France : les gilets jaunes ne sont pas l’expression d’une révolution
mais d’un mouvement en vue d’une “restauration nationale”
mais d’un mouvement en vue d’une “restauration nationale”
Le mouvement de révolte des "gilets jaunes" traduit une crise majeure et multiforme de la société française, résultat de dizaines d’années de politiques désastreuses pour la France et les Français. Ce mouvement témoigne en effet d’une crise des institutions de la république, d’une crise de la démocratie représentative, d’une crise économique et sociale, d’une crise morale et spirituelle. C’est pourquoi, elle ne saurait être éludée, c’est pourquoi aussi les mesures ponctuelles d’ordre pécuniaire prises en décembre 2018 par le gouvernement et le président actuels ne suffiront pas à en éteindre les causes.
On ne peut pas fonder durablement de société prospère et juste sans Dieu et sans respect de ses lois. On ne peut pas chasser le Dieu annoncé par le Christ de la société française et de l’espace public sans conséquences graves, car la France issue du baptême de Clovis, qui s’est développée avec le catholicisme, ne survivra pas longtemps sans lui. La révolution française, pour l’avoir oublié, a sombré dans la terreur et le génocide d’une partie de la population française. Aujourd’hui se trouve à nouveau posée la question sociale, mais aussi la question de la foi dans un Etat à prétention totalitaire qui nie le Dieu de nos pères. Le refus d’admettre des crèches dans l’espace public est une illustration de ce laïcisme militant, agressif et destructeur de nos racines.
Les politiques menées depuis des décennies pour affaiblir l’institution familiale en sont un autre exemple. Aujourd’hui les divorces frappent tant de foyers, conduisent au déclassement social, à la pauvreté de nombreuses familles dites "monoparentales" et jettent même à la rue bien des conjoints chassés de leur domicile ; quant eux enfants, ils sont eux-mêmes trop souvent fragilisés dans leur développement.
Plusieurs articles vous sont ici proposés afin de contribuer à votre propre réflexion personnelle sur ce sujet de la grande révolte des "gilets jaunes" et sur l’avenir de la France, aujourd’hui posé.
Guy Barrey
D’Hervé Bizien « :
Voilà longtemps qu’en France la protestation contre l’abus d’impôts est à l’origine des révolutions. Pour l’avoir oublié et n’avoir ni mesuré, ni compris le malaise des Français, Emmanuel Macron est aujourd’hui confronté à une insurrection. Sa renonciation à la hausse des taxes et l’annonce qu’il a faite de quelques mesures bien ciblées mais uniquement financières viennent trop tard. Sa réponse est déjà dépassée car la colère du peuple français exprime aujourd’hui, plus profondément, un rejet des prétendues élites qui ont conduit à la situation actuelle, dirigeants politiques, partis et syndicats mêlés, et pose désormais explicitement la question des institutions. Les gilets jaunes viennent de milieux sociaux et professionnels variés et la plupart d’entre eux n’ont pas d’opinions politiques définies ; mais rien n’interdit d’en avoir. Gilet jaune parmi les autres, il me paraît qu’une monarchie restaurée répondrait à un certain nombre des attentes qu’ils formulent aujourd’hui.
Les Français ne font plus confiance aux partis politiques
Or, la monarchie traditionnelle s’oppose à la division des Français en partis. Au contraire, le roi, incarnant l’unité nationale, se place au-dessus des factions. Pour donner la parole au vrai peuple sans que les partis confisquent à leur profit la représentation nationale, il ne serait même pas besoin de créer une nouvelle institution, il suffirait d’en réaménager une qui existe déjà : le Conseil économique et social, créé par le général De Gaulle à une époque où le fondateur de la Ve République envisageait, lui aussi, d’échapper au carcan partisan. Cette institution, qui ne peut jouer aucun rôle véritable tant que les partis continuent à contrôler la vie politique française, s’est rapidement transformée en une « assiette au beurre » qui sert aux gouvernements à récompenser leurs clients politiques et à subventionner des syndicalistes. Mais dans un autre contexte politique, la composition du Conseil économique et social, où siègent des délégués élus des associations familiales, des salariés, des chefs d’entreprises, des professions libérales, des artisans, des agriculteurs et du secteur associatif, autrement dit du corps social, serait beaucoup plus représentative du pays réel que ne l’est aujourd’hui l’Assemblée nationale, qui fait la part belle aux partis politiques et aux professionnels de la politique. Les représentants des 36 000 maires de France et des collectivités territoriales pourraient également y siéger, si le Sénat n’était pas maintenu dans ce nouveau cadre institutionnel. Ce Conseil économique et social rénové pourrait utilement conseiller le roi et collaborer avec lui à l’élaboration des lois, à la place de l’Assemblée nationale.
