« Le formidable Monsieur Poisson et ses 4 différences de fond avec les autres candidats de la primaire : la France a fait collectivement fausse route dans l’interprétation de la loi de 1905 qui est d’abord une loi de négociation et de garantie de liberté religieuse »
Petit Poucet médiatique de cette primaire de la droite et du centre, Jean-Frédéric Poisson a surpris bon nombre d’observateurs lors du débat télévisé réunissant les sept candidats. Or, sur bien des sujets, le président du parti chrétien-démocrate se distingue assez nettement de ses concurrents
Le premier débat réunissant les sept candidats de la primaire de la droite et du centre a mis en lumière certaines différences entre vous et les autres candidats appartenant tous au parti Les Républicains. Sur la question de l’interdiction du burkini et de l’interprétation de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État, quelle est votre position précise ?
Je pense que la France a fait collectivement fausse route dans l’interprétation de cette loi. La loi de 1905 est d’abord une loi de négociation et de garantie de liberté religieuse. Elle a accouché dans la violence, et l’on entend régulièrement que si les chaînes d’information en continu avaient existé à l’époque, elle n’aurait certainement pas été votée. Cela étant dit, elle garantit les manifestations de liberté religieuse dans l’espace public. Dans la loi de 1905, l’État est neutre, mais l’espace public ne peut pas l’être.
La laïcité à la français stipule clairement que l’État ne reconnaît et ne finance aucun culte, mais qu’il garantit par ailleurs la possibilité pour chaque citoyen de croire ou de ne pas croire. Enfin, ceux qui croient doivent pouvoir l’exprimer pacifiquement dans l’espace public de la manière qu’ils souhaitent, sous réserve que cette manifestation de croyance ne vienne pas troubler l’ordre public.
Cela signifie que celui qui veut porter une kippa, un voile, une croix, une colombe, doit pouvoir le faire tranquillement sans être ennuyé par quiconque. C’est la raison pour laquelle je pense que le fait de vouloir commencer à interdire sans motif particulier – simplement sur la base d’une suspicion de provocation – nous fait entrer dans une logique de police du vêtement, qui n’est pas l’esprit de la loi. Je ne veux donc pas qu’on en vienne à interdire des libertés fondamentales.
C’est pourquoi je ne comprends pas que certains arrêtés anti-burkini aient été pris cet été dans des communes françaises, sauf dans les cas (temporaires) où les maires de commune ayant constaté des troubles à l’ordre public à l’occasion de manifestation de cette nature décident d’interdire momentanément le port de ces vêtements. Quand les troubles à l’ordre public sont constatés et qu’à titre curatif les maires veuillent rétablir l’ordre de manière efficace, je peux le comprendre. Mais l’interdire par principe dans la loi, je ne l’accepte pas.
Sur la question du mariage pour tous, plusieurs de vos concurrents semblent hésiter, ou ont même changé d’avis sur le sujet. Quelle est la position que vous défendez personnellement ?
Je défends l’abrogation pure et simple de la loi.
C’est pour moi une question de principe : je considère que la loi Taubira rompt avec le principe d’organisation de notre société qui inscrit dans le droit la différence des sexes. Si vous souhaitez un exemple, il n’y a qu’à regarder la loi sur la constitution des listes électives en matière de parité. Si ce n’est pas l’incarnation dans le droit d’une différence des sexes, je ne sais pas ce que c’est.
La loi Taubira affaiblit selon moi l’institution matrimoniale dans la mesure où le mariage devient un simple contrat, alors que c’est aussi – en plus d’un contrat – une institution.
Troisièmement, cette loi a un impact très négatif sur les enfants dans la mesure où elle prive un certain nombre d’enfants de l’accès à leur filiation biologique masculine et féminine. Or, se construire personnellement en ignorant ses racines est affreusement compliqué. Je ne suis pas en train de dire que les couples homosexuels sont incapables d’éduquer les enfants qu’ils élèvent, ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est l’image que l’on donne de l’accès à sa filiation dans une société moderne. Les conséquences de la loi Taubira sur les mères porteuses sont telles que, mécaniquement, un jour ou l’autre, vous irez vers la légalisation des mères porteuses. C’est impossible autrement. Tant que ce mariage figurera dans le droit français, vous ne pouvez pas vous en sortir.
Je ne vois donc pas comment je m’accorderais avec la possibilité d’un principe qui est aussi mauvais. Certains de mes concurrents souhaitent réécrire la loi, ce qui signifie en substance s’accommoder du principe. Je comprends beaucoup mieux la position de Bruno Le Maire ou de Nathalie Kosciusko-Morizet qui n’ont jamais changé d’avis et qui ne sont pas défavorables au principe de cette loi. Les autres ont changé bien souvent d’avis, sur la filiation ou le principe du mariage en tant que tel, et je ne peux le comprendre. »