France : une société profondément abîmée par l’irruption de nouveaux barbares et par l’incapacité de l’Etat à les sanctionner
Ce que l’on appelle « ensauvagement » est la forme particulière qu’a prise la délinquance violente cet été dans un espace public élargi et sur l’ensemble du territoire
Ce que l’on appelle « ensauvagement » est la forme particulière qu’a prise la délinquance violente cet été dans un espace public élargi et sur l’ensemble du territoire
« Rebondissant sur la récente agression du jeune Augustin, amplement commentée dans la presse, l’avocat Régis de Castelnau s’exprime auprès de RT France sur l’« ensauvagement » du pays et le « sentiment d’insécurité » des Français.
RT France : On assiste depuis plusieurs semaines à une succession de cas de violences plus ou moins relayés dans les médias. L’agression d’Augustin est-elle un énième fait divers ?
Maître Régis de Castelnau est avocat à la cour, animateur du blog Vu du droit. Il écrit pour le magazine Causeur et commente l’actualité.
Régis de Castelnau : Ce que le président de la République, suivi ensuite par son nouveau ministre de l’Intérieur, a qualifié d’incivilités, est la conséquence d’un phénomène particulier qui s’est produit cet été dans notre pays. Les banlieues abandonnées, territoires perdus de la république et laissés à la gestion commune de la pègre et de l’islamisme, on les connaissait déjà et depuis longtemps. La lecture de la presse vous confronte à une litanie de soi-disant fait divers qui présentent tous des caractéristiques communes : émeutes, vols avec violences, agressions en bande, trafic de drogue à ciel ouvert, harcèlements sexistes La nouveauté, c’est que les centres-villes, ainsi que les lieux de loisirs estivaux, et ce dans toute la France, ont été abandonnés à une délinquance de rue particulièrement violente.
La lecture de la presse vous confronte à une litanie de soi-disant fait divers qui présentent tous des caractéristiques communes : émeutes, vols avec violences, agressions en bande, trafic de drogue à ciel ouvert, harcèlements sexistes, toute la panoplie de ce qui pourrit la vie des couches populaires déjà secouées par le confinement est au rendez-vous. Et en général, on est confronté à une absence d’intervention policière digne de ce nom, et lorsque les voyous sont interpellés, la justice fait preuve d’une absence de réaction tout à fait stupéfiante. Rappelons-nous cette agression au marteau contre un père de famille, ou celle de ce maire demandant de faire moins de bruit et dont les auteurs pourtant identifiés et arrêtés immédiatement été relâchés dans la nature. Cette présentation est malheureusement conforme au réel, dans la mesure où tout ceci ne se déroule plus seulement dans les « quartiers » mais dans les centres-villes de tout le pays, pourtant jusqu’à présent à peu près protégés.
L’agression du jeune Augustin n’est donc pas un fait divers, mais relève d’un phénomène de masse sur les causes et les conséquences duquel il conviendrait de travailler sérieusement L’agression du jeune Augustin n’est donc pas un fait divers, mais relève d’un phénomène de masse sur les causes et les conséquences duquel il conviendrait de travailler sérieusement. Alors il est probable que cette partie délinquante de la jeunesse s’est retrouvée complètement disponible compte tenu de la disparition des occupations estivales et de la possibilité des voyages à l’étranger. Il y a également une autre caractéristique que l’on retrouve dans chacune des agressions, c’est l’incroyable sentiment d’impunité qui habite les voyous, et une arrogance liée à ce qui s’est produit avec l’affaire Traoré et l’importation en France des débats américains après la mort de Georges Floyd. La complaisance initiale d’Emmanuel Macron, demandant à sa ministre de la Justice et à son ministre de l’Intérieur de prendre le parti de la famille Traoré, les interventions d’un certain nombre d’intellectuels indigénistes considérant ces violences comme quasiment justifiées par le passé esclavagiste et colonial de la France. Ce qui s’est produit dans notre pays pendant ces longues semaines est un fait politique extrêmement important, qui a élargi la question de l’insécurité en lui donnant des caractéristiques ethniques qu’il est difficile de nier. Ces questions vont constituer un enjeu considérable dans les débats politiques qui s’amorcent dans la perspective de la prochaine présidentielle.
