L’intrusion de policiers armés dans une église nous ramène aux heures sombres de la Révolution française

samedi 25 avril 2020
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L’intrusion de policiers armés dans une église au cours d’une messe est un phénomène inédit qui nous ramène aux heures sombres de la Révolution française



« Dimanche 19 avril, le père Philippe de Maistre, curé de la paroisse saint André de l’Europe à Paris, célèbre la messe dominicale en compagnie d’un servant, un chantre, un organiste et trois paroissiens faisant les lectures. Il prend soin de bien fermer les portes de l’église parce que les règles de confinement interdisent toute cérémonie ou rassemblement publics. Sur dénonciation d’un sympathique voisin faisant état d’une « messe clandestine » auprès du commissariat de police, les policiers débarquent en armes durant la cérémonie, demandent aux trois paroissiens de sortir et menacent de verbaliser le curé qui continue cependant de célébrer la messe.

Cette affaire appelle trois considérations :

Il y a confusion, dans l’esprit de beaucoup, entre messe privée et messe publique. Cette confusion est malheureusement entretenue par un flou juridique. Le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 autorise les édifices du culte à rester ouvert et les fidèles à s’y rendre individuellement mais « tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit à l’exception des cérémonies funéraires dans la limite de 20 personnes ». Mais qu’est-ce qu’un « rassemblement » ou une « réunion » ? Un prêtre qui célèbre une messe privée en compagnie de servants, d’un chantre et d’un organiste organise-t-il une réunion ou un rassemblement ? Non, reconnaît penaud le ministère de l’intérieur, conscient de l’abus de pouvoir de ses troupes. Il est donc important de rappeler haut et fort comme l’a fait monseigneur Aupetit, archevêque de Paris, le 22 avril sur Radio Notre-Dame, que les messes privées ne sont pas, fort heureusement, interdites en France.

Il est donc important de rappeler haut et fort comme l’a fait monseigneur Aupetit, archevêque de Paris, le 22 avril sur Radio Notre-Dame, que les messes privées ne sont pas, fort heureusement, interdites en France.

Le prêtre doit juste respecter les règles de distanciation sociale et ne réunir que les personnes strictement indispensables à la liturgie, comme c’était le cas à Saint André de l’Europe dimanche 19 avril, où il n’y avait que sept personnes dans une église pouvant largement en accueillir plus de cinq cents. Ce sont uniquement les cérémonies publiques qui restent interdites jusqu’à nouvel ordre et l’Église catholique s’est strictement conformée à ces consignes. Il est donc absurde de parler de « messe clandestine » alors que le prêtre avait à bon droit fermé les portes de son église pour rester dans le cadre d’une cérémonie privée.

Saint André de l’Europe ne fait pas partie des 85 églises que possède la Ville de Paris mais appartient au diocèse de Paris. En entrant, sans y être invités, dans l’église saint André de l’Europe, les policiers ont donc violé le domicile privé d’une association.

Par ailleurs, Saint André de l’Europe ne fait pas partie des 85 églises que possède la Ville de Paris mais appartient au diocèse de Paris. En effet, ancienne chapelle des Oblats de Marie-Immaculée construite à la fin du XIXe siècle, saint André a échappé aux lois du 2 janvier 1907 et 13 décembre 1908 qui ont confirmé, en l’absence de constitution d’associations cultuelles de la part de l’Église catholique, la propriété des communes sur les églises paroissiales et les chapelles. En entrant, sans y être invités, dans l’église saint André de l’Europe, les policiers ont donc violé le domicile privé d’une association, ce qui tombe sous les sanctions de l’article 432-8 du code pénal qui incrimine « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi ». De plus, l’agissement des policiers constitue, sur le plan administratif, une voie de fait, c’est-à-dire une illégalité manifeste de l’administration commise dans l’accomplissement d’une opération matérielle d’exécution qui porte gravement atteinte au droit de propriété et emporte comme conséquence un dessaisissement des juridictions administratives au profit des juridictions judiciaires. Le diocèse pourrait donc, s’il le souhaite, porter l’affaire devant les tribunaux de l’ordre judiciaire qui sont gardiens des libertés individuelles, en vertu de l’article 66 de la constitution.
Enfin, les policiers n’ont pas le droit d’entrer en armes dans une église, cela résulte des lois de laïcité de 1905 et 1907 qui ont, heureusement laissé au curé la charge de la police des cultes à l’intérieur de son église. Ce n’est qu’à la demande expresse du curé qu’une intervention de la force publique est possible sauf si l’ordre public est menacé – par exemple en cas de terrorisme ou de risque d’effondrement de l’église -, ce qui est difficile à soutenir s’agissant d’une cérémonie privée ne regroupant que sept personnes.

« On va peut-être arrêter ce cirque, et sinon, aboyer très fort » a tonné hier Mgr Aupetit. Il a raison, on est dans une situation totalement absurde et gravement illégale. D’autant qu’il y a, par ailleurs, un laxisme évident quant à l’application des règles de confinement dans certaines banlieues. Le deux poids deux mesures du ministère de l’intérieur ne peut plus durer, on ne peut être fort avec les faibles et faible avec les forts.

On relèvera cette absurdité qui consiste à vouloir rouvrir les écoles et les entreprises à partir du 11 mai mais pas les lieux de culte.

Enfin, on relèvera cette absurdité qui consiste à vouloir rouvrir les écoles et les entreprises à partir du 11 mai mais pas les lieux de culte censés pouvoir reprendre leurs cérémonies publiques à la mi-juin. Comme s’il était impossible de respecter les gestes de distanciation sociale dans les églises et beaucoup plus évident dans une école, un supermarché ou une entreprise ! Disons-le, cette mise à l’écart des cultes témoigne d’un mépris pour la dimension spirituelle de la personne, typique d’une société pour laquelle les activités cultuelles sont devenues accessoires au regard des vraies préoccupations des gens qui ne seraient que d’ordre matériel. Nous mourrons tôt ou tard de ce matérialisme ! »

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Fondation du Pont-Neuf