Pour que l’Europe exige la réciprocité de traitement entre les chrétiens d’Orient et les musulmans d’Occident .

mercredi 3 août 2016
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Pour que l’Europe exige la réciprocité de traitement entre les chrétiens d’Orient et les musulmans d’Occident


Un Orient sans Chrétiens serait ouvert à tous les extrémismes et constituerait une vraie menace pour son entourage proche, l’Europe, et pour le monde.

FIGAROVOX/ANALYSE - « Les chrétiens disparaissent du Levant alors qu’ils servaient traditionnellement de pont entre deux rives, remarque Patrick Karam qui plaide pour que l’Europe exige la réciprocité de traitement entre les chrétiens d’Orient et les musulmans d’Occident .


Docteur en Science politique, Patrick Karam est président de la Coordination des Chrétiens d’Orient en Danger (CHREDO). Il a écrit cet article avec la collaboration de Elie Haddad, médecin et vice-président de la CHREDO.


« Si les mouvements islamistes assassinent les Chrétiens en Orient, les convertissent par la force, les chassent de leur terre et les dépossèdent de leur bien, d’autres régimes à l’apparence plus « civilisés » les persécutent au quotidien dans le silence total de la communauté internationale, et singulièrement de l’Europe et de la France.
Il est temps que l’Occident lève le voile qu’il s’est imposé afin d’affronter la vérité, celle des discriminations institutionnelles normalisées dans les règlementations et les pratiques que font subir aux différentes communautés en Orient, les Chrétiens en particulier, les islamistes en cravate qui dirigent le monde arabe.

Les pressions exercées contre les chrétiens orientaux en raison de leur religion ont varié suivant les pays, les régimes et les moments. Une lecture historique et linéaire peut conduire à penser que la coexistence avec les populations musulmanes s’est faite de manière plutôt harmonieuse, avec quelques aléas suivant les périodes.
Avant les crises, en Irak et en Syrie, les chrétiens ne subissaient pas de pressions d’ordre religieux de la part des régimes autoritaires.

Avant les crises, en Irak et en Syrie, les chrétiens ne subissaient pas de pressions, ni d’intimidations d’ordre religieux de la part de régimes autoritaires autre que la répression politique commune à tous les nationaux. Ainsi la liberté religieuse qui existait dans ces deux pays permettait aux Chrétiens de pratiquer leur rite en toute liberté, le statut de la femme était évolué, des conversions et des mariages mixtes étaient possibles et chacun pouvait vivre suivant sa religion ou sa culture. Il y a aujourd’hui une régression globale, tant en Irak, que dans une partie de la Syrie mais aussi en Egypte et dans l’ensemble du monde arabe.

Dans la plupart des pays musulmans, les Chrétiens, pourtant présents depuis deux millénaires, ne peuvent occuper des postes de premier rang dans l’administration, l’armée ou la politique. En outre, différents métiers leur sont interdits et ils sont systématiquement écartés de toute prise de fonction qui leur donnerait une visibilité ou un pouvoir quelconque sur des musulmans. Parfois, ils ne bénéficient pas des avantages sociaux ou de l’accès à certaines universités. Ils sont les invisibles de la société et malheur à ceux qui voudraient contester les règles du jeu établies car la prison ou la mort sanctionneraient l’imprudent. D’ailleurs, même dans le cas où le délit n’existe pas, le blasphème, c’est à dire une critique de l’islam, réelle ou imaginaire, punit de mort le chrétien qui, sur simple dénonciation, sera lynché par des voisins. Dans certains pays, comme l’Egypte, la pratique de l’enlèvement, de la conversion et du mariage forcés de chrétiennes mineures étaient devenus monnaie courante.

En Occident, les musulmans issus de l’immigration ont les mêmes droits et bénéficient de tous les avantages économiques et sociaux

En Occident, les musulmans issus de l’immigration ont les mêmes droits et bénéficient de tous les avantages économiques et sociaux des pays d’accueil. En France, le RSA, les logements sociaux, les minimas sociaux, les différentes allocations, notamment familiale, la gratuité de l’enseignement de l’école à l’université ou de l’accès aux soins, les mêmes règles s’appliquent à tous. Même si la discrimination peut subsister dans les faits, les lois qui l’interdisent sont renforcées et l’Etat ou des autorités indépendantes veillent à leur application. Ils peuvent briguer tous les postes et parfois des campagnes de recrutements les visent particulièrement comme par exemple à la RATP. Ils peuvent manifester sur la voie publique leurs désaccords avec le pays d’accueil en toute liberté et leur liberté d’expression n’est pas bridée par des lois spécifiques.