RT France : Comment interpréter l’absence de réactions (du moins dans l’immédiat) des membres du gouvernement dans cette affaire ?
Régis de Castelnau : Cette absence de réaction est liée justement à l’ambiguïté de la réaction d’Emmanuel Macron à la manifestation du comité Adama Traoré au sortir du confinement. La complaisance qu’il a manifestée validant en quelque sorte le récit pourtant mensonger faisant d’Adama Traoré un martyr de la violence systémique et raciste de la police française. Il a quand même demandé, en pleine procédure judiciaire et en violation de la séparation des pouvoirs, à la garde des Sceaux de recevoir la famille plaignante ! Et ensuite, Christophe Castaner, dont il est difficile de penser qu’il agissait de sa propre initiative, a déclaré officiellement que la loi républicaine était d’application à géométrie variable, et que les interdictions de manifestation pour cause de pandémie et par nécessité de protection de la population, n’étaient pas applicables dès lors qu’il s’agissait de défiler pour Traoré ! Il y a probablement d’autres raisons à la discrétion des membres du gouvernement, avec tout d’abord la terreur qui les habite d’être critiqués par les belles âmes et les peoples. Les opinions d’Omar Sy ou de Virginie Despentes sont beaucoup plus importantes que celles des couches populaires confrontées à cette violence. Ensuite, chez eux aussi, bien placés pour savoir l’incroyable affaiblissement de l’Etat dans ses fonctions régaliennes, la peur que ces interventions répressives voulues par les Français provoquent un embrasement qui deviendrait incontrôlable. Cela en dit long sur la situation que 30 ans de gabegie ont permis d’installer.
RT France : La droite a largement réagi à cette agression, en usant notamment du slogan « Justice pour Augustin », tandis que la gauche s’est faite plus discrète. Y a-t-il un risque de récupération politique de cette affaire ?
Régis de Castelnau : La « récupération politique » est chose normale et souhaitable dans un régime démocratique. Les opinions doivent pouvoir se confronter, et les différents courants doivent pouvoir s’exprimer. Le présenter comme un risque est une manœuvre habile visant à éviter d’en parler pour masquer le réel ou à disqualifier l’événement pour lui retirer ses caractéristiques qui permettent de le rattacher justement à cet « ensauvagement » dénoncé par le nouveau ministre de l’Intérieur sous les clameurs indignées de la police du langage, toujours soucieuse de prendre la pose et d’exhiber ce signe extérieur de richesse qu’est son antiracisme. Exprimé en général depuis ses quartiers où elle voit furtivement les travailleurs issus de l’immigration dès lors qu’ils viennent ramasser ses poubelles, faire la plonge dans ses restaurants, tenir les caisses de leur Carrefour City ou garder leurs enfants. On se moque des opinions politiques du jeune Augustin, la seule question qui est posée : a-t-il été passé à tabac à cinq contre un dans un de ces centres-villes abandonnés à la violence ? Je renvoie à Christophe Guilluy décrivant ce phénomène de façon savoureuse.
Alors, dans l’affaire Augustin, avec un peu de retard à l’allumage, la bobosphère a essayé de déconstruire la réalité en pointant la personnalité et les opinions politiques du jeune homme. Et ensuite en relevant que des commentateurs qualifiés « d’extrême droite » s’étaient indignés de l’agression. Méthode tout à fait classique, et d’une malhonnêteté confondante que l’utilisation de cet « ami imaginaire » de la « fachosphère », sorte de doudou confortable sur lequel ces braves gens se précipitent pour pratiquer un de leurs sports favoris : le déni du réel.
