Gilles-William Goldnadel : « La haine décomplexée envers les catholiques »

mardi 28 décembre 2021
popularité : 5%


Gilles-William Goldnadel : « La haine décomplexée envers les catholiques »



« « Cette phobie sans finesse ni aménité est réservée à la religion du vieux peuple » Goldnadel. JOEL SAGET/AFP

FIGAROVOX/CHRONIQUE - Le 8 décembre, une trentaine de fidèles de la paroisse des Fontenelles a fait l’objet de menaces de mort et d’insultes, en raison de leur foi. L’avocat regrette le silence d’un certain nombre de médias lorsqu’il s’agit de porter atteinte aux catholiques.

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il publie ce mois-ci Manuel de résistance au fascisme d’extrême-gauche (Nouvelles éditions de Passy).

Quelle étrange farine, quelle méchante levure fait le mauvais pain cathophobe quotidien ? Qu’on permette à un Juif se remémorant avec des souvenirs mélangés l’Église en majesté tout en regrettant son déclin avec chagrin d’en dire la recette.
Le 8 décembre, des catholiques pacifiques en procession ont été méchamment pris à partie dans les rues de Nanterre aux cris symptomatiques de « Vous n’êtes plus chez vous ». Si les deux Figaro, les télévisions privées et les réseaux sociaux s’en sont émus, Le Monde, Libération pas plus que l’audiovisuel public n’en ont fait un drame. On remarquera, par comparaison, qu’ils ont traité médiatiquement autrement plus généreusement cette peinture au pochoir sur le drame algérien qu’un artiste de rue avait réalisée sur la porte d’un garage, maltraitée par un inconnu.

Mais ce sont les deux étranges cadeaux de Noël offerts aux catholiques français par Le Monde et Libération qui m’incitent à la réflexion.

La même semaine, à deux jours de distance, les deux journaux bien à gauche - pour demeurer aimables - se sont sentis dans l’ardente obligation de guerroyer contre les chanoines de l’abbaye de Lagrasse dans l’Aude, dont j’ignorais jusqu’à l’existence, je le confesse.

Commençons par Le Monde . Deux journalistes que je ne connaissais pas d’avantage ont uni leurs efforts pour d’abord faire un sort à Alexis Brezet, directeur des rédactions du Figaro qui, si on les comprend bien, a eu le front de s’engager personnellement dans l’association destinée à trouver des donateurs pour restaurer cette abbaye où Arnaud Beltrame était venu fortifier son âme. Plus grave sans doute, le « quotidien de droite » et Le Figaro Magazine ont eu l’audace de « suivre de près l’actualité des chanoines, leur offrant une médiatisation sans rapport avec leur importance réelle au sein de l’Église catholique ». On ne savait pas la pratique de devoir sonder les reins catholiques avant que de décider d’un article.

On ne juge pas trop catholique sa publication des ouvrages du cardinal Sarah et on ne saurait donc lui apporter un pardon trop chrétien.

Gilles-William Goldnadel

Un autre ami des chanoines, victime collatérale de l’humeur mondaine , se nomme Nicolas Diat. On ne juge pas trop catholique sa publication des ouvrages du cardinal Sarah et on ne saurait donc lui apporter un pardon trop chrétien. C’est que l’éminence, probablement moins infailliblement papiste que nos deux journalistes, recommande aux migrants musulmans de demeurer chez eux pour construire leurs pays et va même jusqu’à ordonner la charité à l’égard des malheureux européens en danger. Étrangement, nos deux journalistes progressistes, ordinairement sensibles aux différences chromatiques et au privilège blanc, ne précise pas que ce cardinal, ferme envers l’immigration forcée est né dans un village du nord de la Guinée. On ne doit pas troubler le lecteur dans ses certitudes savamment cultivées.