Certains pays en Orient tolèrent la pratique religieuse des chrétiens, à condition qu’elle soit effacée, discrète et non revendicatrice. Lorsque des églises sont menacées, attaquées, voire endommagées et détruites, ou lorsque des chrétiens sont agressés, parfois tués, par des groupes opérant en plein jour, les forces de l’ordre demeurent l’arme au pied et les enquêtes de police ne sont jamais menées pour trouver les coupables. Les chrétiens dans ces pays traversent une période particulièrement périlleuse car ils sont pourchassés par des musulmans radicalisés qui n’hésitent pas à incendier leurs demeures et s’attaquer physiquement à eux, dans le silence des autorités. Il suffit « d’accuser » un chrétien, y compris encore récemment en Egypte, d’avoir approché une musulmane, souvent de façon mensongère, pour lancer une cabale de toute la population contre ce chrétien, sa famille et son village. La conversion au christianisme d’un musulman est d’ailleurs punie de mort et le mariage est strictement interdit entre une femme musulmane et un chrétien.

Un lardon ou une tête de cochon devant une mosquée fait couler l’encre en abondance et peut entrainer une condamnation judiciaire sévère.

En France, mais c’est aussi le cas en Europe, l’intransigeance est de mise contre les atteintes au culte musulman et la classe politique dans sa grande majorité comme les journalistes font dans la surenchère de condamnation en cas d’agression liée à une appartenance au culte musulman. Un lardon ou une tête de cochon devant une mosquée fait couler l’encre en abondance et peut entrainer une condamnation judiciaire sévère, comme récemment 6 mois de prison avec sursis pour un lardon. Les actes anti-chrétiens sont d’ailleurs les plus nombreux avec 810 atteintes aux lieux de culte et aux cimetières chrétiens en 2015 contre 429 actes et menaces pour les actes antimusulmans et 806 pour les actes et menaces antisémites. Les conversions de chrétiens à l’islam comme d’ailleurs les mariages mixtes sont devenus monnaie courante et ne posent aucun problème. Dans notre pays, il y aurait environ 4000 conversions à l’islam par an et en 2012 les convertis issus de la culture chrétienne étaient estimés à 100 000 personnes.

En Arabie saoudite, pays régi par la loi de la Sharia, la même que celle implémentée par Daesh, toute pratique religieuse, y compris dans le secret du domicile, autre que celle de l’islam sunnite, est strictement interdite et les sanctions peuvent être lourdes, du fouet à la lapidation, pour le fautif. Les chrétiens ne peuvent disposer d’un lieu de culte, alors que les gouvernements occidentaux acceptent que ce pays finance la construction de mosquées en Europe. Ils ne peuvent manifester de signes extérieures d’appartenance à la chrétienté, ni même posséder un évangile, alors que les saoudiens ne se privent pas d’arborer leur référence religieuse à l’extérieur de leur pays. Partout en Europe, le nombre de mosquées a été multiplié sans entrave majeure et souvent avec le soutien des autorités qui répondent positivement à la revendication de pratique religieuse. En France, on compte en 2015, 2502 lieux de culte musulman contre 1500 en 2000, soit une croissance de deux-tiers en quinze ans.

En Arabie saoudite, pays régi par la loi de la Sharia, la même que celle de Daesh, toute pratique religieuse autre que celle de l’islam sunnite est interdite et les sanctions peuvent être lourdes, du fouet à la lapidation

Un fait montre à lui seul la différence de situation. A la suite des attentats en Europe et en France revendiqués par DAESH au nom de l’islam, les mosquées ont bénéficié immédiatement de protection et les responsables politiques ont pris des initiatives pour éviter des amalgames malheureux et protéger nos compatriotes musulmans d’éventuelles représailles. On pourrait légitiment s’interroger de ce qui serait advenu aux chrétiens en Orient si des attentats avaient été commis par des marginaux en terre d’islam au nom de la chrétienté.