On se moque des opinions politiques du jeune Augustin, la seule question qui est posée : a-t-il été passé à tabac à cinq contre un dans un de ces centres-villes abandonnés à la violence ? Tout le reste n’est que du bavardage.
RT France : Assiste-t-on à un « ensauvagement » de la société française, comme l’estiment certains politiques et observateurs ; ou s’agit-il d’un effet de loupe dû à l’accroissement de la circulation de l’information ?
Régis de Castelnau : Il me semble que ce que l’on appelle « ensauvagement » est la forme particulière qu’a prise la délinquance violente cet été dans un espace public élargi et sur l’ensemble du territoire. La violence délinquante n’est pas nouvelle, et toutes les sociétés en connaissent. La question de son augmentation, surtout en ce qui concerne la délinquance qui affecte la vie des couches populaires, permet un débat sans fin. Statistiques contre ressenti, ce qui permet de prétendre que cette violence diminue, et que l’insécurité n’existe pas et qu’il s’agit simplement d’un « sentiment d’insécurité ». Le problème, c’est que dans une démocratie, ce qui compte c’est justement le « sentiment d’insécurité ». Et que cette prétention à traiter les gens comme des demeurés incapables de prendre en compte la réalité des chiffres est finalement d’une arrogance sociale assez stupéfiante.
Il y a environ 243 000 cambriolages par an en France [de résidences principales, chiffre du ministère de l’Intérieur pour 2016], et les professeurs de maintien vous diront à la publication d’une statistique identifiant une diminution de 10 % par exemple, que c’est bien la preuve de la baisse de l’insécurité. Le problème c’est qu’il va falloir l’expliquer aux 218 000 familles restantes qui ont été cambriolées. On leur souhaite bon courage. Je ne pense pas que l’on puisse prétendre à un effet de loupe des réseaux, qui dans l’information ne font que rééquilibrer l’attitude des médias qui, parfois pour des raisons honorables ont tendance à masquer et à minorer Je ne pense pas que l’on puisse prétendre à un effet de loupe des réseaux, qui dans l’information ne font que rééquilibrer l’attitude des médias qui, parfois pour des raisons honorables, ont tendance à masquer et à minorer. Ce qui est incontestable en revanche c’est que les réseaux sont un espace de débat qui reflète les tensions qui travaillent durement la société française.
Et il ne faut pas s’imaginer, comme le faisaient les promoteurs de la loi Avia, que c’est en cassant le thermomètre qu’on fera reculer la maladie. Ce qui compte sur cette question, c’est bien justement « le sentiment d’insécurité » qu’il n’est pas possible de traiter en qualifiant d’imbéciles ceux qui le ressentent. Et c’est lui qui aura des conséquences politiques. Et compte tenu de ce qui s’est passé cette année, ce sera un sujet majeur. »
Site source :
« Coups, menaces, insultes... des maires et adjoints, dont les agressions se multiplient, attendent une plus grande protection des autorités. Deux édiles ont témoigné auprès de RT France de ce phénomène en augmentation de 17% par rapport à 2019. Les témoignages de maires victimes d’agressions se multiplient. Dans une interview à Ouest France, Francis D’Hulst, maire délégué de Portbail (Manche) explique que, le 6 août, après avoir été alerté par des habitants de sa commune, il s’est rendu sur les lieux d’un camping sauvage pour signaler aux campeurs installés entre la pinède et la dune que cette pratique est interdite. Ce même individu est arrivé derrière moi et m’a balancé deux coups de poing dans la nuque et sur le haut de l’omoplate « Il y avait trois copains, âgés d’environ 25 ans, autour d’un feu de camp. J’ai décliné ma fonction de maire délégué et je les ai invités à démonter la tente et à partir. Ils ont refusé, prétextant qu’ils ne possédaient pas de véhicule. J’ai insisté sur la sensibilité de l’environnement. Parmi les trois individus, l’un s’est alors excité et m’a insulté en menaçant de mettre le feu à ma voiture. », explique-t-il. Auprès de RT France le 18 août, il relate encore : « Ce même individu est arrivé derrière moi et m’a balancé deux coups de poing dans la nuque et sur le haut de l’omoplate. »
