Fiducia Supplicans : la confusion doctrinale et morale, voire l’anarchie, qui règne dans la société depuis la Révolution française, a maintenant pénétré la vie de l’Église

mercredi 10 janvier 2024
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Fiducia Supplicans : la confusion doctrinale et morale, voire l’anarchie, qui règne dans la société depuis la Révolution française, a maintenant pénétré la vie de l’Église

« Entretien avec Mgr Athanasius Schneider.

Diane Montagna (DM) : Excellence, quelle a été votre première impression de Fiducia Supplicans, sur le sens pastoral des bénédictions, publiée le 18 décembre par le préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, le cardinal Manuel Fernández, et approuvée par le pape François ?

Mgr Athanasius Schneider (AS) : Ce document et son utilisation impudente de mots pieux m’ont frappé comme un artifice de pharisaïsme et une dérision de la loi naturelle et révélée de Dieu. En appliquant Fiducia supplicans, saint Jean-Baptiste aurait pu donner une "bénédiction spontanée" et "pastorale" à l’union irrégulière d’Hérode et d’Hérodiade.

(DM) : Comme Vatican News l’a noté dans son rapport initial, c’est la première fois que la Congrégation (aujourd’hui Dicastère) pour la Doctrine de la Foi publie une déclaration depuis Dominus Iesus du cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la CDF. Quel est le poids ou l’autorité d’un tel document ?

(AS) : Ce document sape clairement, bien qu’astucieusement, la loi naturelle et révélée de Dieu concernant le mariage et la signification et l’exercice de la sexualité humaine. Par conséquent, il ne peut être l’expression du Magistère authentique de l’Église et perd toute autorité contraignante. En effet, le Magistère authentique "n’est pas au-dessus de la parole de Dieu, mais il est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, (…) il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité" (Concile Vatican II, Dei Verbum, 10).

(DM) : Est-il vrai, comme certains l’ont suggéré, que Fiducia supplicans ne permet que la bénédiction d’individus en situation irrégulière, et non la bénédiction de la situation irrégulière elle-même, et que, en fait, " rien n’a changé " ?

(AS) : Il s’agit d’un pur sophisme, d’un manque d’honnêteté intellectuelle ou d’ignorance. Le but du document, comme il est explicitement indiqué au début, est de permettre "la possibilité de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe". Il n’est pas nécessaire de publier un document magistériel spécial pour bénir un individu qui se repent vraiment de son infidélité adultère (situation irrégulière) ou de son style de vie homosexuel.

L’Église publierait-elle une déclaration autorisant les prêtres à bénir publiquement les syndicats du crime organisé, en les préservant de leurs activités criminelles, afin de renforcer "tout ce qui est vrai, bon et humainement valable" dans la vie de leurs membres ? Fiducia supplicans est une grande tromperie et va à l’encontre de la logique de base. On peut appliquer à ses affirmations les mots que saint Athanase utilisait pour décrire les évêques semi-ariens de son temps : ils "s’enveloppent éternellement d’ambiguïtés et d’interprétations trompeuses" (Ep. ad Episcopos Aegypti et Libyae).

(DM) : Selon vous, comment les évêques diocésains doivent-ils répondre à Fiducia supplicans ?

(AS) : Les vrais évêques catholiques ne peuvent répondre que d’une seule manière : en rejetant résolument la déclaration, car elle permet aux prêtres d’accomplir un acte intrinsèquement immoral en invoquant le saint nom de Dieu - par le biais d’une bénédiction - sur une situation objectivement pécheresse qui est connue du public. La réaction rapide des évêques, qui ont interdit à leurs prêtres de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe (par ex. l’archevêque de Sainte-Marie à Astana, au Kazakhstan, le chef de l’Église gréco-catholique ukrainienne, les conférences épiscopales de Pologne, du Malawi, de Zambie, du Ghana, du Cameroun et du Zimbabwe) a été une source de grande consolation et d’encouragement pour de nombreux prêtres et fidèles catholiques, tout comme la lettre que le cardinal président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) a envoyée aux présidents de toutes les conférences épiscopales locales, déclarant que "l’ambiguïté de cette déclaration [...] se prête à de nombreuses interprétations et manipulations. "

Je considère la déclaration des évêques du Cameroun, qui rejette Fiducia supplicans et "interdit formellement" toute bénédiction de couples de même sexe dans leurs diocèses, comme l’une des meilleures déclarations faites jusqu’à présent.

Chaque évêque d’aujourd’hui devrait garder à l’esprit les paroles de saint Grégoire de Nazianze, qui a lui aussi vécu à une époque de confusion doctrinale quasi mondiale dans l’Église : "Il n’y a rien à craindre tant que de craindre quelque chose de plus que Dieu et de commettre ainsi une trahison au service de la vérité" (Or. 6,20) et "Nous ne maintenons pas la paix au détriment de la vérité, en faisant des concessions pour gagner une réputation de tolérance" (Or. 42,13).

(DM) : Que doit faire un prêtre si un couple de même sexe dans sa paroisse, ou dans un autre contexte, demande une "bénédiction", et quelle serait une réponse appropriée ?