La discrimination politique est également subie par les chrétiens en Orient. Aucun chrétien, à l’exception notable du liban, ne peut occuper un poste de premier ordre.
En Irak, le poids politique des chrétiens est inexistant et le dernier plus haut gradé chrétien fut Tarek Aziz, sous le régime de Saddam qui occupait le poste de ministre des affaires Etrangères. Le gouvernement irajkien actuel ne compte d’ailleurs aucun chrétien. En Egypte, il est intéressant de rappeler le cas du copte Boutros Ghali, qui a été nommé, sous Sadate, aux affaires étrangères mais par intérim, à cause de sa religion. On compte dans le gouvernement égyptien deux chrétiens sur trente-trois, alors que les chrétiens constituent entre 15 et 20% de la population de ce pays.
En Syrie, le régime Assad a toujours protégé les chrétiens et assuré leur liberté de culte et de coutume. De même, des chrétiens ont pu occuper des postes de ministre dans les gouvernements syriens, notamment celui de la défense.

En Syrie, le régime Assad a toujours protégé les chrétiens et assuré leur liberté de culte et de coutume

Au Liban, seul pays d’Orient dont le président de la république doit être chrétien maronite, nous assistons à une discrimination encore plus larvée mais non moins dangereuse. En effet, depuis 1990 le pays des cèdres est régi par une constitution issue des accords de Taef, qui distribue les trois pôles du pouvoir, le président, le premier ministre et le chef du parlement, respectivement sur les trois grandes communautés du pays : chrétien maronite, sunnite et chiite. Alors que les deux derniers sont choisis parmi les plus représentatifs de leur communauté, on a toujours tenu à nommer à la présidence de la république une personnalité « consensuelle », entendez illégitime et influençable. Par ailleurs, les découpages électoraux adoptés pour les législatives ont toujours fait en sorte que grand nombre des députés chrétiens soient élus par les musulmans de sorte à leur ôter toute représentativité et pouvoir les influencer dans les grandes décisions politiques.

Si en Occident, le nombre de musulmans ne cesse de progresser en raison des politiques d’accueil favorables et des conditions politiques, économiques et sociales jugées plus épanouissantes comparativement aux pays d’origine, en Orient au contraire, une épuration religieuse massive et silencieuse est en cours.

Les discriminations et la stratégie de la terreur sont les deux faces d’une même réalité. Elles visent à éliminer toute présence chrétienne, toute identité multiple, tout souvenir du christianisme et de son rôle historique dans la construction de ces peuples et de ces Etats. Elle vise in fine à rendre cet espace géopolitique hostile et impénétrable à l’Occident. Les Chrétiens qui représentaient 20 à 25% des populations de cette région du monde, terres de naissance du christianisme, ne sont plus que 5 à 6% et auront complètement disparu de certains pays, comme l’Irak où ils sont passés de plus de 2 millions en 1977 à moins de 300 000 aujourd’hui.

Un Orient sans Chrétiens serait ouvert à tous les extrémismes et constituerait une vraie menace pour son entourage proche, l’Europe, et pour le monde

Leur exode massif a privé l’Orient d’une partie importante de sa puissance humaine et matérielle, indispensable pour son essor et a remodelé le visage de la région, de sa culture et de sa civilisation. Les Chrétiens ont toujours constitué le trait d’union entre la civilisation arabo-musulmane et la civilisation occidentale et l’espace de dialogue entre elles. Ils ont toujours joué le rôle de modérateur des extrémismes. Un Orient sans Chrétiens serait ouvert à tous les extrémismes et constituerait une vraie menace pour son entourage proche, l’Europe, et pour le monde.

Il est grand temps que l’Occident comprenne que l’affaiblissement des chrétiens en Orient vise à fragiliser cette région du monde et la pousser vers l’extrémisme et l’obscurantisme

Les chrétiens d’orient assurent, en quelque sorte, la ligne de défense de l’Occident. Plus l’Orient s’enfonce dans la terreur, plus l’Occident subira les conséquences.
L’Europe en général, et la France en particulier, doivent demander la réciprocité de traitement aux pays musulmans. Ils doivent exiger la fin des discriminations institutionnelles et des persécutions contre les chrétiens d’Orient. Ils doivent renforcer le rôle politique de ces derniers dans leur pays respectifs, seul moyen pour les enraciner dans leur terre.

Ceci est vrai partout en Orient mais plus précisément au Liban, pays phare des chrétiens orientaux, où ces derniers n’arrivent pas à imposer leur candidat au poste de président de la république. Il y va de la paix, de la stabilité et de l’avenir de l’Occident. »

Patrick Karam

Source :

Figaro Vox