l’Église ne s’oppose aucunement à ce qu’un pays régule, contrôle et adapte ses flux migratoires

samedi 5 septembre 2015
popularité : 11%


L’Église ne s’oppose aucunement à ce qu’un pays régule, contrôle et adapte ses flux migratoires



« La presse n’en finit pas de se demander pourquoi Monseigneur Rey vous a invitée à l’Université d’été organisée par son diocèse, mais personne ne se demande pourquoi vous avez répondu favorablement à son invitation. Ce débat mêlant politique et religion était pour vous important ? Vous ne pensez donc pas, comme l’a dit votre tante en 2011, que « les curés devraient rester dans leur sacristie » ?

J’ai été invitée il y a plusieurs semaines avant même d’être candidate aux régionales. Je n’ai pas hésité une seconde car ce sont des sujets qui m’intéressent au premier plan dans l’exercice même de mon mandat. Comment concilier efficacité politique et respect de la conscience chrétienne ? S’adapter est-il renoncer ? Bref, autant de questions dont la réponse est loin d’être évidente. Il m’apparaissait intéressant d’entendre les points de vue de ceux qui font de la politique autrement et ailleurs. De plus, comme aux Veilleurs ou à la Manif pour tous, je m’attendais à ce que ce débat soit une sorte de trêve partisane où l’on s’accorde plutôt sur ce que l’on a en commun. Chose rare en politique ! Malheureusement la présence médiatique a quelque peu perturbé cette ambiance et M.Mariton n’a pas manqué de glisser quelques piques politiciennes.

Au delà de la polémique, quel accueil avez-vous reçu là-bas ?

L’accueil fut excellent à la fois de la part des organisateurs, des intervenants ou du public. Une fois de plus j’ai constaté une profonde déconnexion entre l’indignation, l’agitation médiatique et le réel ressenti du terrain. Beaucoup de catholiques ont bien compris qu’il est impossible de justifier le rejet d’un parti qui représente près de 40 % des voix dans le Var au prétexte que son programme ne serait pas en adéquation avec la doctrine sociale de l’Église alors que sont invités des socialistes ou des ex-UMP qui ont voté, la plupart du temps main dans la main, les lois assouplissant la recherche sur l’embryon, banalisant l’avortement, l’euthanasie, légalisant le mariage et l’adoption homosexuelle, etc.

Plusieurs clercs bien connus, et c’est à souligner, ont exprimé sans complexe leur soutien à Monseigneur Rey, saluant l’honnêteté intellectuelle de sa démarche. Mais ils ont malgré tout, pour certains d’entre eux, exprimé au passage des réserves quant au programme du FN concernant « l’accueil des migrants ». Selon vous, s’agit-il de méconnaissance, d’angélisme, de mauvaise foi ou d’un point de contradiction bien réel entre la position du FN et et le message évangélique qu’en tant que catholique, votre conscience ne peut pas ignorer ?

Avant tout, il est important de rappeler que l’Église ne s’oppose aucunement à ce qu’un pays régule, contrôle et adapte ses flux migratoires. En 2010, lors de la 97 ème Journée mondiale du migrant et du réfugié, Benoît XVI déclarait : « (…) les États ont le droit de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières, en garantissant toujours le respect dû à la personne humaine. En outre, les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale. Il faudra alors concilier l’accueil qui est dû à tous les êtres humains, spécialement aux indigents, avec l’évaluation des conditions indispensables à une vie digne et pacifique avec les habitants originaires du pays et pour ceux qui viennent le rejoindre. »

Nous ne disons rien de plus au Front national. Et cette position de l’Église ne date pas d’hier puisque déjà en 1988, la commission pontificale Justice et Paix dans l’Église face au racisme rappelait qu’« il appartient aux pouvoirs publics qui ont la charge du bien commun, de déterminer la proportion de réfugiés ou d’immigrés que leur pays peut accueillir, compte tenu de ses possibilités d’emploi et de ses perspectives de développement ».

Lorsque l’on brigue des responsabilités politiques on s’engage à viser le bien commun. Or, avec un peu de discernement, il n’est pas difficile de comprendre que l’homme politique qui ouvrirait grand les portes de son pays au prétexte d’une charité abstraite serait totalement irresponsable et trahirait la mission qui est la sienne.

Il ne faut pas confondre charité individuelle à laquelle l’histoire du bon Samaritain fait écho et la charité politique. La France n’est pas une personne, c’est un pays. Se cacher derrière les mots « amour, charité, solidarité » n’est pas satisfaisant lorsque l’on constate aujourd’hui les conséquences économiques, sociales, sécuritaires et identitaires de la politique d’immigration actuelle. Péguy disait : « ils avaient les mains propres mais ils n’avaient pas de main ». Que ceux qui pétrissent tant de mots mettent plutôt la main à la pâte.

De plus j’ajoute que le Front national n’est pas responsable des maux qui poussent aujourd’hui les réfugiés syriens à frapper aux portes de l’Europe. Nous nous sommes toujours opposés aux politiques d’ingérence en Afghanistan, en Irak, en Libye ou en Syrie qui n’ont fait que renforcer les rebelles islamistes et plonger ces pays dans le chaos. Ceux qui aujourd’hui s’indignent que des malheureux meurent en tentant de passer les frontières, je pense notamment aux socialistes et aux ex-UMP, feraient bien de mesurer l’immense responsabilité qui est la leur en ayant soutenu des opérations qui ont totalement déstabilisé le Proche et le Moyen-Orient ».

Propos recueillis par Gabrielle Cluzel

Source

Boulevard Voltaire