CHRISTUS VINCIT, LE TRIOMPHE DU CHRIST SUR LES TENEBRES DE NOTRE TEMPS
UN LIVRE D’ENTRETIENS AVEC MGR ATHANASIUS SCHNEIDER
« Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Sainte-Marie à Astana, au Kasakhstan, a multiplié les interventions depuis deux décennies à propos des controverses doctrinales et liturgiques. On connaît notamment son engagement sans faille contre la communion dans la main, à propos de quoi il a publié deux ouvrages : Dominus est (Tempora, 2008) et Corpus Christi. La communion dans la main au cœur de la crise de l’Église (Contretemps, 2014, 394 p., 25€). Il s’est aussi souvent exprimé contre la distribution de la communion aux divorcés remariés, ou encore des réformes qu’il faudrait apporter à la réforme liturgique, et plus généralement sur l’état de l’Eglise aujourd’hui.
Mais voici qu’il a publié l’an passé aux Etats-Unis, à Angelico Press, un livre d’entretiens du plus grand intérêt, qui vient d’être traduit en français par Jeanne Smits : Christus Vincit. Le triomphe du Christ sur les ténèbres de notre temps (édition française, Contretemps, 14 septembre 2020). L’ouvrage bénéficie en outre de la recommandation des cardinaux Burke et Sarah. Dans ces entretiens ont été réalisés par Diane Montagna, correspondante romaine du LifeSiteNews, Mgr Schneider livre l’ensemble de ses réflexions ecclésiales.
Outre des indications biographiques, spécialement sur ses origines, sa famille, sa vocation, Mgr Schneider traite dans une première partie de la laïcité, de l’islam et de l’indifférentisme religieux. Dans une deuxième parte, il aborde la question de Vatican II, de la Fraternité Saint-Pie X, de la grande confusion doctrinale actuelle. Enfin, dans une dernière partie, il parle de l’eucharistie et de la communion, des familles, de Fatima et du « troisième sacret ». En annexe est rapportée la « Déclaration sur les vérités relatives à certaines des erreurs les plus courantes dans la vie de l’Eglise de notre temps », signée le 31 mai 2019 par le cardinal Burke, le cardinal Pujats, Mgr Peta, archevêque de Sainte-Marie à Astana, Mgr Lenga, archevêque-évêque émérite de Karaganda et Mgr Schneider.
Avec l’aimable autorisation de l’éditeur, nous donnons ici quelques extraits de cet ouvrage :
Les erreurs du Concile
Excellence, quand avez-vous pour la première fois pensé qu’il pouvait y avoir des erreurs prudentielles ou théologiques dans l’enseignement ordinaire des papes ou de Vatican II ?
Je pense que c’est lorsque je suis devenu évêque il y a treize ans en 2006, car la tâche d’un évêque, c’est d’être un enseignant. L’étude des Pères de l’Église m’a également beaucoup aidé. J’enseigne la patrologie depuis 1993. Presque tous les ans, je donne des conférences de patrologie, soit au Brésil, soit, depuis 1999, au Kazakhstan. J’ai donc dû continuer à lire les textes des Pères de l’Église. Depuis quelque temps, j’avais remarqué que certaines expressions du Concile ne pouvaient pas être si facilement conciliées avec la tradition doctrinale constante de l’Eglise. J’ai remarqué que certains enseignements - en particulier sur les thèmes de la liberté religieuse, de la collégialité, de l’attitude envers les religions non chrétiennes et le monde - n’étaient pas dans un continuum organique avec la tradition antérieure.