Les Français rejettent le mondialisme et marquent leur attachement à la nation
Si Emmanuel Macron et son ministre de l’Intérieur avaient espéré que les Gilets jaunes piétineraient la flamme du soldat inconnu sous l’arc de Triomphe le 24 novembre, c’était raté : les manifestants ont chanté la Marseillaise agenouillés devant la tombe. Cette marque de patriotisme a manifesté l’attachement des Français à leur nation, par contraste avec la pauvreté des célébrations du centième anniversaire du 11 novembre. Aux yeux de l’actuel président de la République, en effet, l’identité de la France et son histoire doivent s’effacer devant la construction d’une Europe supranationale et les nécessités de la mondialisation. L’adhésion au pacte mondial des nations unies sur les migrations, entériné à Marrakech par le secrétaire d’État aux Affaires étrangères au nom du gouvernement français et d’Emmanuel Macron, en pleine crise des Gilets jaunes, a encore souligné ce divorce entre le président et le peuple. Sans tourner le dos à l’Europe – les monarchies européennes sont aussi une affaire de familles –, le roi de France serait au contraire garant de la souveraineté et de l’identité françaises, ainsi que de l’intérêt national qui se confond avec celui de la dynastie. En outre, le caractère traditionnellement chrétien de la monarchie française, en rappelant la primauté du christianisme dans l’histoire et la civilisation françaises, tout en respectant une conception ouverte de la laïcité et la liberté religieuse des Français non croyants ou de confessions différentes, apporterait une réponse au problème posé par l’installation récente d’une forte communauté musulmane dans notre pays.
Les Français rejettent le parisianisme et souhaitent que la « France des périphéries » soit reconnue
La monarchie est par essence décentralisatrice. Ayant construit la France, bien avant 1789, elle est la mieux placé pour respecter la nature profonde de notre pays. Il faut revenir sur le découpage des régions aberrant auquel ont procédé les socialistes sous François Hollande (dont Emmanuel Macron était le ministre de l’Économie) et revenir aux provinces historiques basées sur les réalités géographiques locales et régionales. Contrairement à ce que prétendait Eric Besson, le ministre de l’Identité nationale de Nicolas Sarkozy, la France n’est pas « un agrégat de peuples désunis », mais une fédération de peuples réunis au fil des siècles par l’intelligence politique des rois de France et qui constituent une nation à la forte cohésion. Ce sont la cohésion et la continuité de l’État républicain qui ne sont garanties que par l’Administration, dont les agents sont inamovibles. C’est pourquoi la République est essentiellement jacobine. Les Conseils économiques et sociaux régionaux, composés sur le même modèle que le CES national, pourraient devenir les outils qui permettraient de restaurer les franchises et libertés des provinces de France, en les dotant de vrais pouvoirs de décision politique. Ceci permettrait aux représentants élus du « peuple réel »d’incarner cette France des territoires abandonnée par les élites parisiennes depuis desannées, et ignorée des radars médiatiques. La première mission de ces conseils pourrait être de faire des propositions pour rééquilibrer le développement de notre pays en tournant le dos au concept du « tout pour les métropoles ».
Les Français refusent de confier la défense de leurs intérêts aux syndicats institutionnels et aspirent à ce que soient suscités des corps intermédiaires qui les représentent vraiment
Les corps intermédiaires : communautés naturelles ou de destin : familles, collectivités locales, organisations professionnelles, associations, chambres de métier ou d’agriculture, etc., font écran entre l’État et les personnes et protègent les libertés publiques. Leur libre développement doit être encouragé en conséquence et ne plus être freiné par des réglementations tatillonnes. Les Gilets jaunes ont clairement refusé d’être représentés par les syndicats institutionnels, auxquels ils ne font pas plus confiance qu’aux partis politiques. En France, 11 % des actifs seulement sont syndiqués, contre 23 % en moyenne dans l’Union européenne. En outre, l’appartenance à un syndicat est beaucoup plus forte dans le secteur public, dont les salariés bénéficient de la sécurité de l’emploi, que dans le privé, qui n’en bénéficie pas. Les Français ont compris que les organisations professionnelles marchent la main dans la main avec l’État, qui décide de leur représentativité et les subventionne largement. Or, qui paie commande ! Le nécessaire rétablissement d’un authentique syndicalisme en France, privilégiant l’intérêt commun autour de l’entreprise et la recherche de la justice sociale, suppose qu’il soit libéré de cette tutelle effective de l’État et se mette au service des salariés, à commencer par ceux du secteur privé. Ce n’est qu’à cette condition que les syndicats retrouveront la confiance des Français.
