Mère Marie Ferréol : le cardinal Ouellet condamné
« La justice bretonne a remis l’église au milieu du village et rendu courageusement justice à mère Marie Ferréol, chassée de la congrégation des dominicaines de Pontcallec en 2020, puis renvoyée définitivement en 2021, sans qu’elle puisse savoir ce qui lui était reproché exactement.
Le tribunal de Lorient a en effet condamné ses persécuteurs et a validé sa défense sur toute la ligne, malgré le refus du cardinal Ouellet, qui se comporte en prince de l’Eglise au dessus des lois, de se rendre aux convocations de la justice civile et même de s’y faire représenter. Sa “part prépondérante de responsabilité” dans le préjudice subi par mère Marie Ferréol est reconnue et fixée à 60%.
Son avocate maître Gouvello exprime son “soulagement” et le fait que ce jugement qui “reconnaît une faute à son égard” est une “étape très importante importante en vue de sa réhabilitation“.
Près de 140.000 euros de dommages et intérêts matériels et 10.000 moraux lui sont aussi attribués, sur 870.000 réclamés – le cardinal Ouellet devra en payer 60%, les visiteurs canoniques 20% et la congrégation 20 %. Ils sont aussi condamnés aux dépens (10.000 euros de frais d’instance) – le cardinal Ouellet devra en payer 55%, la congrégation 35% et le reste les deux visiteurs canoniques. Au titre de son devoir de secours, reconnu par le jugement, la congrégation doit payer 40.000 euros – moins les 6500 qu’elle a versé en deux fois, fin avril 2021 et 2022.
“Sans attendre les détails du jugement, les avocats de la défense, Mes Agathe Martin et Bertrand Ollivier, qui représentent respectivement les Dominicaines et les visiteurs apostoliques, ont indiqué leur intention de faire appel. Le cardinal Ouellet, grand absent des audiences et dont la localisation – a priori à Rome – a fait l’objet de longs débats, ne s’est quant à lui jamais fait représenter“, indique Ouest-France.
Le quotidien haut-breton continue, en relevant un des points du jugement très argumenté – 17pages (!). “Dans sa décision, la juge Armelle Picard déplore l’opacité de la procédure canonique. Elle s’étonne notamment que le contenu du rapport de visite est demeuré inconnu tant pour Madame de la Valette et ses avocats que pour le tribunal. […] Ne connaissant pas les faits, toute défense était impossible”.
Par ailleurs le tribunal de Lorient, qui relève la partialité du cardinal Ouellet, et que les décisions qu’il a prises contre mère Marie Ferréol étaient “abusives“, s’étonne qu’il “ne se soit pas récusé, en sa qualité d’ami proche d’une des sœurs de l’institut des Dominicaines du Saint Esprit, Sœur Marie de l’Assomption [Emilie d’Arvieu], dont les positions étaient notoirement opposées à celles de Mme Baudin de la Valette (leur inimitié n’ayant pas été contestée par les défendeurs). »
LE CARDINAL OUELLET, LES VISITEURS APOSTOLIQUES ET L’ASSOCIATION DES DOMINICAINES DU SAINT ESPRIT RECONNUS FAUTIFS ET CONDAMNES
Aujourd’hui, 3 avril 2024, le tribunal judiciaire de Lorient a rendu sa décision dans l’affaire opposant Sr Marie Ferréol (née Sabine Baudin de la Valette) au Cardinal OUELLET, à son ancienne communauté et aux visiteurs apostoliques, Dom Jean Charles NAULT et Mère DESJOBERT. Les juges ont reconnu que des fautes avaient été commises par ces derniers, à l’encontre de Sœur Marie Ferréol renvoyée de sa communauté après 34 ans de vie consacrée.
Pour mémoire, ce renvoi, intervenu le 21 octobre 2020, a été fait sans motif, sans possibilité de se défendre, dans des conditions dures et vexatoires (cf. communiqué du 08 août 2023).
Nous ne pouvons que saluer la qualité de la motivation du tribunal qui a opéré un examen approfondi des demandes, des moyens, des pièces communiquées par les parties : son raisonnement est largement développé et basé sur des éléments objectivement constatés.