En savoir plus sur RT France : https://francais.rt.com/france/78088-on-a-sentiment-etre-dans-pays-non-droit-recits-maires-agresses-reportage
Le maire se dirige alors vers sa voiture pour prévenir la gendarmerie. « J’ai aussitôt appelé les gendarmes, arrivés dans le quart d’heure suivant les faits. Ils ont interpellé l’individu et l’ont embarqué. J’ai déposé une plainte à la gendarmerie pour cette agression. », poursuit-il dans les colonnes du quotidien du grand Ouest. L’agresseur de Francis d’Hulst s’est vu imposer un rappel à la loi. « Cela me désole, parce qu’on a le sentiment d’être dans un pays de non droit. », s’indigne-t-il. Le dossier a été classé sans suite. Après cette agression, Agnès Le Brun, vice-présidente et porte-parole de l’Association des maires de France (AMF), déplorait auprès de l’AFP que « la réponse pénale ne soit pas au rendez-vous », regrettant que les auteurs d’agressions ne répondent pas plus vite de leurs actes devant la justice et que les maires soient esseulés face à des « actes délictueux ». Pierre Emmanuel Bégny, ancien maire de Saâcy-sur-Marne, a lui aussi témoigné sur RT France après avoir été victime de plusieurs agressions, dont l’une un soir de 14 juillet : « On avait un bal, je sors de la voiture et là une personne éméchée commençait un peu à insulter la police municipale. Il se rend compte que je suis le maire et à ce moment-là il me chope par le cou. Il veut me mettre des coups de poing, il essaie de me mettre de par terre, etc. Cest une agression sans doute lambda pour les élus locaux. Mais qui, quand vous la recevez, est assez violente psychologiquement. » Des faits qui l’ont, entre autres, poussé à ne pas se représenter comme candidat à la mairie de sa commune en 2020. 233 maires ou adjoints agressés physiquement depuis le mois de janvier D’après des chiffres du ministère de l’Intérieur révélés par le Journal du Dimanche le 8 août, 233 maires ou adjoints ont été agressés physiquement depuis le mois de janvier. Ils étaient 198 à la même époque l’année dernière, soit une augmentation de plus de 17%. Une tendance qui se confirme d’année en année : en 2019, 383 faits de violence ont été recensés, contre 361 en 2018. Depuis le début de l’été, les agressions s’enchaînent : le 4 août, celle du maire de Saint-Philippe-d’Aiguille (Gironde), le 7 août celle du maire de Croisilles (Pas-de-Calais), poussé à terre après avoir été appelé pour tapage nocturne. Hospitalisé pour blessures légères, il a décidé de porter plainte. En juillet, trois mineurs étaient mis en examen pour violences aggravées envers le maire de Miribel-les-Echelles (Isère). Au mois d’août 2019, Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, était renversé par une camionnette dont il voulait verbaliser les occupants qui jetaient illégalement des gravats. Après l’agression du maire de Saint-Philippe d’Aiguille, le Premier ministre Jean Castex a qualifié le lendemain ce type de violences d’ « inadmissibles ».
Philippe Bas, président Les Républicains de la commission des lois du Sénat, a écrit au Premier ministre le 6 août pour lui répondre : « Je dis au Premier ministre qu’il faut absolument mettre en place dans les préfectures une cellule qui apporterait conseils, accompagnement et soutien, y compris moral, aux maires et à leurs adjoints en cas d’agression. Car le maire est souvent tenté dans ces ¬situations de se décourager et de laisser tomber. Or nous ne devons rien laisser passer. » En décembre 2019, la loi Engagement et proximité a renforcé la protection juridique des maires, insuffisante et « pas efficace » selon Philippe Laurent, maire de Sceaux et secrétaire général de l’Association des maires de France, interrogé par le JDD ».
Site source :