Fichage Macron-Castex : une nouvelle affaire des fiches
Jean-Frédéric Poisson saisit la CEDH
Jean-Frédéric Poisson saisit la CEDH
« Le juge des référés qui a validé l’élargissement du fichage des français en fonction de leurs opinions politiques a été le directeur de cabinet de l’ancienne Ministre de la Justice de Macron, Nicole Belloubet de 2017 à 2020… Mathieu Herondart connaît bien la Place Vendôme. Il fut directeur adjoint de cabinet de Rachida Dati en 2007 avant d’être exfiltré comme directeur de l’administration générale (DAGE) de ce même ministère puis nommé secrétaire général adjoint toujours de ce même ministère. Ce lundi, Mathieu Herondart, aujourd’hui conseiller d’Etat, a considéré que les décrets publiés discrètement par le gouvernement pour élargir le fichage ne portaient pas « une atteinte disproportionnée » à la liberté d’opinion, de conscience et de religion ou à la liberté syndicale.
VIA – la Voie du Peuple – et Liberté Politique avaient saisi le Conseil d’État mais le référé a donc été rejeté. Le gouvernement Castex rend possible la collecte par l’État de données sur les opinions politiques, philosophiques et religieuses de Français jugés a priori menaçants pour la sécurité publique. Pour justifier son rejet, le Conseil d’État argumente en considérant que ces décrets ne viennent que compléter l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 qui autorise le traitement des données relatives « à des activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales ». Or, comme indiqué, il s’agit là de données liées à des actions et non à des présupposés.
Devant ce qui s’apparente à une esquive juridique de pure forme, ne prenant pas en compte la gravité des conséquences des décrets incriminés sur les libertés fondamentales des Français, VIA | la Voie du Peuple et son président Jean-Frédéric Poisson décident de ne pas lâcher le combat juridique et de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Sur l’affaire des fiches au début du XXe siècle, Thérèse Puppinck vient de publier un article sur l’emballement de la surveillance étatique, qui avait abouti à une crise politique :
Le scandale est immense, les rebondissements et les révélations se succèdent pendant plusieurs mois. Jean Guyot de Villeneuve, pour maintenir la pression sur le gouvernement, communique au compte-goutte les fiches à la presse. Combes refuse de sanctionner les fonctionnaires, officiers ou civils, qui avaient participé à ce système de délation et de violation de la vie privée. Son obstination eut finalement raison du gouvernement qui tombe au début de l’année 1905. Si le nouveau cabinet ministériel condamne officiellement le fichage et entreprend une politique d’apaisement, il refuse lui aussi de sanctionner les délateurs. Plus grave encore, il poursuit le système des fiches en s’appuyant désormais uniquement sur les renseignements fournis par les préfets.
Ce n’est qu’en 1913 que le nouveau ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, met fin à ce système. Pour la petite histoire, Millerand s’était publiquement indigné, en 1904, de ce fichage, ce qui lui avait valu d’être exclu de la franc-maçonnerie. Sur le plan militaire, l’affaire des fiches aura de lourdes conséquences dans un contexte de tensions internationales croissantes. La délation entre officiers détruisit l’esprit de corps et créa au sein de l’armée une ambiance délétère. Pendant ces treize années de discriminations religieuses et politiques, de nombreux officiers obtinrent un avancement spectaculaire et injustifié, pendant que d’autres étaient écartés en dépit de leur valeur militaire. Ces injustices ne furent pas réparées et, en août 1914, un certain nombre d’officiers occupaient des postes qui, clairement, ne correspondaient pas à leur capacité. Pour les spécialistes d’histoire militaire, l’affaire des fiches explique en partie la promotion fulgurante de plusieurs dizaines d’officiers supérieurs, et le limogeage de plus de 150 généraux incompétents, dès les premiers mois de la guerre. »
Par Michel Janva le 6 janvier 2021
Site source :