Les Français veulent pouvoir vivre de leur travail. Ils ne demandent pas davantage d’« État-Providence », mais plus de justice sociale
La formule de Georges Pompidou, « Arrêtez d’emmerder les Français », est plus actuelle que jamais. Interdictions, surveillance, réglementations exaspérantes et taxes s’accumulent et rendent la vie quotidienne de la population française de plus en plus difficile. Les petites et moyennes entreprises n’y échappent pas, souvent accablées sous le poids des normes nationales et européennes. Nos compatriotes ont le sentiment que leurs libertés sont bridées, et leur revenu confisqué pour remplir le tonneau des Danaïdes étatique. Les classes moyennes, en particulier, sentent leur niveau de vie se dégrader et le fameux « ascenseur social » est en panne. L’État-Providence, qui vit depuis des années à crédit (mais pour combien de temps ?), multiplie également les impôts et les taxes (la France est championne du monde des prélèvements obligatoires) et promet comme toujours des aides aux plus démunis, censées servir de paratonnerre à la colère qui monte. Mais les Français ont compris que cette « Providence » n’est providentielle qu’avec l’argent qu’elle leur prend et qu’elle leur prendra de plus en plus car le taux de l’argent va un jour remonter et qu’il faudra bien aussi commencer à rembourser nos créanciers. Ils ne demandent pas davantage d’assistanat, mais de pouvoir jouir normalement des fruits de leur travail. C’est la vraie justice sociale, dont l’État doit être le garant, sans prétendre l’organiser à la place des Français. Elle s’oppose à l’injustice qui consiste à essorer la classe moyenne, tout en consentant des libéralités aux très riches, pour nourrir le Moloch étatique, qui dévore les richesses créées par les Français sans pour autant cesser de creuser le déficit et la dette publics. La figure populaire du roi saint Louis reste le plus beau symbole de justice sociale dans notre histoire. »
Source : le salon beige
2e article :
« La première cible de la manifestation était l’arrogant président français qui, dans son discours à la nation du 10 décembre, a dû reconnaître l’échec de sa politique.
Mais Macron est la personnification du pouvoir technocratique européen et son échec est aussi l’échec des mesures économiques et sociales imposées à la France par les eurocrates.
Les vainqueurs politiques du bras de fer sont pour l’instant les partis politiques vaincus aux élections présidentielles de 2016. Le Rassemblement National de Marine Le Pen et La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, qui avaient obtenu au premier tour 47 % des voix contre 24 % de Macron et avaient ensuite perdu au deuxième tour, prennent aujourd’hui leur revanche.
Le mot d’ordre de ces partis, rappelle Eric Zemmour, était “souveraineté” : « Souveraineté de la nation et souveraineté du peuple. Souveraineté de la nation contre l’oligarchie européenne. Souveraineté du peuple contre les élites françaises qui l’ont bradée » (Le souverainisme à deux visages, in Le Figaro, 6 mai 2016). Aujourd’hui, selon les sondages, l’appel à la souveraineté est partagé par plus de 60 % des Français, comme en Italie où le même pourcentage d’électeurs soutient le gouvernement du Premier ministre Giuseppe Conte. De nombreux observateurs ont souligné les similitudes entre les revendications des gilets jaunes et l’accord du gouvernement Ligue-Cinq Etoiles. Les premiers sont à l’opposition, les derniers au gouvernement, mais les élections européennes sont à nos portes et pourraient changer d’horizon politique, à commencer par la France.