Le tribunal a reconnu que chacun des défendeurs avait commis des fautes :
Les fautes de la communauté des Dominicaines ont consisté entre autres dans :
• Le non-respect de la procédure de renvoi de l’association (aucun avertissement préalable, aucune possibilité de connaître la décision envisagée, aucune information sur des faits précis et datés lui étant reprochés, absence de toute possibilité de se défendre…) ; absence de motif du renvoi (pas de communication faite sur ses fautes, pas de faits précis reprochés, pas d’avertissement préalable, absence de conseil à ses côtés…) ;
• Le non-respect du devoir de secours : renvoi à la vie laïque, sans préparation matérielle, pas de proposition financière émise à l’égard de la sœur pour lui permettre « de bénéficier dans l’esprit d’équité et de charité énoncé par le droit canonique, de conditions de vie civile décentes, après 34 ans de vie religieuse et de services auprès de sa communauté ».
Pour les visiteurs apostoliques, le tribunal a considéré notamment que : « M Nault a compromis l’exercice des droits fondamentaux de la défense, car quel que soit son statut, toute personne a le droit de connaître la nature précise des faits qui lui sont reprochés avant de se voir notifier une sanction. Devant les réclamations de Mme Baudin de la Valette sur ce point, les visiteurs lui ont répondu par courriers qu’il n’était pas nécessaire que les faits reprochés lui soient précisément notifiés car elle les connaissait, ce qui relève d’une conception personnelle mais erronée du droit fondamental de la défense. Les visiteurs n’avaient pas été habilités à ignorer les règles du droit canonique et les principes généraux du droit parmi lesquels figurent le respect des droits de la défense et le principe du contradictoire ».
Quant au Cardinal OUELLET, il a été reconnu à son égard la commission d’un abus de droit et d’une absence d’impartialité : selon le tribunal, « en droit canonique comme en droit civil, qui se prétend délégué doit prouver sa délégation ». Or, aucun mandat spécial du pape n’est produit et il ne relevait pas de la compétence du Cardinal OUELLET (responsable des évêques) d’agir à l’égard d’une communauté religieuse. Le tribunal constate en outre qu’aucun des actes concernant Sr Marie Ferréol n’est signé par le pape mais est au contraire signé du Cardinal OUELLET et de son secrétaire.
En outre, « le tribunal s’étonne aussi que le cardinal OUELLET, à supposer qu’il ait reçu un mandat spécial du pape pour prendre les trois décrets mentionnés ci-dessus, ne se soit pas récusé, en sa qualité d’’ami proche d’une des sœurs de l’institut des Dominicaines du Saint Esprit, Sœur Marie de l’Assomption [Emilie d’Arvieux], dont les positions étaient notoirement opposées à celles de Mme Baudin de la Valette. »
Le tribunal relève par ailleurs « qu’il ne trouve pas dans ces attestations [attestations produites par les Dominicaines et les visiteurs apostoliques] la confirmation que les motifs très généraux figurant dans les décrets d’exclaustration, puis de renvoi de Mme Baudin de la Valette, rédigés par le cardinal OUELLET, étaient réellement fondés sur des faits graves et précis, au demeurant non énoncés, justifiant la lourdeur des sanctions prononcées, au surplus sans respect du droit canonique et des droits fondamentaux de la personne ».
Le préjudice subi par la sœur a bien été reconnu comme étant matériel et moral, avec une atteinte à son honneur et à sa vie privée, « ayant subi un renvoi infamant et vexatoire, sans avoir commis le moindre délit, sur la base de motifs non établis et ayant été renvoyée à la vie laïque sans ménagement ».
Les fautes et le préjudice étant constatées, le tribunal a condamné :
– l’association des DSE à payer à la sœur 33 622 € au titre du devoir de secours ;
– in solidum l’association des DSE, les visiteurs, le Cardinal OUELLET à payer à la sœur 182 400 € au titre de son préjudice matériel et 10 000 € au titre de son préjudice moral, outre 10 000 € au titre des frais irrépétibles.
Sur ces montants, le Cardinal OUELLET devra en assumer une plus large part (60% et 55%)
Pour Sr Marie Ferréol, cette décision apporte un grand soulagement : la justice a pu constater avec objectivité qu’une injustice avait été commise, un abus de pouvoir avéré.
Ce jugement constitue une étape très importante en vue de sa réhabilitation. La reconnaissance de l’injustice, des irrégularités et fautes commises à son encontre, permettra d’avancer vers une réhabilitation morale et un retour à un statut de consacrée au sein de l’Eglise.
Adeline le GOUVELLO de la PORTE
Il est évidemment triste d’en être arrivé là, cependant cette voie était indispensable au regard de la gravité des faits. L’Eglise souligne la légitimité à agir pour faire valoir ses droits et le code de droit canonique le prévoit, sans qu’il soit malheureusement toujours respecté.
Ce jugement est un pas important pour la vérité et la justice envers tous. »
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