(AS) : Si un prêtre était sollicité pour une "bénédiction" par un couple de même sexe, il devrait gentiment et clairement leur expliquer pourquoi il ne peut pas le faire et les admonester avec charité pour qu’ils changent leur style de vie et mettent fin à l’union pécheresse, qui offense l’ordre de la création de Dieu, est une cause de scandale public, promeut l’idéologie impie du genre, et les met dans l’occasion proche et constante du péché. Il pourrait proposer de rencontrer chacun d’entre eux séparément et, au cours de cette rencontre, il pourrait certainement bénir la personne, à condition qu’elle soit disposée à entreprendre sérieusement un chemin de conversion. Il pourrait aussi leur rappeler ces paroles de Notre Seigneur : "Quel profit en effet aura l’homme, s’il gagne le monde entier, mais perd son âme ? (Mt 16,26).

(DM) : Que se passerait-il si un évêque exigeait des prêtres de son diocèse qu’ils procèdent à une telle "bénédiction" ?

(AS) : En une occasion, saint Hilaire de Poitiers, qui vivait à une époque de grands bouleversements et de confusion dans l’Église, a prononcé ces paroles inspirantes : "Que je sois toujours un exilé, si seulement la vérité recommence à être prêchée ! (De syn., 78). Un prêtre ne peut jamais bénir un couple homosexuel ; c’est contraire à la loi divine et il doit obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Ac 5,29) - dans ce cas, même plutôt qu’au Pape ou à son évêque. Un prêtre doit être prêt à tout perdre plutôt que d’accomplir un acte qui offense Dieu, comme de bénir un couple dans une union objectivement pécheresse.

Il est encourageant de voir que des groupes de prêtres, comme par ex. la Confrérie britannique du clergé catholique ou le Supérieur provincial américain des Pères mariaux de l’Immaculée Conception, ont publiquement répondu à la déclaration en affirmant que de telles « bénédictions » conduiraient inévitablement au scandale et étaient « pastoralement et pratiquement inadmissibles ».

(DM) : Que doivent faire les parents si leur fils ou leur fille leur demande d’assister à une "bénédiction" avec leur "partenaire" ou les menace de mettre fin à toute relation avec eux s’ils n’acceptent pas la "bénédiction" ?

(AS) : Il n’est jamais moralement licite de prendre part à une action objectivement mauvaise. Même si le fils ou la fille menaçait de couper tout contact avec les parents, ils ne peuvent pas céder, mais doivent se souvenir des paroles du Christ : "Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi" (Mt. 10,37).

(DM) : La section III de Fiducia supplicans cite Amoris Laetitia n. 304, qui a jeté les bases de l’AL 305, contenant la note de bas de page 351 controversée qui ouvre la porte à la Sainte Communion pour les catholiques divorcés dans les secondes unions "irrégulières". Quelle est, selon vous, la relation entre cette déclaration et Amoris Laetitia ? S’agit-il simplement de la conséquence naturelle de cette déclaration ?

(AS) : Oui, c’est une conséquence naturelle du principe du relativisme moral établi dans Amoris Laetitia sous le couvert du "discernement". Amoris Laetitia, n. 304, réduit à tort les lois toujours valides de Dieu (données par la loi naturelle et la Révélation divine) à de simples règles et normes, comme des lois humaines changeantes ou des "idéaux". En présentant un commandement divin, par exemple le sixième commandement, comme un "idéal", Amoris Laetitia abolit de facto la validité absolue des commandements de Dieu. Amoris Laetitia peut citer saint Thomas d’Aquin, mais il le fait hors contexte et d’une manière qui contredit son enseignement sur la validité absolue du sixième commandement.

(DM) :Fiducia supplicans (citant Amoris Laetitia n. 304) conclut en déclarant : "Ce qui a été dit dans cette Déclaration concernant les bénédictions des couples de même sexe est suffisant pour guider le discernement prudent et paternel des ministres ordonnés à cet égard. Ainsi, au-delà des orientations fournies ci-dessus, il ne faut pas s’attendre à d’autres réponses sur les moyens possibles de réglementer les détails ou les aspects pratiques concernant les bénédictions de ce type. " Le pape François et le préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi ne peuvent certainement pas imaginer qu’il n’y aura pas d’autres débats - et des réactions négatives. Qu’en pensez-vous ?

(AS) : Fiducia supplicans est une façade de sophismes, utilise un langage trompeur et laisse une large place à de multiples interprétations et applications. Comme toute personne attentive à la situation peut le constater, le débat ne fait que commencer. Mais peut-être que la création d’un état de débat permanent, d’incertitude généralisée et d’anarchie doctrinale et pratique était précisément son but. La description faite par saint Grégoire de Nazianze du style et des manières de nombreux évêques de son époque pourrait s’appliquer ici avec justesse : "Ils sont ambigus dans leur foi, s’en tiennent à l’époque plutôt qu’aux lois de Dieu, oscillant dans leur discours comme un flux et un reflux" (Carm. 2, 12).