Un autre mot résonne à côté de celui de souveraineté : “populisme”. La traditionnelle bipolarité gauche-droite semble être remplacée par la dichotomie peuple-élites. La nouvelle opposition dialectique est théorisée à la fois par l’ancien conseiller de Trump, Steve Bannon, et par le politologue cher à Poutine, Aleksandr Dugin, qui a proclamé : « Aujourd’hui, il n’y a plus de droite ni de gauche : il n’y a que des gens contre l’élite. Les “gilets jaunes” créent une nouvelle histoire politique, une nouvelle idéologie ».
Mais la dichotomie droite et gauche a-t-elle vraiment disparu ? Et la nouvelle dialectique peuple-élites est-elle une alternative authentique à la précédente ?
Du point de vue historico-politique, les deux concepts sont nés avec la Révolution française qui a marqué la fin de la civilisation chrétienne et la naissance d’un espace politique “profane”. Lorsque les États généraux se réunissent à Versailles en 1789, l’État monarchique français se caractérisait par une société tripartite. Au sommet se trouvent le clergé et la noblesse, à la base le tiers état. Après la dissolution des États généraux, les défenseurs du trône et de l’autel se retrouvent à droite et les libéraux et républicains à gauche. Les premiers défendent les classes supérieures, les derniers le peuple, qui est “en dessous”. Les deux métaphores, verticale et horizontale, sont étroitement liées. Au cours de son histoire, la gauche a toujours fait du peuple le sujet exclusif de la vie politique de la nation, en proposant une conception de la souveraineté opposée à la conception traditionnelle. Pour Rousseau et pour l’abbé Sieyés, pères intellectuels de la Révolution française, la souveraineté réside infailliblement dans le peuple qui ne peut en aucune manière aliéner son pouvoir, le déléguer ou le partager. Un historien de renom tel que George Mosse (1918-1999) a souligné que les “cultes” aberrants de la Révolution française n’étaient que la preuve générale de l’adoration de la “volonté générale” par les totalitarismes modernes.
Or l’histoire n’a jamais été faite par le peuple mais toujours par des minorités. Les minorités ont fait la révolution française et le Risorgimento italien : une minorité a fait la révolution bolchevique, une minorité a fait Mai soixante-huit et une minorité dirige le mouvement apparemment acéphale des gilets jaunes.
Le rôle des minorités dans la gouvernance de la société a été souligné par tous les grands maîtres de la pensée politique, de Platon à Aristote en passant par l’école moderne de science politique, née en Italie au début du XXe siècle avec Gaetano Mosca, Vilfredo Pareto, Roberto Michels. En étudiant la politique comme une “science”, cette ligne de pensée a montré que, dans toutes les sociétés humaines, l’orientation politique de la société est toujours affirmée par une minorité organisée, qu’ils définissent comme une élite.
Le mot “élite” est la transcription moderne de “aristocratie” qui signifie, étymologiquement, le gouvernement des meilleurs. Lorsqu’une classe dirigeante devient corrompue, elle devient une oligarchie, financière, partitocratique ou autre, mais toujours caractérisée par la poursuite égoïste d’intérêts personnels ou d’un certain groupe. Au contraire, l’élite est une classe dirigeante qui subordonne ses intérêts à ceux du bien commun de la nation. Comme le souligne Plinio Corrêa de Oliveira, ce qui caractérise une élite, c’est la disposition à sacrifier ses propres intérêts pour servir le bien commun, l’intérêt primordial de la société (Noblesse et élites traditionnelles analogues dans les allocutions de Pie XII au Patriciat et à la Noblesse romaine, Albatros 1993). Pie XII appelle la noblesse à être « une élite non seulement du sang et de la race, mais encore plus des œuvres et des sacrifices, des réalisations créatrices au service de toute la communauté sociale » (Discours au Patriciat et à la Noblesse romaine du 11 janvier 1951).
Après la chute des totalitarismes communiste et nazi, la démocratie représentative, apparemment victorieuse, est sur le point de s’effondrer définitivement. Ce qui s’est passé au cours des deux derniers siècles et qui s’est accentué au cours des vingt dernières années, est un processus de “pyramidisation” de la société qui a vu le remplacement des élites traditionnelles par des nouvelles oligarchies. En 1995, Christopher Lasch publia un essai posthume consacré à La révolte des élites et à la trahison de la démocratie (Flammarion 2007), dans lequel l’historien américain accusait la nouvelle élite d’avoir trahi les valeurs de l’Occident, en s’enfermant dans un environnement artificiel et globalisé, loin des vrais problèmes de société.
