Des menaces graves à l’encontre de la liberté d’enseignement

lundi 12 mars 2018
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Des menaces graves à l’encontre
de la liberté d’enseignement



Nous assistons en cette année 2018 en France a une volonté politique manifeste d’attenter à un certain nombre de libertés fondamentales, dont la liberté d’enseignement. Un certains nombre d’élus d’opposition se sont élevés contre ces reculs particulièrement graves, qui, s’ils se concrétisent, conduiront la France sur la pente du totalitarisme.

Un exemple nous est donné avec la proposition de loi de la Sénatrice Françoise Gatel (UDI), visant à encadrer et restreindre le régime déclaratif actuel d’ouverture des établissements hors contrat. C’est pourquoi nous partageons l’analyse contenue dans la Tribune libre de Marie-Hélène de Lacoste-Lareymondie, professeur de Lettres, conseillère régionale du Grand Est, référente du forum Ecole & Nation pour l’Alsace, la Lorraine, et la Champagne-Ardennes, ci-après reproduite :

« L’enseignement privé hors contrat est un enseignement libre de tout contrat d’association avec l’Etat. Ces établissements peuvent donc choisir le contenu des programmes, les méthodes pédagogiques pour appliquer ce contenu, les manuels scolaires y afférant, les horaires et les enseignants de leur choix. Ne recevant aucune subvention de l’Etat, ils rémunèrent eux-mêmes leurs enseignants, ceci ayant pour effet de rendre la scolarité parfois onéreuse pour les familles. Leur existence est néanmoins conditionnée par différentes étapes et procédures d’autorisation d’ouverture soumises aux services de l’Etat.

Le Sénat, la semaine dernière, a voté une proposition de loi de la Sénatrice Françoise Gatel (UDI), visant à encadrer et restreindre le régime déclaratif actuel d’ouverture des établissements hors contrat. Dès lors on ne peut que s’inquiéter d’un projet de loi liberticide qui sera bien sûr amendé et âprement discuté dans un sens comme dans l’autre en première lecture à l’Assemblée Nationale. On peut d’ores et déjà y voir l’introduction masquée d’un régime d’autorisation préalable. La deuxième disposition de cette proposition de loi est la mise en demeure des parents, par l’Etat, de changer leur enfant d’établissement scolaire, ce qui contrevient directement à l’autorité parentale et à la liberté des parents de choisir le « mode » éducatif de leur choix.

Rappels historiques

Jusqu’à la Révolution française l’enseignement hors contrat était, pour ainsi dire, la norme : en effet, l’Eglise catholique assurait, via ses nombreuses congrégations, la transmission des connaissances et du patrimoine culturel. L’Etat monarchique n’avait pas de ministère dédié à l’éducation, cette fonction était dévolue depuis des siècles au clergé (la formation professionnelle étant assurée, de manière très autonome, par les corporations). La Révolution Française prive l’Eglise de ses sources de revenu et supprime les corporations. Napoléon posera les jalons d’un système éducatif d’Etat. S’ensuivent quelques décennies de jeux et guerres d’influences, et la loi Falloux, promulguée le 15 mars 1850 (sous la IIe République) donne un cadre à la liberté d’enseignement. C’est également une loi de décentralisation puisqu’elle instaure une académie de l’instruction par département. C’est sous la IIIe République que l’éducation est largement étatisée notamment via les lois Ferry. Dans les années 1890/1900 la loi Falloux subit de rudes attaques mais sera toujours maintenue. La loi Falloux est aujourd’hui formellement abrogée depuis 2000 seulement, mais certains de ses articles sont inscrits dans le code de l’éducation.

La liberté d’enseignement, quant à elle, est gravée dans la Déclaration des droits de l’homme : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants » (article 26). En France, cette liberté d’enseignement est définie et encadrée par la loi Debré du 31 Décembre 1959. En juin 2016, une disposition de la loi Égalité et Citoyenneté (article 39) prévoit de renforcer le contrôle des écoles hors contrat en les faisant passer d’un régime de contrôle a posteriori à un régime d’autorisation d’ouverture a priori. Cette disposition, défendue par Mme Vallaud-Belkacem a cependant été censurée par le Conseil Constitutionnel.

Un système indépendant d’ampleur limitée, mais très utile

En 2017, l’Education Nationale a publié ses chiffres : l’école publique a perdu 30.000 élèves. Cette évaporation s’effectue au profit du privé et du hors contrat qui, pour infime soit-il au regard du nombre d’enfants scolarisés dans l’hexagone (6,783 millions), est fort cependant de ses 70.000 élèves. Cela représente une progression de 18% en 2016 et d’environ 15% pour la rentrée de 2017. Un constat s’impose, et il est sans appel : les derniers classements internationaux, PISA pour la lecture, les mathématiques et la science, et PIRLS pour la compréhension écrite en fin de CM1 montrent clairement que la France ne tient plus son rang parmi les pays à hauts standards éducatifs.

Devant le désastre éducatif et idéologique manifeste de l’Education Nationale, visant à formater nos petits citoyens en devenir et non plus à leur transmettre un savoir désormais jugé passéiste, le hors contrat est devenu le corollaire de cette faillite, une conséquence inéluctable d’une démission. Il n’est ni une préférence exclusive qui devrait éclipser le cadre plus classique du public, ni l’unique solution mais un complément aujourd’hui indispensable et demain une liberté nécessaire dans l’offre éducative. Ses bons résultats sont autant de pointes lancées dans le cœur de l’Education Nationale qui a du mal à accepter que cela puisse marcher ailleurs.

La mauvaise pente prise par la loi Gatel

Les parlementaires souhaitant remettre en cause la liberté scolaire justifient leur démarche par le risque, très réel, de multiplication d’écoles musulmanes mal contrôlées. La menace de l’islam radical est en effet immense dans notre pays. Néanmoins, la grande majorité des établissements hors contrat sont non-confessionnels. Les écoles musulmanes ne constituent qu’une faible minorité parmi les établissements confessionnels. Entraver l’action de toutes les écoles hors contrat est donc inefficace (car ne ciblant pas le problème) et dangereux.

L’Etat est incapable de soigner le mal à la racine en appliquant les contrôles a posteriori sur les écoles hors contrat de confession musulmane, la loi les rendant parfaitement suffisants. Les écoles hors contrat acceptent volontiers ces contrôles, mais s’il est vrai que la fréquence en est plutôt régulière, il serait souhaitable qu’elle le soit aussi dans les établissements musulmans, ce qui n’est, hélas, pas toujours le cas. L’Etat prend donc le problème à l’envers : revenant à la charge en votant la proposition de loi Gatel au Sénat la semaine dernière, il entérine un contrôle plus restrictif du régime déclaratif d’ouverture des établissements hors contrat. L’application aura certainement pour effet de compliquer l’ouverture de ces futurs établissements en s’attaquant au passage, rêve de toujours, à l’enseignement catholique, puisqu’une partie non-négligeable de ces établissements sont de confession catholique mais n’ont, eux, rien à se reprocher.

Devant cette énième charge, il convient, à l’instar de notre Sénateur Stéphane Ravier, de s’opposer farouchement à toute forme de contrainte liberticide sur l’Ecole. Il nous appartient de chérir cette liberté et non de la flétrir. »

Site source :

école et nation enseignement-privé hors-contrat-Jean-Michel-Blanquer-dans-les-pas-de-Najat-Vallaud-Belkacem

P.S. : La photo reproduite ici représente saint Bénilde, Frère enseignant des Ecoles chrétiennes (1805-1862)