Le grand déclassement des catholiques
« Ainsi donc, pour la première fois depuis la Terreur et la Révolution française les catholiques de France, en cette année 2020, auront été privés de la participation à la messe à l’occasion de trois fêtes majeures de l’année liturgique : Pâques – le 12 avril –, qui célèbre la Résurrection du Christ, l’Ascension – le 21 mai – qui commémore son Ascension dans le ciel et la Pentecôte – le 31 mai – qui fête la descente du Saint-Esprit sur les apôtres réunis dans le cénacle. Le calendrier républicain, lui-même, marquait l’importance de ces fêtes par le fait qu’à chacune d’entre elles correspondait un jour férié.
Des demandes non entendues
Rien n’y aura fait. Ni la déclaration des évêques de France, déférente et mesurée, demandant le rétablissement de la liberté de culte, le 17 mai. Ni l’appel, tout aussi déférent et « citoyen », de 132 prêtres souhaitant la reprise d’une vie ecclésiale normale à partir du 11 mai. Ni les différentes vidéos de jeunes catholiques réclamant au Président de la République : « Rendez-nous la messe ». Avant que la décision ne soit prise Mgr Aupetit, archevêque de Paris, avait prévenu, après l’intrusion de policiers armés dans l’église Saint-André de l’Europe, qu’il convenait « d’arrêter ce cirque. Sinon on va prendre la parole et aboyer très fort ». Expression sans doute malheureuse quand on se remémore le dicton : « Le chien aboie. La caravane passe ». Nullement impressionné, Édouard Philippe a donc annoncé, en une phrase lapidaire et en cela méprisante, le 28 avril que, si le 11 mai les commerces et les musées réouvriraient, les lieux de culte ne seraient disponibles pour des cérémonies qu’à partir du 2 juin. Seule la liturgie démocratique conserve droit de cité avec les séances de l’Assemblée nationale. Les messes, les baptêmes et les mariages sont donc interdits en public. Notons que s’il est toujours possible de célébrer un baptême en présence d’une faible assistance, la célébration des mariages catholiques devient juridiquement impossible. En effet, la loi prévoit que le mariage civil doit précéder le mariage religieux. Or les mairies ont interdiction de célébrer des mariages civils hormis urgence. Donc aucun prêtre ne peut, aujourd’hui, célébrer légalement un mariage. Qu’en pensent les zélateurs ecclésiastiques de la « laïcité apaisée » ? Le fait est là : ce sont les autorités civiles qui décident, aujourd’hui, en France, du droit de l’Église à célébrer des mariages. Clémenceau doit sourire dans sa tombe : « Rendez à César ce qui est à César et…tout est à César ».
Les raisons d’une décision
Mgr Rougé, évêque de Nanterre et membre du conseil permanent de la Conférence des Evêques de France, dénonce dans les mesures annoncées une « brutalité incompréhensible » et une attitude « pas respectueuse ». Il donne à cela trois raisons : un souci sanitaire exacerbé, un tropisme anticlérical et une incompréhension des besoins spirituels d’une partie de la population. Tout cela est très vrai mais demande, semble-t-il, à être complété. Les évêques de France, stupéfaits et meurtris, découvrent qu’ils ne pèsent plus grand chose dans le débat politique. Ils ne représentent plus que les catholiques pratiquants soit, au mieux, 5 % de la population et sont considérés à l’aune de ce poids, modeste. Le catholicisme a disparu de l’espace social. Les catholiques non pratiquants qui avaient été catéchisés, ne pratiquaient plus mais connaissaient les rudiments de la foi catholique se sont évaporés. Leurs enfants sont agnostiques et ignorent tout des bases du catéchisme. À leurs yeux, les rassemblements communautaires, c’est-à-dire la messe selon la nouvelle théologie en cours, peuvent parfaitement attendre. Le 16 février 1903, Dom Chautard, abbé de Sept-Fons, avait défendu devant Clémenceau la vie monastique rappelant : « L’eucharistie est le dogme central de notre religion ; elle doit avoir des moines voués à l’adoration (…) Le christ est vivant ; il est présent dans l’eucharistie. Il est pain de vie. À ce roi divin, présent parmi nous, ne faut-il pas une cour pour l’adorer » ? Clémenceau fut ému et accepta que Dom Chautard témoigne devant la commission chargée d’accorder, ou non, l’autorisation d’exister aux communautés religieuses. Qui aujourd’hui tient un discours analogue, au risque d’être incompris ? Depuis deux générations le catholicisme d’habitude ou de tradition familiale a été bien malmené. Il fallait des laïcs « engagés ». Les laïcs du bout du banc sont partis et l’Église s’est réduite à une minorité, certes pratiquante, mais numériquement inconsistante. Le catholicisme sociologique, qui par son poids démographique, assurait, d’une certaine manière, la protection de l’Église confrontée à une laïcité de combat, n’existe quasiment plus.