L’anti-élitisme qui caractérise également la pensée de Noam Chomsky est cependant un point fort de la gauche.
Yves Mamou, dans Le Figaro du 4 décembre, déclare que les gilets jaunes ne sont pas une révolution, mais un mouvement de “restauration nationale” contre la révolution imposée au cours des 30 dernières années par les élites politiques, économiques et administratives. L’analyse est juste si l’on parle d’une certaine âme de la protestation, mais en réalité celle-ci a au moins deux âmes : une de droite et une de gauche. La première incarne la vraie France, la France paysanne, les artisans, les commerçants, les professionnels, les soldats, la France de la richesse réelle, qui est avant tout une richesse morale car fondée sur le sacrifice et sur un patrimoine de valeurs communes.
La seconde est la France de la haine sociale, qui descend directement de la Révolution française. Le rêve est celui de la démocratie directe des jacobins, des anarchistes et des trotskystes qui cherchent leur revanche après l’échec de l’Etat bureaucratique marx-léniniste. Deux âmes qui se rejoignent en un carré “souverainiste” et “populiste”, devant lesquelles, cependant, un autre carré affûte ses armes dans l’ombre.
Les immigrants de première, deuxième et troisième générations sont restés absents d’une révolte qui a pour objectif le rejet de l’immigration, mais ils ne resteront pas silencieux longtemps. À l’avenir, le scénario qui voit en tant que protagonistes les gilets jaunes semble devoir se recouper avec celui évoqué par Laurent Obertone dans son roman visionnaire Guerilla : Le jour où tout s’embrasa (Ring 2016). Alors que la Ve République montre sa vulnérabilité, les places prêtes à exploser en France sont désormais deux : la place multiculturelle et la place souveraino-populiste. Et si la France explose, l’Europe explose. (Roberto de Mattei) » »
dans Religion Catholique — par Marion Duvauchel — 18 décembre 2018
« Toute colère, juste ou injuste, a un fondement dans une requête de justice. Cette requête elle-même peut-être juste comme injuste. Cette question de la justice est au coeur de la nature humaine, et elle est fondée sur un axiome élémentaire : on ne peut avoir une notion juste de la justice sans être mu par la foi, ou par une foi. Il faut que la justice s’enracine quelque part, faute de quoi elle est remplacée par toute une bibliothèque et un arsenal de textes juridiques.
La « foi » musulmane conduit à la justice de la charia, c’est à dire à une abomination. Thomas d’Aquin a expliqué ce principe de la Loi avec la lumineuse rigueur qui est sa marque de fabrique : pour établir une loi, les législateurs considèrent les conditions générales ; or ce qui est soumis aux lois, ce sont les actes humains qui portent sur des situations singulières qui peuvent varier à l’infini. La loi est donc par essence, imparfaite et dans certains cas, son observance serait contraire à la justice et au bien commun que la loi entend sauvegarder. Le bien consiste alors à transgresser la lettre de la loi pour rester fidèle à l’esprit de justice et à l’exigence du bien commun.
Notre droit est aujourd’hui déraciné de toute idée de justice. Car la Justice est conduite par une foi, entendue non pas comme fidélité à la lettre (comme l’islam, qui est fidélité à la lettre du Coran), mais fidélité à un Dieu et à une Parole, enrichie de toute une tradition de réflexion.
La « foi » du socialisme réel, que Pie XII avait jugé intrinsèquement pervers, cette foi que la Russie a prétendu imposer, pour son malheur et celui des peuples soumis à son joug, a conduit au goulag, à la famine, à la déportation des peuples du Caucase, à des souffrances sans nom : des millions de destins broyés dans la meule de l’Histoire. Nous avons assisté à la chute de cette foi meurtrière, et nos hommes politiques ne pardonnent pas à Vladimir Poutine d’avoir enraciné de nouveau cet immense pays dans la foi ancienne.
La « foi » dans le libéralisme économique à l’américaine conduit quant à elle à une exploitation universelle des peuples, et à leur mise en esclavage.
Le discernement de la vérité de la foi est une question qui devrait être cruciale pour chaque être humain. Parce que c’est cette foi qui va gouverner notre justice, et donc nous déterminer largement dans nos choix humains, dés lors que ces choix humains ont pour horizon la recherche du Bien.
