Gilets jaunes : les chrétiens ont-ils un rôle particulier à jouer ?
Les chrétiens ont-ils un rôle spécifique à jouer en ces temps de colère des manifestants "gilets jaunes" ? Question majeure, qui mérite débats et réflexions. En ce site dédié à tout ce qui touche au christianisme, à la foi chrétienne en France, nous ne pouvons l’éluder. Un premier constat déjà : la présente rubrique "Chrétiens confrontés à des lois, des décisions injustes, voire criminelles" est devenue pléthorique, tant les lois, décisions politiques contraires à la loi de Dieu sont nombreuses actuellement en France, et depuis de nombreuses années.
Dieu a été chassé de France et la plupart de nos gouvernants successifs, avec l’aide des grands médias et des puissances d’argent, n’ont eu de cesse de marginaliser la foi chrétienne, ses enseignements fondamentaux, de détruire peu à peu ("déconstruire" comme le disent certains) la famille, favoriser le divorce, promouvoir l’avortement c’est-à-dire la mort programmée de petits d’hommes, encourager l’individualisme et le relativisme, dénigrer la France, en mutilant notre histoire nationale dans l’enseignement public comme dans le cadre des relations internationales, etc. etc. La liste est longue de ces abandons, de cette destruction insidieuse mais profonde de la famille, de la nation française au bénéfice d’un homme que l’on voulait interchangeable, malléable, consommateur passif.
De cela, les manifestants arborant leurs gilets jaunes ne veulent pas. Ils se sentent floués, devenus des citoyens de seconde zone, de plus en plus marginalisés. Ce n’est pas seulement une crise du pouvoir d’achat, c’est une crise morale et spirituelle, ce n’est pas seulement un manque d’argent, c’est aussi un manque de considération, un manque de reconnaissance qu’ils expriment, et aussi, sans que ce soit nécessairement conscient, un manque d’ordre spirituel.
Un besoin de plus de fraternité s’est fait jour, mais, comme l’a écrit récemment Mgr Aupetit, archevêque de Paris : « Le devoir primordial de l’Etat est de garantir pour chacun les moyens d’entretenir sa famille et de vivre dans la paix sociale. Il nous faut reconstruire une société fraternelle. Or pour être frères, encore faut-il une paternité commune. La conscience de Dieu le Père qui nous apprend à nous « aimer les uns les autres. » a façonné l’âme de la France. L’oubli de Dieu nous laisse déboussolés et enfermés dans l’individualisme et le chacun pour soi. ». Oui, pour se sentir frères, encore faut-il avoir un même Père, Dieu, celui que la révolution française a précisément voulu éliminer, selon un programme que la république a poursuivi, du début du XXe siècle à nos jours, où, en France, les catholiques pratiquants sont devenus aujourd’hui très minoritaires. Combien vont chaque dimanche honorer et prier le Seigneur ? Moins de 4% de la population. Sanctifier le jour du Seigneur : ce fut pourtant une demande de la Vierge Marie à La Salette, en 1846. Faute d’avoir écouté la Sainte Vierge, les drames, révolutions, guerres dévastatrices ont déferlé : 1870, 1914-1918, 1939-1945, engendrant morts et désolation. Quand les Français comprendront-ils donc qu’ils doivent d’abord se tourner vers Dieu, leur Père miséricordieux et bon ? Tout le reste viendra de surcroît, y compris un régime politique enfin réellement soucieux du Bien commun.
Guy Barrey
« De la violence mais surtout de la colère. Beaucoup de colère. Ce nouveau week-end de mobilisation des Gilets jaunes a frappé les esprits par les images qui ont circulé sur les réseaux sociaux et dans les médias. Une violence proportionnelle à la colère, voir au désespoir, qui anime certains gilets jaunes. Alors qu’Emmanuel Macron a chargé son Premier ministre, Édouard Philippe, de recevoir les chefs des partis politiques et des représentants du mouvement cette semaine, afin d’annoncer de nouvelles mesures, le mouvement des Gilets jaunes questionne.
Mgr Malle, évêque de Gap, a choisi de répondre avec une citation du bienheureux Frédéric Ozanam : « Car si la question qui agite aujourd’hui le monde autour de nous n’est ni une question de personnes ni une question de formes politiques, mais une question sociale ; si c’est la lutte de ceux qui n’ont rien et de ceux qui ont trop, si c’est le choc violent de l’opulence et de la pauvreté qui fait trembler le sol sous nos pas, notre devoir, à nous chrétiens, est de nous interposer entre ces ennemis irréconciliables. » Une phrase portée à son attention par Charles Vaugirard, historien, blogueur catholique et animateur des « Cahiers libres ».
« Toute proportion gardée, et sans faire d’anachronisme, il y a une dimension de lutte des classes dans l’actualité des gilets jaunes », explique-t-il à Aleteia. « Certains commentateurs mettent en évidence une élite mondialisée, des métropoles, et une classe moyenne en cours de déclassement ou qui craint le déclassement et qui vit dans la “France périphérique”. Il s’avère que Frédéric Ozanam, figure du catholicisme social, a beaucoup écrit sur cet aspect de lutte des classes. Il a des choses à nous dire sur ce qui se passe aujourd’hui ».
Comment interpréter ce passage : « Notre devoir, à nous chrétiens, est de nous interposer entre ces ennemis irréconciliables » ? « Il faut réfléchir à une médiation entre ces deux camps. Il y a une déconnexion et pour rétablir le dialogue un médiateur est nécessaire. Je pense que les ONG et associations chrétiennes comme le Secours catholique ou la Société de Saint-Vincent-de-Paul, qui ont un rôle social et sont en contact direct avec ces réalités, ont un rôle à jouer », affirme l’historien. Une médiation qui doit être au contact de la réalité que vivent des milliers de gilets jaunes tout en ayant une connaissance des obligations gouvernementales. « Au-delà de la souveraineté populaire, la démocratie repose sur la capacité à dialoguer pour construire ensemble le bien commun. Aujourd’hui ce dialogue n’existe pas », rappelle Charles Vaugirard.
Au-delà des associations chrétiennes, la parole de l’Église est attendue. Si le contexte actuel fait que sa voix n’est pas forcément la plus audible, elle n’en demeure pas moins nécessaire, explique Charles Vaugirard. « Quand Emmanuel Macron est venu au Collège des Bernardins, l’Église l’a reçu avec des associations chrétiennes tournées vers les personnes handicapées et fragiles. Je pense que c’est dans un cadre similaire que l’Église et les associations doivent s’exprimer. Elles en ont la légitimité car elles sont présentes auprès des plus précaires et elles font partie de la société civile », détaille l’historien. « Dans ce mouvement on observe une crise des corps intermédiaires. Hors l’Église, les ONG et les associations chrétiennes sont des corps intermédiaires. À elles de jouer un rôle, au niveau local, départemental, régional ou à l’échelle d’un diocèse afin de tenter de faire ce lien citoyen-état qui est actuellement rompu ». « En tant que chrétiens, notre travail est d’être des artisans de paix. Nous avons aussi faim et soif de justice », indique encore Charles Vaugirard. « Justice et paix s’embrassent, elles marchent ensemble. Aujourd’hui plus que jamais nous devons le rappeler, inlassablement ». »
Agnès Pinard Legry