(DM) : Quel effet pensez-vous que cette déclaration aura sur l’Église et la société en général ?

(AS) : La confusion doctrinale et morale, voire l’anarchie, qui règne dans la société depuis la Révolution française, a maintenant pénétré la vie de l’Église. Des hommes d’Église influents font aujourd’hui tout leur possible pour adapter la doctrine et la pratique de l’Eglise à l’esprit du temps et aux caprices de la puissante élite politique. Les paroles de saint Grégoire de Nazianze sont remarquablement actuelles : "Nous voyons la douce et belle source de notre ancienne foi malheureusement troublée par des affluents salés, parce qu’il est entré dans l’Église des gens à la foi vacillante qui pensent d’une manière qui convient aux puissants de ce monde" (Carm. 2, 11).

(DM) : Quelle action, le cas échéant, suggérez-vous aux Cardinaux de prendre en réponse à la Déclaration ?

(AS) : La principale obligation du Collège des Cardinaux est de conseiller le Pontife Romain. L’approbation publique par le Pape de la bénédiction des couples en situation irrégulière et des couples de même sexe cause un grave préjudice à l’Église, au bien spirituel et au salut éternel des âmes. En conséquence, les cardinaux sont obligés (également pour le salut de l’âme du Pape François), de l’exhorter fraternellement à annuler Fiducia supplicans. Une telle admonestation devrait d’abord être faite en privé, et si elle n’aboutit pas, elle devrait être faite publiquement et sans délai. Les cardinaux ne devraient pas craindre de le faire, mais plutôt de négliger de le faire. Entre-temps, l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Gerhard Ludwig Müller, devrait être félicité pour sa réponse claire, le 21 décembre 2023, à Fiducia supplicans, dans laquelle il a qualifié la bénédiction des couples en situation irrégulière et des couples de même sexe d’"acte sacrilège et blasphématoire".

(DM) : Quel effet pensez-vous que cette déclaration pourrait avoir sur le prochain conclave ?

(AS) : Considérant que le pape François a en pratique entamé un processus d’abolition du sixième commandement de Dieu au moyen d’un document profondément rusé déguisé en mots pieux, un nombre considérable de cardinaux, qui conservent encore un sens fondamental de la foi surnaturelle dans la Révélation de Dieu et la validité pérenne de ses commandements, éviteraient très probablement, lors du prochain conclave, d’élire un pape qui, en tant que cardinal, soutiendrait d’une manière ou d’une autre l’agenda des personnes LGBT.

(DM) : Que répondriez-vous au clergé et aux fidèles catholiques qui disent ne pas vouloir être en communion avec un pape qui approuverait un tel document ?

(AS) : Le Pape reste dans sa fonction, même s’il permet ou affirme des choses qui nuisent à la Foi ou qui sont ambiguës ou erronées. Même si un pape devait prononcer une hérésie dans son magistère quotidien, c’est-à-dire en dehors des déclarations ex-cathedra, et en dehors d’un enseignement définitif formel, il ne perdrait pas la papauté. Il y a eu de rares cas dans l’histoire de l’Église où des papes ont agi de la sorte (par exemple, les papes Honorius I et Jean XXII) et ils n’ont pas perdu leur charge. Leur pontificat n’a pas non plus été déclaré invalide de leur vivant ou après leur mort. L’Église restera toujours entre les mains toutes-puissantes du Christ, qui ne permettra pas que les portes de l’enfer prévalent contre elle, car il a fondé son Église sur le roc de Pierre. L’Église, à cet égard également, est divine : elle peut supporter de tels papes.

(DM) : Votre Excellence, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

(AS) : Dieu permet que ces périodes de grande crise et de confusion purifient notre foi et notre espoir inébranlable en Lui. Dans ces moments-là, nous devrions éviter les solutions trop humaines, qui sont souvent motivées par la colère et la frustration. Nous devons résister à la tentation d’adopter l’attitude suivante : "Maintenant, nous allons prendre la situation en main et résoudre nous-mêmes le problème de ce pontificat". De telles attitudes sont mondaines et manquent d’une perspective surnaturelle. Nous devrions nous laisser guider par les paroles et l’exemple des grands Pères de l’Église qui, comme nous, ont vécu dans des temps troublés. Que les paroles suivantes de saint Hilaire nous réconfortent : "À la quatrième veille de la nuit, le Seigneur viendra, et il trouvera l’Église épuisée et secouée par l’esprit de l’Antéchrist et par tous les maux du monde. Mais le bon Dieu leur parlera aussitôt, chassera leur peur et dira : "C’est moi", bannissant ainsi leur crainte d’un naufrage certain par la foi en sa venue" (In Mt 14,27). »

+Athanase Schneider

entretien avec Diana Montagna publié le 22 décembre 2023 sur The Remnant sous le titre : Bishop Schneider on Fiducia Supplicans : “A Mockery of the Natural and Revealed Law of God”
(Traduit avec l’aide de deepl.com)

Site source :

https://www.leforumcatholique.org/message.php?num=972529


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