C’est ce que l’oecuménisme militant de l’Eglise catholique a oublié. En mettant sur le même plan les autres religions, il a rogné ce « présupposé » théologique de la vérité de la foi catholique. Il a semé le doute dans le coeur des fidèles : si l’islam est la troisième religion, sur le même plan que la mienne, alors sa validité est comparable à la « foi » catholique. Alors je peux douter de la Parole. On a ainsi donné une solide assise et une formidable audience à ce relativisme religieux qu’on fait par ailleurs semblant de déplorer.
La première urgence n’est donc pas d’organiser de vains débats dans nos paroisses dévastées, où ils seront organisés de toute manière par les hommes des diocèses, laïcs dans la mouvance et la droite ligne du parti, dont certains occupent ces emplois salariés destinés à promouvoir les « pastorales » en usage. Ces pastorales du chien crevé au fil de l’eau, de l’aller au monde auxquelles on prétend substituer aujourd’hui les pastorales du grand débat généralisé. Le frottement des opinions n’a jamais fait de la lumière. La première urgence est de proclamer la foi chrétienne qui conduit à la justice des dix commandements et au-delà même, à l’amour des ennemis.
Cet amour ne se confond pas avec les affects que nous sommes continuellement invités à éprouver pour un prochain le plus souvent imaginaire et fantasmé. Jusqu’à ce qu’il arrive à nos portes et qu’on réalise qu’il faut le nourrir, le loger, le soigner et que cela va alourdir encore la dette fabuleuse qui hypothèque paraît-il notre pays et l’avenir de nos enfants.
L’amour des ennemis n’implique pas d’accepter leurs idées quand on les croit fausses et dangereuses. Aimer les ennemis dans la justice n’entraîne pas qu’on les laisse faire n’importe quoi, – tuer, prêcher la haine, construire des mosquées, voiler leurs filles et les marier sans leur consentement, humilier et contraindre leurs femmes, et parfois violer les nôtres – il faut les combattre justement, sans haine, en vue d’abord de les empêcher de nuire et de nuire à celles que ces structures religieuses emprisonnent sans rémission ni espoir.
Et puis aussi, en vue qu’il se convertisse à la véritable justice.
D’après saint Thomas d’Aquin, il y a une charité politique qui dépasse et de loin les sentiments individuels de compassion, et qui ne s’y réduit surtout pas. Or, ces affects compassionnels sont proposés comme l’unique modalité de l’amour du prochain.
L’apostasie d’une grande partie du clergé consiste aujourd’hui à proposer et à diffuser un discours social compatissant, inconsistant, doucereusement culpabilisant, fondé sur des affects qu’on nous somme d’éprouver, Evangile à l’appui, ou en convoquant la presse et l’actualité. Pas le moindre appel à la conversion véritable – ou si peu et quasiment toujours noyé dans ces bons sentiments obligatoires. Cette conversion véritable consiste à se tourner ensemble vers la divinité. Car comment pouvons-nous être frères si nous n’avons pas le même Père, si nous n’obéissons pas au même Dieu, aux mêmes Lois données – les dix commandements –, et ultimement à la même Loi : celle d’aimer. D’aimer dans la justice et dans la vérité. Ce qui implique, si l’on est disciple de Jésus Christ, de se tourner vers lui et son Père avec le secours de l’Esprit Saint. Car qui peut aimer son ennemi sans un secours particulier ? Qui peut aimer ceux qui ont détruit, tué, saccagé, violenté, menti, triché, escroqué, exploité, pillé et ceux qui spolient et asservissent en accablant d’impôts enveloppés dans des discours délibérément mensongers ? Il convient de souligner l’importance du langage utilisé. Il y a une tromperie profonde et un énorme mensonge dans cette façon d’appeler à la fraternité en oubliant qu’il n’y a de « frères » que s’il y a un « père » commun. Chaque fois que nous allons prier avec des musulmans, nous ne faisons pas un rituel de fraternité, nous allons prier avec nos ennemis en donnant à croire qu’ils sont des frères, et que nous avons le même Père. Mais alors qui prie Qui ?