Agression de catholiques à Nanterre : « Un symptôme du délitement de la nation »
Mais ce sont surtout de prestigieux auteurs qui font les frais de l’étrange ironie du quotidien autrefois vespéral. Quatorze écrivains de grande réputation, inconscients du danger, ont cru devoir publier un ouvrage intitulé « Trois jours, trois nuits » et ont accepté de reverser leurs droits pour la restauration de l’abbaye. Le livre co-édité par Fayard et Julliard aurait bénéficié d’une promotion « Bulldozer » et troublé la paix … Pareille infamie méritait sans doute un traitement particulier. Ainsi , Franz-Olivier Giesbert est traité par les hommes du Monde, sans doute dénués de pouvoir médiatique, de « médiacrate » et Sylvain Tesson, voyageur au long cours peu mondain, morigéné pour n’avoir pas « hésité à participer le 13 octobre à une conférence de l’association proche de l’extrême droite SOS chrétiens d’Orient qui entretiendrait l’idée d’une guerre de civilisations entre chrétiens et musulmans ».
Il est vrai que quelqu’un qui se bat pour améliorer le sort funeste des chrétiens en pays musulmans ne peut être qu’un dangereux raciste belliciste.

Pour faire un sort définitif au livre, parole est donnée à l’historien Patrick Boucheron, qu’on se garde bien de situer à l’extrême - gauche puisqu’elle n’existe pas dans le champ lexical mondain. Celui-ci décrète finement : « Ce livre est une démonstration de force, une force que nous n’avons pas et que nous ne leur envions pas. On n’a aucun problème avec le fait que des écrivains de droite publient des livres de droite ( Note de l’auteur : Trop aimable) mais qu’on ne mente pas sur la marchandise, ce n’est pas un livre de spiritualité ». À ce stade, nos deux journalistes n’estiment pas nécessaire de devoir préciser que l’ouvrage collectif excommunié, enfanté à Lagrasse, n’est aucunement présenté comme un livre religieux mais seulement comme un « grand voyage » et un recueil de « promenades singulières » …
Ces chanoines conservateurs vécus donc comme des envahisseurs

Gilles-William Goldnadel

Mais le pire n’était pas encore lu. On décide de recueillir les fortes paroles du maire socialiste de la commune de Lagrasse sur ces chanoines conservateurs vécus donc comme des envahisseurs, puisque selon les journalistes, ceux-ci ont « investi » un lieu qui était jusqu’en 2004 occupé par une association littéraire de gauche. Je cite l’édile local qui évoque une « colonisation » du village. « Ce qui nous inquiète le plus c’est que les familles de la grande bourgeoisie liées aux chanoines ont acheté une dizaine de maisons dans le village. Ils sont de plus en plus présents ». Cet élu progressiste qui doit ordinairement chanter les vertus de l’hospitalité sans préjugés en veut pour preuve l’apparition de nombreux « noms à particule sur les listes de scrutin » scrutées scrupuleusement. Notre imagination est impuissante à décrire le sort d’un maire dans le Monde ou en justice qui, Dieu l’en garde, s’inquiéterait de la colonisation islamique de sa ville en scrutant les Ali et les Mohamed sur les listes électorales.
J’écrivais donc que la même semaine, par un hasard cosmique ou relevant de la volonté divine, Guillaume Gendron écrivait dans Libération un article de la même eau, en plus fangeuse, à propos de cette même abbaye audoise et de ses chanoines dont on nous expliquait que l’influence était surestimée et qu’il fallait donc éviter de trop médiatiser. Un préfet incapable de se défendre pour cause de décès était jeté en pâture en susurrant sans le moindre début de preuve que ce défunt trop laxiste aurait eu des indulgences coupables pour des scouts catholiques soupçonnés de s’être livrés à de sombres besognes.

J’en viens à la nature de la méchante farine catophobe. Le candide pourrait y trouver les ingrédients d’un laïcisme pur et dur. Mais ce laïcisme-là n’a ni la même pureté ni la même dureté lorsqu’il s’agit de regarder certains serviteurs autrement plus zélés et parfois plus dangereux de la religion de l’Autre.

Pour le dire plus crûment, la religion de la vieille France des vieux blancs.
Gilles-William Goldnadel

Non, cette phobie sans finesse ni aménité est réservée à la religion du vieux peuple, avec ses vieux prénoms et ses vieux noms avec ou sans particules. Pour le dire plus crûment, la religion de la vieille France des vieux blancs. Celle qu’on voudrait voir condamnée à porter sa croix. Mais qui ne veut plus tendre la joue au joug de ceux qui ne préfèrent le lointain que pour mieux mépriser leurs prochains. »

Site source :

le figaro