Toulon : une décision source de grandes souffrances
C’est avec une immense peine que j’ai appris la décision de l’archevêque de Marseille, sur ordre du Vatican, de surseoir aux ordinations prévues fin juin dans le diocèse de Toulon. C’est une immense souffrance pour les jeunes diacres concernés, à moins d’un mois de leur ordination, une immense souffrance pour Mgr Dominique Rey, qui n’a jamais démérité et qui a contribué à faire du diocèse de Toulon, en lequel les vocations sacerdotales sont parmi les plus nombreuses en France, un diocèse parmi les plus dynamiques.
C’est donc une immense souffrance pour tous les catholiques, à la veille de la fête de la Pentecôte. En effet il apparaît que l’Eglise est hélas en train de se détruire de l’intérieur et la persécution semble bien venir de son sein.
L’Eglise du Christ a commencé à vivre sa Passion.
Guy Barrey
« C’est avec stupéfaction et consternation que j’ai pris connaissance du communiqué de Mgr Rey, évêque de Toulon, annonçant que Rome lui demandait de surseoir aux ordinations prévues à la fin de ce mois de juin.
Ce communiqué est trop laconique pour que le lecteur puisse déterminer tous les tenants et aboutissants et, simple fidèle du rang, je me garderais bien d’entrer dans une douloureuse controverse entre un évêque et le Vatican, dont je ne connais qu’une toute petite partie du dossier.
Mais je puis tout de même dire nettement que cette nouvelle est catastrophique.
D’abord pour les ordinands. Il faut vraiment n’avoir pas de coeur pour priver des jeunes gens, qui se sont préparés pendant 6 ou 7 ans, de l’ordination qu’ils attendent avec tant d’impatience aussi brutalement et aussi près de la date fatidique – sans manifestement leur proposer la moindre “solution de rechange”. Il faut croire aussi que l’Eglise de France peut se permettre de refuser de nouveaux prêtres. Les vocations se portent tellement bien dans notre beau pays, n’est-ce pas ?
La nouvelle est aussi calamiteuse pour la charge épiscopale elle-même. Une nouvelle fois, nous constatons que les enseignements les plus clairs de Vatican II sont allègrement piétinés par ceux-là mêmes qui veulent à toute force nous faire adhérer aux doctrines fumeuses du “concile médiatique”. Si l’évêque n’a pas la plénitude du sacerdoce pour gouverner, enseigner et sanctifier dans son diocèse, on se demande bien ce qu’a voulu dire la constitution sur l’Eglise Lumen gentium ! En l’occurrence, que certains de ses confrères – et même certains apparatchiks des dicastères romains – n’aient pas apprécié la “stratégie” d’évangélisation de Mgr Rey ne donne aucune légitimité à priver ce dernier de sa liberté et de sa responsabilité apostoliques. Nous avons besoin, cruellement besoin, d’évêques libres et courageux – et de tous les bords. Mgr Rey est l’un d’eux et c’est sans doute l’une des raisons, peut-être même la principale, de cette douloureuse sanction. C’est, répétons-le encore une énième fois, le principal problème que posent les conférences épiscopales : elles poussent à la tiédeur, au plus petit dénominateur commun ou, si l’on préfère, à des motions insipides de congrès radical-socialiste. Mais les conférences épiscopales ne font pas partie de la structure divinement instituée de l’Eglise, au contraire de la papauté ou de l’épiscopat. Après une telle sanction, qui donc, dans l’épiscopat, osera prendre des décisions courageuses ? Si toutes les têtes qui dépassent sont condamnées à être coupées, nous nous condamnons à la tyrannie de la bureaucratie cléricale !
Mais il y a, s’il est possible, pire encore. Mgr Rey est le type même de l’évêque “tradismatique”, accueillant volontiers toutes les communautés nouvelles, des charismatiques aux traditionalistes en passant par la communauté Saint-Martin. Il est le berger des “forces vives” du catholicisme français. Et, de toute évidence, les syndics de faillite de l’Eglise de France vont triompher à l’occasion de cette “condamnation”. Je l’ai déjà dit, lesdites “forces vives”, aussi éloignées soient-elles les unes des autres par la liturgie, les règles canoniques ou la “sensibilité”, ont partie liée. Ce que haïssent les modernistes, ce n’est pas la soutane ou le latin, c’est la Messe, la confession, l’adoration eucharistique, en un mot la foi orthodoxe (ayant été séminariste dans un important séminaire de France, je peux en donner un témoignage personnel). Et donc, à la lecture du motu proprio Traditions Custodes, il était évident qu’après les prêtres Summorum Pontificum, les chacals allaient s’en prendre à la communauté Saint-Martin (comme ils s’en étaient pris naguère à la communauté Saint-Jean), puis à la communauté de l’Emmanuel, et ainsi de suite de proche en proche. D’ores et déjà, les hyènes médiatiques, considérant que le “job” est fait pour les “tradis”, ont commencé à dénoncer la communauté Saint-Martin comme trop “identitaire”. Je crains fort que cette décision d’interdire à Mgr Rey d’ordonner n’accélère cette chasse aux sorcières et n’accélère donc l’effondrement des vocations et, plus largement, l’effondrement de l’Eglise de France.
Dernier élément (et, pour nous, laïcs, ce n’est pas le moindre) : Mgr Rey a courageusement pris la parole dans le passé pour défendre les principes non négociables. Cela aussi a dû gêner (parmi certains de ses confrères et parmi les politiciens). Or, tout le monde pressent que la GPA et l’euthanasie sont au menu du nouveau quinquennat Macron. Pour l’oligarchie libertaire, un bon évêque est, sinon un évêque mort, du moins un évêque larbin. Ce que n’est certainement pas l’évêque de Toulon. J’ignore s’il y eut des pressions politiques pour que Rome le fasse taire. Cela s’est déjà vu dans l’histoire. En tout cas, il est certain que la décision romaine vient de porter un rude coup aux catholiques de conviction et à notre capacité à mener un combat pro-vie efficace et cohérent dans ce contexte.
Cependant, il vaut mieux que personne ne se fasse d’illusion : cela ne nous empêchera pas de nous battre – et de dire toute l’admiration que nous avons pour le remarquable travail qui a déjà été effectué dans le diocèse de Toulon. Accessoirement, j’attends avec beaucoup d’intérêt l’attitude prochaine de certains de ceux qui se réjouissent aujourd’hui de la décision romaine : la lutte que va bientôt nous imposer la culture de mort devrait marquer assez nettement la ligne de fracture avec les faux frères, tandis que l’on pourra sans doute constater qu’il en faudrait plus pour faire taire un évêque courageux comme Mgr Rey ! »
Guillaume de Thieulloy
PS : Encore un mot pour dire que les accusations que j’entends pour expliquer la décision romaine ne tiennent pas la route. Il paraîtrait que Mgr Rey soit sanctionné parce que la formation dans son séminaire “poserait des problèmes”. Mais alors il faudrait fermer tous les séminaires de France – pratiquement aucun ne respectant la ratio studiorum romaine ! Il paraîtrait aussi qu’il accueillerait trop de prêtres et de communautés étrangères, mais c’est se moquer quand on sait que, dans la plupart des diocèses, une bonne partie des prêtres de moins de 65 ans viennent d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud ! Qu’il y ait des choses à améliorer dans le séminaire ou le diocèse de Toulon, cela ne fait aucun doute. Que la bonne façon d’améliorer soit de tout casser est nettement plus contestable…
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