1974 : Des propos prémonitoires d’opposants au projet de loi dépénalisant l’avortement, lors des débats parlementaires
« A la suite de la parution d’un livre par l’Assemblée Nationale recensant les débats autour de la loi Veil, souhaité par François de Rugy, on retrouve des extraits des débats avec des citations alors en défaveur de cette loi dont on connaît aujourd’hui les conséquences.
Première séance du mardi 26 novembre 1974 :
Jean Foyer (député du Maine-et-Loire de 1959 à 1988, membre de l’UDR et premier à parler contre le projet de loi) :
« n’en doutez pas : déjà des capitaux sont impatients de s’investir dans l’industrie de la mort, et le temps n’est pas loin où nous connaîtrons en France ces « avortoirs » - ces abattoirs – où s’entassent des cadavres de petits d’hommes et que certains de nos collègues ont eu l’occasion de visiter à l’étranger »
« Car il est trop évident que, dans les mœurs actuelles, et contrairement à ce que vous espérez, nous vérifierons une sorte de loi de Gresham, selon laquelle la mauvaise monnaie chasse la bonne »
« N’ayant pu faire ce qui est juste fût fort, vous voulez faire ce qui est fort devienne juste. Vous vous résignez à l’avortement à condition qu’il soit pratiqué sous des garanties médicales. Et vous vous y résignez alors que – votre projet lui-même en fait mention, par les obligations qu’il impose au médecin consultant – l’avortement, fût-il « bien fait », comme le disent certains, est cause de traumatismes psychiques, comme il l’est souvent de séquelles physiques qui compromettent la santé des enfants à venir et suppriment même la possibilité d’en avoir d’autres. Votre solution est, en définitive, celle de la facilité. »
« Plus tard, lorsque, dans une France dépeuplée, le nombre de vieillards et des handicapés sera devenu insupportable parce que disproportionné à celui des actifs, on expliquera à nos successeurs qu’une vie diminuée n’est plus une véritable vie humaine et qu’elle ne vaut plus la peine d’être vécue. »
Deuxième séance du mardi 26 novembre 1974 :
René Feït (député du Jura de 1967 à 1981, membre du groupe des républicains indépendants) :
« Qui de nous dans cet hémicycle, à quelque groupe qu’il appartienne, ne ressent en sa conscience et son cœur un trouble profond devant le vote qu’il aura à émettre et qui, selon qu’il sera positif ou négatif, condamnera à mort pendant les dix premières semaines de leur existence des centaines de milliers d’hommes en puissance ou protégera au contraire la natalité, l’expansion démographique et l’avenir économique et social de la nation ? »
« Madame le ministre, oui ou non, admettez-vous que la vie commence dès la fécondation ? (…) Pour que je puisse vous en persuader, laissez-moi vous faire entendre l’enregistrement sur magnétophone des battements de cœur d’un fœtus de huit semaines et deux jours. »
Jacques Médecin (député des Alpes-Maritimes de 1967 à 1988, membre du groupe des réformateurs et des démocrates sociaux) :
« L’injustice, c’est de ruiner l’autorité parentale en écartant le père de la décision d’interrompre ou de conserver a grossesse, et d’introduire, par là même, un germe terrible et proprement aberrant de désunion des familles et de destruction des foyers. L’injustice, c’est par-dessus tout de présenter l’avortement comme la libération de la femme, en feignant d’ignorer que 80% des avortements sont motivés par de graves difficultés financières et matérielles de la mère ou du foyer. C’est de répondre par la suppression des enfants à naître au besoin réel et profond de la nation d’une politique familiale, d’une politique d’aide à la maternité et à l’enfance, efficace et cohérente. L’injustice, madame le ministre, c’est de voir un pays se préoccuper plus du sort des bébés phoques ou du confort des condamnés de droit commun dans ses prisons que des besoins des mères pour avoir et élever dignement leurs enfants qui sont aussi les enfants de la France. »
Deuxième séance du mercredi 27 novembre 1974 :
Pierre Bas (député de Paris de 1962 à 1986, membre de l’UDR) :
« (…) Or on n’aide pas la jeune mère désespérée ; désormais, si votre loi est votée, son entourage se contentera de lui dire : « Avorte ! » (…) Reste le problème juridique : Faut-il abandonner toute sanction pour les infractions aux lois ? C’est l’homme, fréquemment, qui est l’avorteur. C’est l’homme qui, bien souvent, contraint les femmes à avorter. C’est l’homme, au surplus, qui ne risque rien. Dans la législation que l’on nous propose, rien ne sera changé, la femme restera la seule victime. (…) Désormais, par votre loi, la femme sera encore plus l’esclave de l’homme. Qui, en France, abandonne 50 000 enfants naturels par an, sinon 50 000 hommes ? Qui les sauve, sinon les 50 000 femmes, leurs mères, qui acceptent toutes les charges de chef de famille avec d’écrasants soucis et d’écrasantes difficultés mais qui, plus tard, il est vrai, reçoivent les joies qu’apportent le plus souvent un tel choix ? Combien de ces pères naturels en puissance, demain, s’appuieront sur le texte qui nous est soumis, s’il est voté, pour se débarrasser de l’enfant attendu par leur partenaire, abandonnée, trahi et dépouillée d’une raison de vivre ? »
« De la même façon, l’euthanasie des cas limites deviendra, dans dix ans, dans vingt ans, l’euthanasie du bon plaisir. Comme l’avortement du projet de loi, elle sera massive. »
Troisième séance du mercredi 27 novembre 1974 :
Jean-Marie Daillet (député de la Manche de 1973 à 1993, membre du groupe des réformateurs et des démocrates sociaux) :
« Néfaste pour la santé physique de la femme et de l’enfant, votre projet contredit totalement les intentions généreuses qui vous animent. Malheureusement, il présente en outre l’inconvénient de camoufler une libéralisation totale sous les apparences d’une loi modérée et raisonnable. »
« Mais, surtout, comment oserez-vous désormais admettre la poursuite et la condamnation pénale de l’infanticide du nouveau-né, aucun biologiste ne pouvant nier, quelque soit sa thèse personnelle, qu’il y a processus continu entre l’embryon humain et l’homme ? Cette dernière question va évidemment bien au-delà du droit et de la justice : elle touche les mœurs, la civilisation. Supposez que l’on retrouve l’un des médecins nazis qui a encore échappé au châtiment qui en a frappé d’autres, l’un de ces hommes qui a pratiqué la torture et vivisection humaine. Y a-t-il, voulez-vous me le dire, différence de nature entre ce qu’il a fait et ce qui sera pratiqué officiellement dans des hôpitaux et dans des cliniques de France ? » »
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Michel Janva/Le salon beige/6 juillet 2018