La crise de l’Église, comme vous le savez, s’est aggravée ces dernières années, en particulier avec le pontificat du pape François. Cela m’a obligé à réfléchir plus profondément. Lorsque j’ai été chargé par le Saint-Siège de visiter la Fraternité Saint-Pie X il y a environ quatre ans, j’ai dû préparer et étudier plus en profondeur les questions et examiner les arguments. J’ai commencé à remarquer que nous devrions prendre davantage au sérieux les objections formulées par Mgr Lefebvre. J’ai constaté que le Saint-Siège a rejeté toutes ces objections, et qu’il a présenté son mode d’interprétation à travers la méthode appelée « herméneutique de la continuité ». Malheureusement, le Saint-Siège n’a pas pris les arguments de Mgr Lefebvre au sérieux. Les représentants du Saint-Siège ont simplement dit à la FSSPX : « Vous avez tort, notre position est la seule correcte et elle représente la continuité par rapport à la tradition antérieure de l’Église. » Il s’agit d’une sorte d’argument d’autorité, mais qui ne s’enracine pas dans un raisonnement théologique plus profond, et qui ne va pas au fond des arguments. Telle fut ma perception.
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La cardio-pathologie de l’Eglise
Auriez-vous recours à une image particulière pour décrire l’état de l’Église dans la crise actuelle ?
L’asthénie cardiaque - un cœur malade et faible. L’Église est le corps mystique du Christ et l’Eucharistie en est le cœur. Le cœur donne au corps le sang et l’énergie. Nous sommes à plus de cinquante ans du concile Vatican II. Du fait notamment de la nouvelle forme de la messe, qui par sa structure indéterminée a ouvert la porte à une variété de célébrations subjectivistes, et surtout du fait de la pratique de la communion dans la main, nous souffrons dans l’Église d’une sorte de maladie cardiaque spirituelle. Pour désigner un cœur faible, on utilise cette expression médicale : insuffisance cardiaque, asthénie cardiaque.
Alors que la crise de l’Église s’étend, spécialement en raison de la situation qui s’est fait jour après les deux synodes sur la famille avec la publication d’Amoris Lætitia, l’approbation par le pape François des orientations pastorales des évêques de la région de Buenos-Aires (qui prévoient, entre autres, l’admission à la sainte communion des adultères non repentis), et la déclaration sur la diversité des religions qu’il a signée à Abou Dhabi - je me suis rendu compte qu’il nous faut prendre les arguments de la Fraternité Saint-Pie X plus au sérieux. L’Eglise de notre temps souffre d’une forte « cardio-pathologie » eucharistique, et par voie de conséquence, le corps entier est anémique et sans énergie.
Au cours de l’histoire bimillénaire de l’Église, jamais n’ont été perpétrées des offenses aussi horribles contre le Saint-Sacrement, autant de banalisations du sacrifice de la messe de la part du clergé et des fidèles, qu’à notre époque. La « réforme » de la liturgie et sa mise en œuvre ont eu pour effet de désacraliser et d’affaiblir la foi en la présence réelle et en la nature sacrificielle de la Messe. Nous le voyons surtout dans la pratique de la réception de la sainte communion dans la main et debout : elles révèlent cette blessure et cette maladie les plus profondes dans la vie de l’Église aujourd’hui.
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Se retourner vers le Seigneur !
Comme nous le savons par ses écrits [du pape Benoît XVI] et ses paroles, le point principal qu’il a souligné était qu’au-delà de la nécessité de réformer certains aspects du nouveau rite de la messe, il faut nous tourner à nouveau vers le Seigneur. Toute l’Église, avec le célébrant, doit se tourner vers le Seigneur : il s’agit de l’orientation du célébrant vers l’abside, vers le Seigneur qui est dans le tabernacle.
Cela est lié au thème dont nous avons parlé plus haut, à savoir le surnaturel, car la perte du surnaturel est un retournement de l’homme vers lui-même, une concentration sur soi-même. Elle est le cœur du naturalisme. Et cela se reflète très visiblement dans la manière de célébrer la messe face au peuple (versus populum) introduite après le Concile, et qui reste malheureusement la norme. Nous voyons cette manière de célébrer utilisée quasiment dans l’ensemble de la liturgie, et c’est le reflet de la vie de l’Église ; le reflet de sa principale maladie qui est l’anthropocentrisme. La réforme devrait consister, d’emblée, à se tourner de nouveau vers le Seigneur.
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Pourquoi pensez-vous qu’il y ait une telle offensive contre le fait que le prêtre et les fidèles se tournent ensemble vers le Seigneur ?
