« Beaucoup de catholiques reviennent aujourd’hui à la liturgie traditionnelle ou la découvrent »
« Entretien avec monsieur l’abbé Benoît Paul-Joseph, nouveau supérieur du district de France de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre.
Propos recueillis par Agathe du Boullay
Le 26 avril, l’abbé John Berg supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre a annoncé que l’abbé Benoît Paul-Joseph serait le nouveau supérieur du district de France de cette même Fraternité. Sa mission commencera à partir du 14 juillet pour une durée de trois ans.
Vous venez d’être nommé supérieur du district de France de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre et entrerez en fonction le 14 juillet prochain, en quoi consiste cette mission ?
Le supérieur de district est un représentant du supérieur général. Il gouverne et administre en son nom, une partie de la Fraternité Saint-Pierre. Pour le district de France, il s’agit de nos apostolats situés en France et en Belgique francophone.
Il revient ainsi au supérieur de district d’entrer en relation avec les autorités diocésaines pour que la Fraternité Saint-Pierre continue la mission qui lui a été confiée par le Saint-Siège à sa fondation : permettre aux fidèles catholiques qui y sont attachés de bénéficier des « formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine ».
Où êtes-vous implantés ? Combien avez-vous de vocations ?
Nous avons des Maisons dans 25 diocèses et exerçons un apostolat dans 35 diocèses de France. Il est difficile de donner un nombre de vocations mais nous avons une moyenne de cinq ordinations de prêtres français par an et une quarantaine de séminaristes français sont actuellement en formation dans notre séminaire de Wigratzbad, en Bavière. Par ailleurs, le district de France compte une soixantaine de prêtres.
La Fraternité sacerdotale Saint-Pierre est de droit pontifical, quels sont vos rapports avec les évêques de France ?
Dans chaque diocèse où nous exerçons un ministère, l’autorité locale (l’évêque ou le curé) nous confie une mission conforme à nos constitutions et répondant aux besoins des fidèles. Cela signifie que notre identité et notre « charisme » relèvent directement du Saint-Siège (nos constitutions ont été définitivement approuvées en 2003) et ne peuvent pas être modifiés par l’évêque diocésain ou le curé. En revanche, ces derniers déterminent le champ apostolique qu’ils nous confient dans leur diocèse ou leur paroisse.
En quoi consiste précisément la spiritualité de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre ?
La spiritualité de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre est profondément eucharistique : elle consiste dans la sanctification des prêtres, appelés à conformer toute leur vie aux mystères célébrés à l’autel, à y puiser tout leur élan apostolique afin d’y ramener les âmes. La Fraternité Saint-Pierre est un institut de vie apostolique c’est-à-dire qu’elle prévoit pour ses membres une vie communautaire, mais sans vœux religieux, et comprend en même temps une dimension apostolique, comparable à celle des prêtres diocésains, mais évidemment conforme à notre identité, telle qu’elle est exprimée dans nos constitutions.
De nouvelles communautés éclosent depuis quelques années, alliant forme ordinaire et forme extraordinaire du rit romain. Ne craignez-vous pas que les jeunes entrent de moins en moins au séminaire de Wigratzbad ?
Tout d’abord, nous nous réjouissons que de plus en plus de prêtres célèbrent la messe dans la forme extraordinaire. Il y a quarante ans, beaucoup de prêtres et de laïcs se sont battus pour que la messe traditionnelle ait droit de cité. C’est aujourd’hui le cas, alors nous n’allons pas le déplorer !
D’autre part, nous ne craignons pas que cela fasse ombrage à la Fraternité Saint-Pierre et diminue le nombre d’entrées dans notre séminaire. En effet, ce que nous apportons à l’Église est différent de ce que peuvent donner les prêtres diocésains. De leur côté il s’agit, la plupart du temps, de célébrer une messe traditionnelle suite à la demande de fidèles de leur paroisse. Ce ministère s’ajoute à leurs nombreuses responsabilités. Les prêtres de la Fraternité Saint-Pierre en revanche sont totalement disponibles pour les communautés de fidèles attachés à la liturgie traditionnelle et leur proposent une pastorale complète. Non seulement nous célébrons habituellement tous les sacrements dans cette forme liturgique, mais nous dispensons également des enseignements catéchétiques irrigués par cet attachement à l’ancienne liturgie latine et avons la disponibilité d’assumer le soin pastoral quotidien des âmes attachées aux traditions liturgiques latines.
Comment vivez-vous votre spiritualité ancrée dans la forme extraordinaire du rit romain tout en tenant compte de la réception plénière du magistère de l’Église, y compris du concile Vatican II et des documents postérieurs ?
Nous reconnaissons évidemment le concile Vatican II comme un acte authentique du magistère, au même titre que les autres conciles œcuméniques, bien que nous déplorions certaines ambiguïtés qui ont été à la source de beaucoup d’abus. Quant aux autres documents magistériels, nous les recevons également dans un esprit filial, comme il convient à tout catholique. Il y a deux ans, à l’occasion du 25e anniversaire de notre fondation, le Pape François nous a accordé sa bénédiction apostolique accompagnée d’un message dans lequel il nous encourageait à poursuivre notre mission et à faire preuve d’une « charité inventive et généreuse ». Nous essayons de répondre à l’appel du Saint-Père en mettant le zèle de nos prêtres au service des diocèses de France, non seulement pour les actes du ministère qui correspondent directement à notre charisme liturgique mais également pour toutes les autres missions sacerdotales (aumônerie d’hôpitaux, d’écoles, de prisons, scoutisme, etc.).
La forme extraordinaire du rit romain a de plus en plus de succès. D’où vient selon vous ce retour à la tradition ?
Il est vrai que beaucoup de catholiques reviennent aujourd’hui à la liturgie traditionnelle ou la découvrent. Les raisons peuvent être diverses, mais la plupart du temps ces catholiques aspirent à retrouver la dimension sacrée des mystères célébrés et une parole claire dans la prédication des prêtres. Dans la forme extraordinaire du rit romain, la séparation entre le monde profane et le monde sacré est particulièrement manifeste en raison de la richesse du symbolisme liturgique qui bouleverse les points de repères habituels pour nous faire entrer dans le « monde de Dieu » (ornements et orientation du prêtre, langue latine, chant grégorien, temps de silence…). Par ailleurs, dans le relativisme ambiant, les catholiques ont besoin d’entendre de la bouche des prêtres les grandes vérités de la foi catholique et les exigences morales qui en découlent. »