvert et la collecte sélective des déchets. Il a de la raison à vendre sur le sujet, et le fait que l’alarme vienne aussi de la chaire de Pierre fait plaisir. Nous préférerions qu’il identifie clairement les responsables dans les idéologies matérialistes, dans les pouvoirs forts de l’argent et de la technologie. Mais la sacrosainte lutte écologique n’est pas ce que nous attendons de l’Église de Jésus, au point de devenir l’objet d’un synode en Amazonie.
Laissons à la sensibilité de chacun le jugement sur le Pape « politique », dans ses variantes écologiques, immigrationistes, anti-souverainistes et anti-populistes. Comme tout le monde, il a droit à ses opinions.
Justement en tant qu’opinions, nous pouvons les approuver ou nous y opposer. Ce qui est déconcertant, c’est qu’elles sont exprimées par la chaire de Pierre qui, jusqu’à preuve du contraire, n’est pas une ONG, une organisation non gouvernementale, un parti politique transnational ou une agence idéologique. On est effaré par un pontife qui, interviewé par un journal en lutte contre l’Église, parle de tout sauf de Dieu et de son Fils, dont l’Évangile a la tâche de se répandre dans le monde. C’est un silence qui dérange, au milieu d’une crise du christianisme aux mille facettes, mais de plus en plus crise de foi.
Le poisson pourrit de la tête, si Pierre se tait sur Dieu, s’il n’a pas « des paroles de vie éternelle » (Jean, 6,68), à qui irons-nous ? Ou bien Paul de Tarse avait-il raison, dans sa lettre aux Corinthiens, proclamant que si Jésus n’était pas ressuscité, les chrétiens seraient les plus misérables parmi les hommes. Nous croyons encore en cet événement décisif, la hiérarchie y croit-elle encore, où existe-t-il seulement la cité de l’homme ? »
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