Pour moi, c’est un signe de ce que les membres du clergé qui s’y opposent aiment être au centre de l’attention. Ils sont déjà si profondément imprégnés de la sphère humaine temporelle qu’ils sont aveuglés par l’amour d’eux-mêmes. Ils ont perdu le sens et l’aspiration à l’éternité, au surnaturel, et sont heureux dans le naturel, dans le cercle anthropocentrique. Ce clergé a perdu le sens de l’adoration et du culte véritables. Les célébrations en forme de cercle (versus populum) ne sont finalement pas une prière, mais plutôt un rassemblement entre êtres humains. Ainsi, ce clergé et ces communautés se célèbrent-ils simplement eux-mêmes, même s’ils ne veulent pas l’admettre.
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Rétablir la communion à genoux, les prières de l’offertoire le lectionnaire traditionnel
Quels autres éléments considérez-vous comme essentiels à la mise en œuvre de la réforme ?
Comme deuxième étape du processus de cette réforme de la réforme, nous devons rétablir la réception de la sainte communion à genoux et sur la langue, comme nous l’avons dit. Des éléments de la messe traditionnelle devraient être introduits dans le Novus Ordo, initialement ad libitum - par exemple, les prières au bas de l’autel,
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Et les prières de l’offertoire de la messe traditionnelle : les réintroduiriez-vous dans le Novus Ordo ?
Absolument. La réforme de la réforme doit réintroduire toutes les belles et profondes prières théologiques de l’offertoire, utilisées dans le rite romain depuis plus ou moins mille ans. Leur utilisation est devenue obligatoire avec le missel de Pie V en 1570. Les prières traditionnelles de l’offertoire étaient déjà contenues dans plusieurs missels à la fin du premier millénaire, comme en attestent les manuscrits, avec des formulations diverses mais toutes dans le même esprit. Ces belles prières anciennes de l’offertoire sont une sorte d’avant-goût et d’anticipation - de manière symbolique - de l’indicible et grand moment du « miracle des miracles » (miraculum miraculorum) : la consécration eucharistique. Toutes les liturgies orientales ont cette forme d’anticipation dans les prières de l’offertoire. C’est une tradition commune à tous les rites et nous devons la rétablir dans la nouvelle messe. Nous ne pouvons pas garder les nouvelles prières de l’offertoire, qui sont étrangères à toute la tradition de la liturgie catholique.
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Le nouveau lectionnaire, lui aussi, a fait l’objet de critiques croissantes depuis plusieurs années.
Le cycle de trois ans de lectures est trop académique et trop contraignant ; avec le cycle de trois ans, nous avons fait de la liturgie une académie biblique. La liturgie n’est pas une académie, et le cycle de trois ans est donc peu pédagogique. Nous devons rétablir le cycle d’un an, le cycle dominical, parce que l’Église a respecté cette tradition des évangiles dominicaux depuis le cinquième siècle au moins. Toutes les générations de catholiques de rite romain ont entendu les mêmes évangiles, les mêmes dimanches, depuis quinze cents ans. Nous ne pouvons les jeter par-dessus bord. Nous devons restaurer cette tradition commune du christianisme latin.
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Et à la fin le Nouvel Ordo deviendra très proche de l’usus antiquior…
Pensez-vous qu’alors les formes ordinaire et extraordinaire de la messe coexisteront encore, avec des éléments ajoutés au Novus Ordo ?
Oui, je pense que les deux formes de la messe coexisteront pendant une période de temps considérable. Avec le cours du temps, la nouvelle messe se rapprochera de plus en plus, par étapes organiques, de l’ancienne messe, pas complètement identique, mais très proche. Ainsi, nous aurons à nouveau un rite romain avec seulement quelques options légèrement différentes : le rite romain de l’usus antiquior, et le rite romain d’usage plus récent. Il est vrai qu’avant le Concile, existaient plusieurs variantes du rite romain, comme par exemple les usages du diocèse de Lyon, de Braga, des Ordres Carmes, Chartreux, Dominicains. Rien ne s’oppose à la coexistence de formes liturgiques ou d’usages similaires dans la même famille rituelle. Ce serait un enrichissement. »
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