Il en découle une chose qui est un impératif catégorique, une exigence souveraine : enseigner, enseigner et enseigner ! La doctrine de l’Eglise n’est pas réservée aux spécialistes, aux séminaristes, aux bourgeois cathos et aux Instituts de philosophie. Ce mépris du peuple est totalement insupportable. L’Eglise dispose d’un important corpus de doctrine. Elles touchent en particulier la destination universelle des biens de cette terre et le droit de propriété.
Quand est-il possible d’entendre l’enseignement des dix commandements dans la bouche des évêques ? Quand est-il possible de les entendre rappeler ces questions essentielles ? Quand dénoncent-ils les mensonges des uns et des autres, ce qui est le corollaire de tout enseignement véritable ? Où entent-on un seul Evêque, doctrine sociale de l’Eglise à l’appui, appeler un chat un chat et la classe « bobo » une classe d’exploiteurs et de voleurs, (et une classe solidement organisée). Il n’y a pas une note de justice ni de foi dans les « sauvons la planète », il n’y a que du bavardage opportuniste, relayé dans les diaconies démagogues. Dans certains diocèses on a même mis en place des formations à l’écologie planétaire, auprès de publics qui n’ont même plus une idée claire de la Trinité, enseignement qu’on se gardera bien de leur donner.
Pourtant, l’exploitation sociale est telle aujourd’hui qu’on exproprie les gens de leur propre travail et de leur gestion vertueuse (plus d’économies ni d’héritage). On transforme ainsi la multitude en esclaves. Et ces esclaves espèrent profiter à leur tour du système, en imitant les grands profiteurs. Tous, dans une méchanceté unanime, détruisent ainsi le bien commun. La singerie ultime vise à parvenir à une sorte d’unanimité (une seule âme), mais par ce qui détruit l’âme précisément, dans un grand suicide collectif, comme le désire le Père du mensonge, homicide dés le principe. C’est ce qui nous est proposé dans la folie grandiose – et tragique – du mondialisme, hubris des hubris qu’eussent condamné sans hésitation les Grecs anciens.
Le problème des évêques est simple : officiellement ils ne professent plus la Foi. Cela n’a rien d’une folle exagération. Il suffit de lire la toute récente proposition des Evêques de France face à cette insurrection populaire des gilets jaunes. Nous n’avons pas à juger ou à préjuger du for interne qui ne regarde que la conscience personnelle et le jugement de Dieu, mais il suffit d’écouter les discours épiscopaux et jusqu’à certains discours du pape : ce n’est pas la Foi qui y est proclamée, c’est le compromis avec le monde. La Foi chrétienne, qui est assentiment de l’intelligence à la vérité révélée, suppose une constante référence à cette vérité révélée, et non aux dogmes du réchauffement climatique dont le caractère scientifique est strictement impossible à établir et qui sont exploités pour renforcer l’esclavage généralisé, en affolant et en culpabilisant, on en jouant sur les ressorts les meilleurs de braves gens qu’on a saturé de mensonges médiatiques.
Comment les chrétiens peuvent-ils encore croire à la Résurrection quand l’Evêque émérite d’Amiens exprime publiquement ses doutes sur ce dogme ? Il faut espérer qu’il croit au moins en le pardon des péchés car il ne lui resterait plus alors qu’à faire comme Judas.
Certains de nos Evêques ne croient plus vraiment à la divinité de Jésus, à son enseignement, à ses miracles… Ils ont fabriqué en lieu et place une religion à l’eau de rose où il s’agit d’être bien consentant à la puissance du monde.
Aujourd’hui qu’une partie de la population se révolte contre ces Puissances du monde, (dans une requête collective de justice qui s’exprime à travers des requêtes sociales d’une grande diversité) ils frémissent et appellent au calme. Ils n’appellent pas à revenir à Jésus, ils n’appellent pas les laïcs formés à s’engager pour un vaste projet d’enseignement, ils appellent à débattre pour réfléchir sur une vision commune.
Messieurs les Evêques de France, il n’est sans doute plus temps pour cette civilisation que nous voyons mourir et s’effondrer sous nos yeux. Mais nous pouvons et devons jeter les semences de vie pour la nouvelle efflorescence de la seule vraie nouveauté : l’Evangile. C’est notre dignité de baptisé, c’est notre honneur de chrétien, notre accomplissement d’homme ou de femme, notre justification existentielle et c’est notre gloire éternelle en Jésus Christ.
Et c’est aussi la vôtre. Il est temps encore… »
Marion Duvauchel
Professeur de philosophie
Source :