Face à cet effondrement se dresse un Islam, en forte croissance numérique, et à l’identité affirmée.En principe, en France, toutes les religions sont sur un pied d’égalité. Est-ce vraiment le cas ? En ce début de ramadan, de divers côtés, fuitent des consignes officielles sur la nécessité « d’agir avec discernement » vis-à-vis des populations musulmanes. En l’espace de quinze jours deux églises parisiennes ont été investies par des policiers armés. Imagine-t-on la même scène dans une mosquée ? Personne n’aurait osé prendre une telle décision. Il n’est pas incongru de penser que la prolongation de la suspension du culte ne vise pas tant les catholiques que les musulmans qui viennent d’entamer le mois du ramadan. Le ministère de l’Intérieur est parfaitement conscient que la sociologie et l’état d’esprit des catholiques en font une population qui se soumettrait, sans grandes difficultés, aux contraintes sanitaires en cas de réouverture des églises. Il n’en est pas de même pour les populations musulmanes assistant à la prière du vendredi dans les mosquées. Chacun concevra qu’ouvrir les églises mais pas les mosquées est devenu politiquement et médiatiquement impossible. Les évêques de France ont tout fait pour aboutir à ce résultat, acceptant d’être une religion parmi d’autres, dans leurs communiqués avec le grand rabbin, le président du CFCM, le Grand Orient, contre le Front national, le racisme, le contrôle de l’immigration, pour être Charlie, etc. Mgr Aupetit évoquant l’entrée de policiers français armés dans l’église Saint-André de l’Europe a évoqué les heures sombres de l’Occupation. Sans doute eut-il été plus juste, historiquement, de faire référence aux expulsions de religieux et aux Inventaires de la période 1880 – 1905…
Du panache !
L’Église, depuis le concile Vatican II, a souhaité être réduite au droit commun. Plus de privilèges ! L’Église libre dans l’État libre ! Nous vivons les ultimes conséquences de cet aggiornamento. Les évêques de France apparaissent fort mécontents et annoncent des actions. Des réflexions sont en cours… On aimerait un peu de panache. Une déclaration du style : Pourquoi nous ne partirons pas ! du père Doncoeur en 1924 ? Un renvoi à la présidence de la République de leur Légion d’honneur par les évêques titulaires de cette décoration ? La sonnerie du glas, chaque jour, dans toutes les églises de France, à une heure donnée ? Etc. Et puis, il faudra rebâtir et, sans doute, renouer avec l’esprit des pratiques et des méthodes qui avaient permis à notre pays de devenir la « fille aînée de l’Église ». »
Jean-Pierre Maugendre
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« Heureux rappel de Mgr Marc Aillet. Demander aux autorités politiques un droit qui dépend de l’autorité ecclésiastique, c’est créer un précédent dangereux en matière de jurisprudence.
En soi, l’Eglise n’a pas à demander l’autorisation de reprendre le culte public, mais à faire valoir un droit à la liberté de culte, dans la mesure où les précautions sanitaires sont prises et que l’ordre public est compatible avec la reprise de secteurs entiers de la vie sociale »
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